but everything means nothing if I ain't got you (Jon)

Anabela détestait être en retard et pourtant, elle l'était indéniablement, pour un rendez-vous amoureux. Jon l'avait convié dans un restaurant chic et délicieux à la fin de sa journée mais une cliente exigeante de dernières minutes à qui les dessins d'une robe de mariée ne convenait pas avait retenu la cubaine à son bureau. Elle avait voulu envoyer un message à son amoureux afin de le prévenir mais n'avait plus de batterie. Damn it ! Perché sur ses talons dans une petite robe de cocktail peut-être un brin trop court pour son homme, Ana foula le sol de l'entrée du restaurant. Elle indiqua à l'homme qui faisait l'accueil qu'elle rejoignait un dénommé Coleman et on l'amena vers un endroit reculé si ce n'est isolé du restaurant où elle découvrit son amoureux, sa moitié, dans un costume qui lui allait à ravir et dont la couleur faisait incroyablement ressortir le bleu clair de ses yeux. D'un pas décidé, Ana s'en approcha et posa sa main sur son épaule pour lui signifier sa présence. – Navrée du retard, Jon. J'ai été retenue au travail et mon téléphone est en rade, expliqua-t-elle avec un petit sourire avant de se glisser sur la chaise d'en face. Là, elle tendit la main sous la table, dissimulée par une nappe, pour poser celle-ci sur son genou, tendrement. Ce geste tendre était à l'abri des regards indiscrets. Ana et Jon préféraient rester discrets sur leur relation qu'ils n'avaient pas officialisée même si les médias se doutaient très sérieusement de quelque chose. – Tu vas bien ?, s'enquit-elle en penchant légèrement la tête sur le côté alors qu'un serveur venait leur donner deux flûtes de champagne. Elle pressa ses doigts contre le genou de Jon. Indéniablement, elle était éprise de lui. Elle l'aimait comme elle n'avait jamais aimé. Pour elle, sa vie allait se dérouler et s'achever à ses côtés. Jon était l'homme de sa vie.

Ana était béate d'admiration devant le physique de dieu grec de son compagnon. Il était beau, elle ne lui trouvait aucun défaut. Il la complimenta, déclenchant le sourire de la cubaine. Cela se voyait dans les yeux de l'homme qu'il la trouvait belle et dans ses yeux, Ana acceptait ce physique qu'elle avait toujours eu du mal à accepter malgré sa profession de modèle : elle se trouvait trop petite, trop ronde. – Merci, souffla-t-elle en caressant la paume de la main de Jon avec son pouce, y traçant des formes imaginaires, un petit nuage, un petit cœur, qu'importe. Ils trinquèrent. Elle porta ses lèvres maquillées à la flûte pour en boire une première gorgée alors que Jon s'inquiétait quant à sa journée. – Fatiguée mais comblée d'être à tes côtés. Elle s'était levée tôt comme chaque matin et ne s'était pas arrêté de la journée sauf pour grignoter un sandwich, en dix minutes, et avaler un café corsé pour tenir bon afin d'être en forme ce soir, en compagnie de son amoureux.Comme toujours, Jon lui demanda d'évoquer sa journée alors qu'ils ne partageaient pas du tout les mêmes professions ni les mêmes passions. Il s'intéressait toujours à elle et inversement. C'est ce qu'elle aimait chez lui : dans ses yeux, dans ses gestes, Ana avait l'impression d'être la huitième merveille du monde. – Je dois recommencer toute la robe de mariée sur laquelle je travaille depuis une semaine, annonça-t-elle dans un soupir dépité. Ana travaillait de très – trop – nombreuses heures depuis une semaine sur une robe pour une riche cliente très exigeante à qui rien ne convenait plus alors qu'elle avait validé le dessin de la brune, à l'origine. Elle entrelaça ses doigts à ceux de Jon et se mordit la lèvre tout en l'observant d'un air admiratif. – Autrement la routine du travail. Et toi ? J'ai entendu d'une oreille ton émission retransmise à la radio, c'était sur les cubains ; mon père serait fier de toi, plaisanta Ana. Le père d'Ana détestait cordialement Jon, ils le savaient. Elle n'avait néanmoins pas entendu la réplique qui la concernait. Ana ne savait pas comment aborder la nouvelle proposition qu'un photographe lui avait fait, connaissant la jalousie dont pouvait faire preuve Jon.

