can you repeat the question ? – oona

o & z

Ziggy ouvre un oeil, puis deux. La télévision est toujours allumée, sert de fond sonore. Il peste, contre le soleil qui manque de lui brûler la rétine, s'étire. Le canapé semble être devenu son lieu favori, dans cet appartement de toute façon bien trop grand pour lui. Il se relève, lentement. Foutu mal de dos. Serait-ce la quarantaine approchant dans toute sa splendeur ? Le présentateur ne préfère pas répondre à cette question. Il se contente de soupirer, devant les quelques bouteilles des derniers jours jonchant encore le sol. Pour changer, tiens. Elles ne sont pas aussi nombreuses qu'elles auraient pu l'être, certes. Mais elles étaient là, de toute même – et là résidait tout le problème. La sonnette se fait soudainement entendre. Ce n'était donc pas une partie de son rêve qui l'avait réveillé mais bien la réalité. Rapide regard vers sa montre. Neuf heures et quelques. Visite pour le moins matinale, mais de qui ? Pendant une seconde, il espère retrouver Diana, derrière la porte. Il traine des pieds jusqu'à celle-ci et l'ouvre, sans vraiment réfléchir. Et puis, il se fige. Sous ses yeux, une jeune fille. Retour en arrière, vingt ans plus tôt. D'abord, Ziggy croit la voir, elle. Lola. C'est que les traits de la demoiselle sont les siens. Enfin, presque. La gosse est brune, comme Lola était blonde. Mais qu'importe. Elles avaient le même regard, la même aura. Ziggy ne saurait dire quoi exactement. Mais c'était bien là, à le narguer, à le faire hésiter. « Hum... Je peux vous aider ? » Il se reprend pourtant bien vite, Ziggy. Sûrement une coïncidence, qu'il se dit. Une fan pour le moins dévouée, qui après maintes recherches, a mis la main sur la bonne adresse de son animateur préféré. Ni plus, ni moins. Il pourrait s'énerver, clamer haut et fort son droit à la vie privée mais la gamine a l'air assez inoffensive. Alors, il opte pour un demi-sourire, en espérant qu'elle prenne au mieux une photo et disparaisse.

Les relations familiales. Sans doute les relations les plus dures à comprendre. Une mère qui m’aime. Un beau-père qui veut remplacer un père que je n’ai jamais connu. Mais il n’a pas le même sang que moi. Je fais cette différence. Je ne l’ai jamais aimé. J’ai beau avoir fait des efforts. Rien n’y a fait. Et hie soir, c’était le coup de trop. Pour qui se prenait-il pour me donner une gifle ? Pour qui se prenait-il pour m’interdire de sortir ? Je ne suis personne pour lui. Ou du moins juste sa belle-fille. Enfin, je ne savais pas vraiment si ça s’appelait ainsi. J’avais fait ma valise. Il avait voulu me retenir. Ma mère aussi. Mais ma décision était prise. J’allais partir chez ce paternel qui n’avait jamais fait partie de ma vie. Qui n’avait jamais voulu de moi. Ca m’effrayait mais je ne voyais pas d’autres solutions. J’avais cette impression d’être étouffée, oppressée. J’étais allée à la gare routière pour prendre le premier bus que je trouverais. J’avais eu une correspondance au milieu d’un état complètement paumé et j’étais arrivée à New-York sur le coup des huit heures. J’avais opté pour un taxi, bien que le chauffeur m’eût prévenu que ce serait cher. Qu’importe. Je ne voulais pas prendre les transports en commun avec ma valise. Il y avait des embouteillages. J’avais l’impression que je n’arriverais jamais. Après être restée une heure dans ce taxi, il me déposa devant la maison en question. Je réglais la facture et descendis de la voiture jaune. Ma valise à roulette derrière, j’allais sonner. J’espérais qu’il ne dorme pas. Lorsqu’il ouvrit la porte, je le vis encore un pyjama. Ou du moins quelque chose qui ressemblait à un pyjama. Il ressemblait à ce qu’il montrait à la télé. En même temps, c’était la même personne mais bon… Ca faisait bizarre de me retrouver là. Après quelques secondes de silence, je répondis :

« Euh… Bonjour. Je m’appelle Oona Winsburry et… » Comment pouvais-je lui annoncer cela sans que ça paraisse abrupt ? Je pense qu’il n’y avait pas de recette miracle. Je lui dis donc : « Je suis votre fille. » Je marquais une brève pause avant d’ajouter : « Ma mère s’appelle Lola, je ne sais pas si vous vous souvenez d’elle… »

Gros malaise. J’avais envie de me terrer dans un trou de sourie. Ca faisait vraiment bizarre d’être face à lui. Sachant que je n’avais aucune idée de la façon dont il réagirait en apprenant cela. Peut-être qu’il nierait la connaître. Peut-être qu’il ne s’en souviendrait plus. J’attendis donc sa réponse.