tequila and chocolates / henley

Beatrice avait passé sa journée à procrastiner, évitant l'intimidante page word qui demeurait blanche. Son curseur qui ne cessait de clignoter avait le don de l'agacer fortement alors, pour le fuir, elle se trouva bon nombre d'excuses, passant d'une envie de café insurmontable à sa lessive à faire. Quand elle arriva au bout de sa liste et qu'elle ne trouva plus aucun prétexte, elle décida qu'il était grand temps de prendre une pause pour aller voir sa meilleure amie Henley qu'elle n'avait pas vu depuis quelques jours. Comme à son habitude, Bea ne prit pas la peine de s'annoncer, elle débarqua à l'improviste, mais avec des chocolats et une bouteille de tequila. Malgré la naissance d'Emilia, la jeune Cleveland désira que sa meilleure amie garde une vie sociale active, loin du cliché des mères célibataires s'enfermant dans leur quotidien et se coupant du monde. Elle frappa à la porte de l'appartement, attendant une réponse. Rien. A mesure que les secondes défilaient, Bea perdit son sourire, s'avouant vaincu. Elle regarda sa montre, il n'était qu'à peine dix-huit heures. C'est sans doute pour cela que les gens appellent avant de passer, pensa-t-elle un instant, se maudissant de ne pas être comme tout le monde. Tiraillée entre l'idée d'attendre et celle de partir, Bea regarda autour d'elle à de nombreuses reprises, espérant voir Henley apparaître à tout moment. Elle demeura ainsi pendant un bon moment avant de décider de prendre place plus confortablement. Beatrice s'adossa contre le mur et se laissa glisser par terre jusqu'à s'asseoir sur le sol. Les minutes semblèrent des heures. Elle s'amusa à faire des grimaces étranges avec sa bouche, puis elle perdit son temps à stalker les gens sur facebook et instagram – et surtout son ex, Isaac, même si elle assurait à tout le monde qu'elle était bel et bien passée à autre chose et ce depuis longtemps. Tous ses comptes étaient bloqués et elle ne pouvait donc pas y accéder. Elle soupira. Ils étaient devenus deux étrangers et ne rien savoir de la vie de l'homme avec qui elle avait partagé un bout de chemin était tout simplement très douloureux. Mais elle n'avait pas le droit de s'en plaindre, après tout, c'est elle qui avait choisi de le quitter et de la pire façon possible. Elle rangea son téléphone, bien décidée à penser à autre chose, mais soudain, la lumière automatique du couloir s'éteignit, la laissant dans le noir complet. Elle tâta le mur de sa main droite à la recherche de l’interrupteur, mais sans grand résultat. Beatrice Cleveland était condamnée à ruminer sa vie, seule et dans le noir. Mais heureusement pour elle, elle n'était pas venue les mains vides. Tout commença avec la boite de chocolats. Elle en prit au hasard, jugeant par la forme de ceux-ci. A plusieurs reprises, elle recracha ceux à la liqueur, se demandant qui pouvait bien les aimer. Et puis, elle fit le lien malheureux entre ces chocolats et elle-même. Bea était un chocolat à la liqueur, destinée à finir sa vie seule, délaissée de tous, au fond de la boite. Sur cette pensée, elle ouvrit la bouteille de tequila pour faire passer le tout – les mauvaises ondes et les mauvais chocolats. L'alcool lui brûla la gorge et très vite, l'attente ne sembla plus si longue. Une bonne demi-heure plus tard, la lumière se ralluma et Henley fit finalement son entrée dans le couloir. Bea tenta de se relever et manqua de trébucher, ce qui lui arracha un rire amusé.
- Hey Henley ! J'ai ramené le ravitaillement !
Dit-elle en montrant la boite de chocolats à moitié vide et la bouteille déjà bien entamée.

