LUX TENEBRAE W/PAL

Invité

Lux Tenebrae
Il glisse dans la nuit comme l'écume glisse sur l'eau turquoise qui nimbe les plages, il vient écraser le mégot qui pendait à ses lèvres d'un coup de talon comme on écrase le cadavre d'un vieux rêve qui finit par nous échapper à trop l'avoir rêvé. Il revient de la coté, il a encore le vent dans le cheveux qui dégoulinent sur son visage et cachent les perles fauves, l'air salin contre la peau lisse de la jeunesse new-yorkaise qu'un seul bord de mer ravive comme une crème fouette la peau. Il connaît la ville depuis sept ans Hercule, des années qui demandent deux mains pour être comptées maintenant, les deux mains gauche qui se cachent dans les poches du blouson noir. Chaque fois qu'il sort, chaque fois qu'il prend un grand bol d'air frais, il vient le prendre d'abord sur le rivage qui scintille avant de rejoindre les éclats des gyrophares, abandonne alors le cris des mouettes à celui des pneus, bien plus industriel, le hard rock de la ville contre un classique de paysage sur lequel son âme danse sans jamais s'accrocher à l'un, sans jamais délaisse l'autre, amant de la lune fidèle au soleil, il slalome entre les taxis et se cache dans le métro, il vagabonde comme un animal errant, un oiseau qui a perdu son nid et son nid il l'a creusé ici entre la terre et la mer dans un appart' et entre quelques connaissances qu'il fréquente trop rarement. Peut-être bien que de son nid il est tombé, ça expliquerait le gars flanqué à ses cotés, ça expliquerait les journées passées sur un banc à gueuler, ça expliquerait pourquoi à trente balais il livre des pizzas, ça expliquerait tout ça, si seulement il se donnait la peine d'y penser. Peut-être d'accepter un peu que c'est mal barré. Un appel au secours qui n'a jamais tué personne. C'est chaud, où il vit, c'est en sécurité, c'est loin du froid, loin des griffes du béton, New-York ça vibre et même après sept ans ça fait un coup à l'estomac de voir les buildings qui grimpent jusqu'au du ciel, il pourrait le dire qu'il se sent mal à l'aise, qu'il a le vertige, celui de marcher celui de vivre aussi. Il perd l'équilibre à chaque seconde, se rattrape pour mieux ciller, c'est dans un blouson et une tenue qui lui donne l'air d'un bad guy qu'il se sent un peu moins seul, un peu moins vulnérable. Et pourtant il sait qu'il est d'autant plus parce que ses poings ne sont jamais des armes, lancés en l'air, avec ses cris et sa folie et comme les clopes ils retombent par terre et se fige en poussière, la poussière d'une pitié qu'il a du mal à accepter. Soho c'est trop riche pour lui, Soho c'est trop violent pour lui, tout c'est qui est trop et qui colle à sa peau devient son berceau pour la nuit. « Mate ce mec. » Il a jamais eu le verbe tendre ni même été attiré par la poésie, il parle en vers de la cité dans le langage qu'on frappe comme la monnaie sale et l'asphalte, ça regarde pas, ça pose son regard et ça juge directement sans prendre son temps. Le mec en question qui a rien demandé, un peu mal sapé, mais ça lui va, forcément. Le genre de gars qui vit avec son temps et son argent et qui dépense pas tout dans des fringues vains mais qui essaye sans doute de se payer une meilleure ville, et on se paye sa tête. Et on paye et on achète tout ce qui nous passe par la tête. « Meeec. On dirait gollum. » Il parle sans doute de son crâne rasé, peut-être parce qu'il est malade, un cancéreux ou un type qui voulait juste pas s'emmerder avec une tignasse comme celle qui couvre son visage. Coup de coude complice, il sait où sa mène, il se provoque, il provoque. © 2981 12289 0