smell smoke, perfume, whisky and wine

Il y a eu le premier regard, échangé après des présentations brèves. Une amie en commun, une soirée étudiante un peu trop arrosée, puis des cafés, des déjeuners, des promenades. Des sourires, des révisions partagées, la même passion pour le droit. Puis le premier baiser, un amour dévorant, de ceux qu'on voit dans les films, des nuits blanches, des courses effrénées dans les rues de New-York, les comédies musicales à Broadway, les disputes, les réconciliations. Elle n'avait jamais connu ça, Nora, elle était une adolescente amoureuse, follement, désespérément amoureuse, entraînée par leur mains liées dans une passion dévorante. Et il lui a passé la bague au doigt, juste avant qu'ils n'obtiennent leur diplôme, comme ça, sans genou à terre, au cours d'un dîner improvisé. C'était simple, compliqué, grand et imprévisible. Et elle s'est laissée prendre au jeu, sans même résister. Parce que l'amour est une chose incontrôlable, et qu'elle savait qu'elle donnerait tout pour passer le reste de sa vie avec ces yeux bruns.
Elle fixe le réveil sur la table de nuit, allongée sur le côté, les sourcils froncés. Le soleil se lève à peine, elle en voit les rayons qui viennent s'écraser sur le papier peint. Elle soupire, doucement, elle ferme les yeux, se recroqueville sous le draps. Elle a ce trou dans la poitrine, le cœur battant et les mains moites, son parfum incrusté dans sa peau, et elle a l'impression qu'il lui faudra des heures à frotter pour qu'il disparaisse. Elle se glisse hors du lit, un lit qu'elle ne connaît pas, et qu'elle a pourtant partagé pour une nuit. Elle enfile ses vêtements, discrète, légère, elle se retourne une fois, juste avant de quitter la pièce, l'appartement, et elle regarde son visage endormi, sa barbe mal rasée, et elle réprime un sourire, un soupir. Elle se mord la lèvre et part sans un mot, sans un au revoir, elle fuit, parce qu'elle ne peut faire autre chose. Parce qu'il y a cette anneau qui la brûle à sa main gauche, et qu'elle ne sait pas comment elle pourra supporter son propre regard, lorsqu'elle tombera nez-à-nez avec son reflet.