Henley n'avait pas beaucoup dormi la nuit dernière. En effet, sa fille n'avait pas arrêté de pleurer et malgré tous ses efforts, la jeune maman n'avait pas été en mesure de trouver la cause de son mécontentement. En maman prévoyante, Henley avait pris la décision de se rendre à la clinique afin de s'assurer que tout allait bien et puisque pour une fois, elle n'avait pas à se soucier du boulot. De toute manière, ses contrats l'auraient attendu. Emilia était sa priorité, peu importe ce qui pouvait se passer à l'extérieur. Elle finissait toujours par s'en sortir de toute manière et le plus important était de s'assurer que sa fille était bien. Elle avait quitté son appartement tôt afin de ne pas se retrouver à attendre des heures pour voir le médecin, ce qui pouvait parfois être le cas. Elle espérait simplement que tout irait bien, rien d'autre n'était important. Sa fille était son univers. Elle savait qu'avec l'absence de son père, elle devrait essayer de compenser et d'être présente le plus possible. Elle ne voulait pas que sa fille puisse manquer de quoi que ce soit lorsqu'elle viendrait en âge de comprendre que son père n'était plus de ce monde. Et même si cela signifiait qu'elle se consacrait complètement et totalement à Emilia, Henley n'en ferait pas moins. Elle ne pensait plus pour elle-même, mais pour sa fille. Tant et aussi longtemps que son bébé allait bien, elle aussi. Toutefois, elle avait parfois l'impression de réellement manquer de temps. Elle voyait les semaines passées à toute vitesse et elle avait remarqué qu'elle n'avait pas vu Bea depuis un moment déjà. Elle savait bien que sa meilleure amie de la tenait pas responsable et qu'au contraire elle était plutôt compréhensive et présente dès qu'elle le pouvait bien qu'elles ne se voyaient plus autant ces derniers temps. Lorsqu'elle fut finalement sortie de la clinique, elle se dit qu'elle passerait un coup de fil à sa meilleure amie puisqu'Emilia dormait finalement. Alors qu'elle arriva dans le couloir, la belle entendit la voix de sa meilleure amie, imprenable et visiblement un peu partie. « Hey, on va entrer, okay? » lui proposa Henley en arrivant chez elle, remarquant la bouteille et les chocolats que sa meilleure amie avait en mains. Elle était soulagée que sa fille soit endormie, mais elle se demandait bien où cette soirée les mènerait. « Désolée, j'ai eu une journée chargée. » Lui expliqua Henley. Habituellement elle aurait été chez elle, elle sortait rarement en soirée, mais aujourd'hui avait été une situation unique. Heureusement tout semblait être entré dans l'ordre et sa fille irait mieux d'ici quelques jours avec beaucoup de repos. « Tu es là depuis longtemps? » Lui demanda-t-elle. Elle espérait qu'elle n'avait pas eu à attendre trop longtemps. Elle laissa entrer Bea dans l'appartement avant de refermer derrière elle, elles seraient bien plus confortables chez elle, elles n'avaient pas passé une soirée comme ça depuis trop longtemps. « Je vais aller coucher Em, je reviens. » ajouta Henley avant de se diriger vers la chambre de la petite. Elle l'installa confortablement avant de revenir à sa meilleure amie, à laquelle elle pourrait donner toute son attention. Elle était d'ailleurs bien curieuse de savoir comment elle allait et d'enfin pouvoir passer un peu de temps pour se concentrer sur Bea.

Une fois relevée et en alerte face à une Emilia endormie, Béa tenta de rester silencieuse, tout du moins, le plus possible, pour ne pas la réveiller. Elles n'avaient que trois ans d'écart et pourtant, Henley était déjà maman. Béa trouvait toujours l'idée absolument folle, car cela la renvoyait à sa propre situation. Elle ignorait si elle avait envie de devenir maman. En tout cas, elle ne s'en sentait absolument pas prête, au risque de ruiner la vie d'un petit être qui n'avait rien demandé. Mais Henley, elle avait cela dans le sang. En tout cas, c'est ce qu'elle laissait à penser. Tout semblait si simple avec elle, c'est pour cela que Béatrice l'aimait beaucoup. La vie paraissait plus facile à ses côtés. - Ne t'en fais pas, lui dit-elle pour la rassurer en la suivant de près pour entrer dans son appartement. Un lieu qu'elle aimait particulièrement pour sa chaleur et ses bonnes ondes, à l'image de sa propriétaire. - Je ne sais plus trop, pour être honnête. Mais ne t'en fais pas, tu es là à présent et c'est le principal, affirma-t-elle en adressant un clin d'oeil à sa meilleure amie. - Bonne nuit Mimi, dit-elle en faisant un signe de la main, pas réellement consciente que l'enfant était endormie et que, par conséquent, elle était incapable de lui répondre. En réalité, elle n'y prêta pas plus attention que cela, prenant place en tailleur sur le canapé d'Henley. Même si elles étaient proches, les deux jeunes femmes ne s'étaient pas vus depuis quelques temps à cause de leurs trains de vies respectifs. Vivre à New York était déjà assez compliqué en soi, mais le travail et les obligations en rajoutaient une couche. Surtout pour Henley qui ne pouvait plus se permettre d'être égoïste puisqu'elle devait penser pour deux. Béatrice posa la bouteille et les chocolats sur la table basse, attrapant un magazine qui trainait par-là. Elle fit les gros yeux en le feuilletant, affolée par ce qu'elle pouvait bien y lire. Lorsque sa meilleure amie entra à nouveau dans la pièce, elle balança ce torchon. - Chaque fois que je lis ce genre de choses, j'ai l'impression d'avoir dix kilos en trop, c'est affolant, dit-elle avec un petit rire pas si amusé que cela. Néanmoins, Béatrice était une femme bien dans sa peau. Et aucun article, ni aucune photo ne pouvait y changer quoi que ce soit. Et surtout pas après avoir été aimé comme Isaac l'avait aimé, chérissant chaque parcelle de sa peau, chaque détail de son corps. C'était idiot de s'en remettre à l'approbation d'un homme, mais cela avait été bien plus que cela. Isaac lui avait appris l'amour d'une âme par le biais d'un physique. Un des plus beaux cadeaux que cette terre puisse porter. Mais très vite, elle chassa cette pensée de son esprit. Un an après, elle pensait encore quotidiennement à lui, comme une ancre la maintenant au port. Elle devait cesser au risque de s'empêcher d'avancer. Et même si elle n'en avait pas envie, elle devait le faire. La vie devait continuer. - Alors, quoi de neuf ma jolie ? Lui demanda-t-elle en lui faisait signe de prendre place près d'elle, sur le canapé.