Ana savait très bien pourquoi son père n'appréciait pas Jon. Parce qu'il était plus âgé et qu'il n'avait pas les même opinion politique qu'eux. Dès qu'Ana lui avait parlé de cette relation, il avait été contre. Il avait dit qu'il ne changerait pas d'avis et elle le connaissait suffisament pour savoir que cela ne changerait jamais. Elle sentit l'amertume dans la voix de son adonis mais n'en tint pas rigueur : comment réagirait-elle également, à sa place ? Devant elle, les parents de Jon sont plus discrets sur l'animosité qu'ils éprouvent à l'égard de la cubaine. Jon la connaissait trop, si bien qu'il insista sur son état. Ana but une nouvelle gorgée de champagne avant de hausser les épaules. Comment introduire la question ? Elle balada son doigt autour du verre, hésitante. – Jon, tu ne vas pas être très content, il me semble. Elle le connaissait suffisament, elle également, pour savoir qu'il ne serait pas content ni favorable à ce projet professionnel qui pourtant, elle, lui donnait envie et pouvait être capital pour sa carrière, à l'étranger, en dehors des Etats-Unis où Ana avait déjà une certaine influence. – Un photographe me propose un contrat, annonça la cubaine. Jusque là, rien de nouveau. Ana pratiquait le modeling depuis presque dix ans, depuis qu'un homme l'avait repéré dans la rue avec sa mère. Elle avait néanmoins de plus en plus de contrat et cela ne plaisait pas à Jon, pour une raison obscure. – Un contrat à l'échelle européenne qui me permettrait d'être connue là-bas, expliqua-t-elle. Ana préférait poser tout les avantages sur la table pour tenter de convaincre au possible son compagnon qui lui caressait toujours la main. Elle sourit en regardant leurs mains enlacées. Ana sortit son téléphone et lui tendit, afin de lui montrer le travail du-dit photographe. C'était des photos en noir et blanc, pour la majorité, mais surtout, du nu artistique. On suggérait plus qu'on ne dévoilait. Ana mordit sa lèvre maquillée tout en observant à la dérobée Jon, guettant sa réaction. – Est-ce que cela te dérangerait que je pose pour des clichés comme ceux-là ?

Le corps de Jon parlait pour lui. Ana savait déjà qu'il dirait non mais cela se confirma lorsqu'il croisa les bras et s'enfonça dans le dossier de sa chaise. Ana baissa les yeux, ses joues s'empourprant et elle préféra boire une longue lampée de champagne plutôt que d'affronter le regard de son petit-ami. Rendre sa carte de presse. Ana leva les yeux au ciel. Elle savait très bien ce que cela signifiait : il était prêt à accepter de travailler pour Donald Trump. – Donc tu vas aller travailler pour cet abruti d'intolérant qui a fait de la télé-réalité ?, s'exclama Ana, scandalisée. Si Jon le souhaitait, elle le laisserait faire mais elle ne comprendrait pas ce choix. Son travail, contrairement à un shooting nu, ne risquait pas de la blesser si bien que pour elle, elle n'avait pas réellement son mot à dire, simplement son opinion. – Fais attention, Clinton remonte dans les sondages. Elle était républicaine, elle suivait de près la campagne d'Hilary Clinton. A propos de politique, Jon et elle n'était pas d'accord du tout, c'était le cas de le dire. Elle prononça cette phrase sur les sondages avec un petit sourire malicieux alors que Jon annonçait son refus ferme qu'elle ne participe à ce shooting. Ana laissa échapper un petit soupir avant de froncer les sourcils, ne comprenant pas tout à fait où il désirait en venir avec ses propos. – Donc tu as peur de ton image vis à vis des médias et pas du fait que ta copine soit regardée par d'autres hommes ?, demanda-t-elle. – Pourquoi tu dis « aussi » ? On t'as encore fait des remarques par rapport au fait que tu me fréquentes ? On avait parlé longuement de Jon et d'elle par le fait qu'ils aient douze ans d'écart et qu'elle soit d'origine cubaine. Ana était rodée, habituée. A nouveau, supportant difficilement de le voir contrit et vexé, Ana posa sa paume grande ouverte sur la table pour qu'il mette sa main dans la sienne. – Même si on ne voit pas un seul bout de seins, tu ne veux pas ?, insista-t-elle.