— tc, wallaby on the run

Un café, en terrasse – Maebh avait trouvé ce petit café au cours d'une ballade dans les rues de Brooklyn, alors qu'elle venait tout juste de débarquer à New-York. Voilà quelques mois, maintenant, qu'elle s'y rendait au mois trois fois par semaine, pour prendre un café et surtout, réfléchir à son roman. Les serveurs commençaient à la connaître, elle et ses petites habitudes. Un muffin, un thé et elle pouvait commencer à gribouiller, rédiger tout ce qui lui passait par la tête. Du moins, en règle générale, c'est ainsi que les choses se déroulaient. Aujourd'hui, les idées étaient là, l'envie aussi. Mais bizarrement, impossible pour l'irlandaise d'aligner une seule phrase correcte. Elle râle, Maebh, ne cesse de tourmenter la touche effacer de son clavier. Rien ne convient, tout se mélange. La jeune femme met en cause la fatigue, les insomnies qui rongent ses nuits, depuis l'épisode de la banque. Quelque peu remontée face à cette mini-crise de la page blanche, Maebh décide de refermer son ordinateur et de simplement finir son thé en observant les passants. Soudain, quelques clients, un groupe d'adolescents, se mettent à rire et à inspecter les alentours. Croisant le regard interrogateur de Maebh, l'un d'eux lui donne une explication, avant que son groupe ne quitte la devanture du café. « Vous n'avez pas entendu ? Un wallaby s'est échappé du zoo ! D'après Internet, il est a été vu tout près d'ici ! » Un sourire amusé vient peindre les lèvres de Maebh. Sûrement une blague. Un poisson d'avril avec quelques mois de retard. Pourtant, voilà le dit wallaby qui traverse la route comme si de rien n'était. La voiture de passage freine, dévie, pour ne pas le renverser. L'animal ne semble pas du tout contrarié, encore moins effrayé. Il sautille, tranquillement, sur le trottoir. Et Maebh, elle, reste immobile, prise entre la surprise et un semblant de fascination. « On – qu'est-ce qu'on doit faire ? » qu'elle lance, au client assis à la table en face d'elle, tout aussi surpris qu'elle.  

Elle tend le billet avant de s’emparer du paquet de clopes. Elle zieute la monnaie que le buraliste dépose sur le comptoir. D’un geste, elle ramasse. Quand ses yeux sont accrochés par un gros titre. Elle ferme les yeux et tente de ne pas paraître affectée. Un gamin retrouvé assassiné. Sept ans – l’âge de Lucas, à présent. Elle s’empare du journal, se moquant des soupirs agacés qui sont poussés dans son dos. Elle parcourt l’article des yeux, s’empêche de focaliser trop longtemps sur la photographie morbide qui accompagne le texte. Le corps du gamin, elle n’a pas besoin de le voir, elle peut se l’imaginer. Elle en a déjà trop vu, mais c’est nouveau que les corps marqués d’un enfant lui fassent cet effet-là. Si elle se débrouille bien, elle peut demander à être sur l’affaire. Si elle se débrouille bien, elle peut arrêter cet enfant de salaud, lui faire payer son crime. Elle l’imagine déjà en taule, souffrir le martyr pour avoir osé toucher un enfant et… Des klaxons retentissent dans la rue et la dérangent dans sa séance de torture mentale. Elle balance une pièce au vendeur qui a la tête tournée vers la rue. Alicja fronce les sourcils, s’aperçoit que les autres clients sont collés à la porte. Ok. Les weirdo sont de sortis. Elle se fraie un passage entre eux et remarque in extremis le wallaby – kangourou ? – qui termine de travers la rue. Ok. Les weirdo sont de sortis et ils ont des copains animaux. Elle sort sur le trottoir au moment où l’animal tourne à l’angle de la rue. Le téléphone sonne et Alicja sait d’avance ce qui l’attend. « Zeleski ? Vous avez entendu ? Attrapez-moi cet animal pour le ramener au zoo. Ca montrera à la population que les forces de l’ordre s’occupent de tout. » « Vous vous foutez de moi ? » Mais il a raccroché. Tout ça pour faire remonter la cote de popularité des forces de l’ordre – quelle idée de recruter quelques crétins racistes qui abusent de leur pouvoir sur la populace, aussi. Elle tourne la tête, se dirige vers un marchand de jouet, lui emprunte gracieusement mais sans sourire un filet pour attraper les papillons. Ce sera petit, mais ça fera l’affaire. Et, filet en main, elle entreprend de suivre l’animal.

Le Bronx. Tu traînes plus qu'autre chose, il faut dire que ta vie est dans une période creuse, et que sans job tu t'ennuies profondément. Tu es venu à bout de ton dernier roman il y a deux heures, tu t'es donc enfui de ton appartement trop grand, trop vide, et trop cher. La plupart des grosses fortunes de New York ne viennent pas se perdre dans un coin de cet arrondissement lorsqu'elles s'ennuient, encore une preuve -s'il en faut- que tu n'es pas fait pour ce rôle. La plupart des grosses fortunes ne quittent simplement pas leur nid luxueux parce qu'ils ne s'y sentent pas chez eux. Tu commandes un café au stand le plus proche, pianotant sur ton téléphone à la recherche d'une bonne librairie histoire de trouver tes prochaines lectures. C'est le moment que choisi un homme, un peu agité, pour approcher de la file à la tête de laquelle tu te trouves. Tu payes le café que l'on te tend, et te rapproches de manière à entendre ce qu'il raconte. C'est un gardien du zoo du Bronx, il expose la situation, demandant informations et aide au sujet d'un wallaby échappé de son enclos. Tu serais plutôt du genre à dire que la pauvre bête n'a pas mal fait, mais tu as bien conscience qu'il est plus en danger qu'autre chose. Pourtant, fidèle à toi-même, tu ne peux t'empêcher de lâcher un « c'est trop bien », t'attirant des regards surpris et désapprobateurs. « Enfin, j'veux dire que c'est chaud, mais ça fait chasse au trésor quoi c'est cool. Et puis, si on l'attrape, on verra un wallaby de près. Ils font pas de la boxe eux, si ? »