(marnie) blame it on me

Ryan, elle vivait pour la démesure. Le grand, le très grand, elle voulait être en haut, regarder le monde du dernier étage de la plus haute tour. Et en se tournant, en posant les yeux sur la vue que lui offrait son bureau, elle était submergée par la sensation d'avoir enfin réussi. Mais aujourd'hui, c'était différent. Aujourd'hui, Bea avait pointé son petit visage parfait dans sa vie, réduisant presque à néant tout ce qu'elle avait construit. Alors aujourd'hui, il n'y avait pas de regard jubilatoire porté sur les hauteurs. Non, on regard était porté sur la porte, parfois sur l'horloge, sa montre ou n'importe quel objet qui lui indiquerait l'heure. Ryan soupira, faisant claquer ses ongles parfaitement vernis sur le bois de l'immense bureau. Et puis, elle entendit les pas dans le couloirs, et fit mine de se concentrer sur le dossier posé devant elle, auquel elle n'avait pas touché depuis son arrivée. Elle ne releva même pas la tête lorsque la petite brune passa la porte, et se contenta d'affirmer, d'une voix plus monotone que sèche : - En retard. En vérité, elle n'était en retard que de quelques minutes à peine, mais Ryan, elle avait besoin d'être supérieure, de donner des ordres, d'affirmer, d'autant plus désormais que Bea n'était plus seulement l'idée qu'elle en avait gardé depuis un an. Elle releva ses yeux bleus vers Marnie, se raclant doucement la gorge. - Tu n'as pas de montre, peut-être ? Elle lui lança un regard qui se voulait accusateur. Bea n'étant pas aux alentours, Marnie était le seul moyen d'évacuer la pression, la frustration, aussi injuste que ça puisse paraître. La vie était injuste, elle était bien placée pour le savoir. - Est-ce que tu es passée chercher ma robe au pressing ? Dans un sens, elle espérait qu'elle aie fait une erreur. C'était bien plus simple de lui en vouloir pour une bonne raison, plutôt que de s'acharner sans motif valable. Elle avait reposé ses yeux sur le dossier, ne daignant même pas lui accorder un regard, plus parce qu'elle craignait qu'elle y voit sa douleur que par pur dédain. - Tu as mon café ?

Elle était d'une humeur exécrable, Ryan. Pire que d'habitude, sa frustration n'avait aucune limite aujourd'hui, et tout ce qu'elle avait en tête c'était le repas qu'elle avait passé avec sa sœur et sa mère. Alors, sa petite assistante se devait d'être parfaite sous tous les points, c'était indispensable si elle tenait à son job, à son moral aussi peut-être. Rhiannon ne serait pas tendre, aujourd'hui, non pas qu'elle ne l'était jamais, au contraire. Il lui arrivait parfois d'être plus douce, souriante même, parce que malgré tout, elle appréciait Marnie et sa bonne humeur infinie, ses grands yeux bruns et cette façon qu'elle avait de répondre à tout ses caprices. Aux yeux de la big boss, elle était ce qui se rapprochait le plus d'une amie. Mais pas aujourd'hui. Aujourd'hui, elle avait besoin d'erreurs, de bafouillages, de quoi s'acharner sur la pauvre brune, même si elle s'en voudrait sans doute le soir-même, lorsqu'elle y repenserait en allant dormir. - Comme tous les matins. J’ai aussi ramené la maquette du prochain numéro avec les modifications nécessaires. Elle sourit, satisfaite tout en étant déçue. Elle l'aurait bien renvoyée au starbucks immédiatement, dans un aboiement qui débuterait la journée en beauté. Elle posa le gobelet en carton sur le bureau, et Ryan s'empressa d'en boire une gorgée, attendant qu'elle lui donne la maquette. Elle la vit s'affoler, tentant visiblement de cacher une panique qui pourtant clignotait comme une enseigne d'une boîte de nuit ringarde. - Enfin je l’avais à la main il y a dix minutes, je… Elle lui lança un regard, l'air de dire « oui, et ? Qu'est-ce qui t'arrive ? ». Et la sentence tomba. - J’ai du la laisser sur mon bureau ou hum, peut être au coffee shop où je… Nous y voilà. Elle posa le café, serrant ses doigts autour du carton. Il lui fallu un temps, quelques secondes, pour se rendre compte de la situation. - Tu veux dire que tu as perdu la maquette du prochain numéro. Elle serra la mâchoire, elle avait parlé d'une voix qui se voulait calme, posée, mais intérieurement elle bouillonnait. Si elle voulait des erreurs, elle était servie. Mais ce n'était pas forcément à ça qu'elle pensait. Elle s'appuya contre le dossier de son fauteuil, se passant les deux mains dans les cheveux, puis sur le visage. - C'est pas possible, murmura-t-elle pour elle-même. - Comment tu as pu oublier un truc aussi important dans un foutu coffe shop. C'était plus que nécessaire, et toute la rancœur qu'elle éprouvait deux minutes auparavant n'en fut qu'amplifiée. Elle se leva, s'appuyant sur le bureau, légèrement penchée en avant, comme pour se donner une posture, une importance. - Et donc ? On fait quoi maintenant ? On attend qu'elle réapparaisse comme par miracle sur mon bureau ? Hm ? Elle la fusilla du regard, et ajouta : - T'aurais peut-être dû préciser « incapable » dans la catégories des capacités sur ton cv.