ghost that we knew w/max

Comme un fantôme, je rôdais dans la ville. J'avais l'impression que j'en étais devenu un étranger. New York, où j'étais né, New York, où j'avais grandi, New York où j'avais tout vécu. Pourtant, il m'a fallu deux ans loin de cette ville, pour me rendre compte que je n'y avais peut-être jamais eu ma place. Je ne savais pas réellement, si je l'aimais, ou non. Elle portait en moi un poids très grand, très lourd même. Le poids d'une réputation, d'un pouvoir, d'une réussite. Mes parents. Qui n'étaient ni bons, ni mauvais, simplement humains, peut-être plus difficile à satisfaire que la plupart. Ils avaient fait de New York leur terrain de jeux, et ne connaissant que cet endroit et cet environnement, c'était à pieds joints que j'y avais sauté. Mais New York était très vaste, très grande, et petit à petit, je sentais presque son poids s'écrasait sur mon corps. C'était bizarre. En vivant pendant deux ans en Australie, j'avais l'impression que tout aurait pu être différent si ça avait été Victoria, Berlin, Varsovie, ou n'importe quelle ville. New York, c'était les possibles, devenus pour moi impossibles. Et pourtant. Oui, pourtant, j'étais de retour, parce qu'il y avait ici encore un possible pour moi. Et ce possible, c'était Max. Le seul possible que ma vie n'ait jamais connu. Un possible qui avait été sûr, certain, pendant si longtemps, et qui était revenu à une case de probabilité quand j'avais décidé tout seul, que nos vies seraient bien meilleures si nous étions séparés. Erreur stupide. Erreur que j'essaierai tant bien que mal de réparer, de panser. Ce fut les mains dans les poches de ma veste, le regard fixé vers le sol, et complètement plongé dans mes pensées, dans ce que je pourrais lui dire en la voyant, que je me dirigeais vers chez Max. Upper East Side, dans l'Uptown. C'était plus très loin désormais, il ne restait que quelques rues qui me séparaient encore de celle que j'aimais, que j'aime, que j'aimerais toujours. Plus sûr que jamais, je relevais la tête. Mon coeur manqua un battement. Max. Là. Devant moi. Ça, ce n'était pas prévu.

C'était comme si le temps venait de s'arrêter pour vous deux. La terre continue de tourner, les gens ne s'intéressent pas à vous et continuent eux aussi leur chemin. Rien n'a changé. Le temps est toujours là, les secondes s'écoulent bel et bien. Pourtant, toi t'es là, bloqué au milieu de cette rue passante, incapable de bouger. Devant toi, comme un miroir, Max, au téléphone qui ne dit mot, qui ne fait aucun mouvement non plus. Comme un écho de fond, t'entends les gens qui râlent un peu, qui poussent même, parce que tu gênes, là, planté au milieu du chemin à pas savoir quoi faire. Le problème, c'est que t'avais pas prévu de la croiser maintenant, de façon impromptue dans la rue. T'avais beaucoup réfléchi, à comment lui parler, quoi lui dire, comment faire pour qu'elle ne claque pas la porte au nez, qu'elle t'écoute ou tout du moins qu'elle essaie. T'avais un plan en tête, il était un peu bancal mais il t'aiderait à agir de la meilleure façon devant Max. Maintenant, il ne te sert plus à rien, parce que tu la croises au milieu d'une rue, parmi des étrangers, sans intimité aucune, sans que ce soit prévu. Tout est gâché. Après un long moment, elle baisse le bras, rit un peu, lance deux mots qui t'écorchent pas un peu, et tout aussi simplement tourne les talons. Sans y réfléchir, la statut que tu étais devenu revient à la vie, et s'élance vers elle, cognant une personne au passage. Peu importait. T'oses pas le toucher, lui prendre la bras pour la retenir, t'as trop peur d'être mal accueilli. Alors tu cours un peu, et tu fais le tour avant de te retrouver devant elle, face à face. "Max attends !" Elle tente de partir par un côté, mais tu te repositionnes devant elle pour la bloquer. C'est ta chance, là, tout de suite, tu peux pas la laisser filer, pas maintenant, pas encore. Le temps de quelques secondes, tu la regardes. Elle est tellement belle. Ses traits sont les mêmes, elle n'a pas changé, mise à part cette assurance qu'elle semble dégager. "J'allais venir chez toi Max, j'étais en chemin." Que tu ajoutes alors pour te défendre. T'es pas un connard qui réapparait en ville et qui se ballade tranquillement dans les rues sans te soucier de la recroiser. C'est difficile même, de croiser quelqu'un qu'on connait dans une ville comme New York, et pourtant, vous êtes bien là, à vous faire face. Tu sais qu'elle ne te croira pas, pourtant c'est vrai, et Max a toujours sur déceler quand tu mentais. Elle te connait par coeur, mais tu sais aussi qu'elle a été blessée, et que ces quelques mots ne lui suffiront sûrement pas.

Il te crie d'attendre, tu fais semblant de ne pas l'entendre et tu continues ton chemin, sans te retourner. Il t'a rayé de sa vie il y a maintenant deux ans, tu ne vois pas pourquoi ça changerait de le croiser comme ça, par hasard dans les rues de ton quartier. Finalement, il te dépasse et se place devant toi, tu tentes de t'échapper mais non, il est bien décidé à te parler. Tu lèves alors les yeux au ciel. tu n'as pas envie de le regarder, il a toujours cette tête, cette tête qui te fait craquer, ses yeux qui te font chavirer. Non, t'as vraiment pas envie de le regarder. Pourtant, ton regard se plonge dans le sien quand il te dit qu'il était justement en train de venir chez toi. Tu l'observes, pendant de longues secondes. Il dit la vérité, ça tu en es persuadée. T'aurais eu envie de lui en mettre plein la tronche, mais il dit vrai. Tu ranges tes mains dans ton trench beige, ton portable avec. "Oh c'est vrai? Tu voulais m'offrir un souvenir d'Australie?" Il ne t'a jamais dit où il partait, tu l'as su grâce à son frère avec qui tu as gardé contact. Vous vous êtes vu quelques fois, mais il ne te parlait jamais de Asher, comme si il avait bel et bien disparu. Tu as arrêté de voir Kenneth au bout d'un certain temps, il ressemble tellement à son frère que ça te faisait un gros pincement au cœur à chaque fois. Cette fois il est là, en face de toi, et tu repenses à l'enfer que tu as vécu lorsqu'il est parti. Il t'a littéralement fait vivre un enfer, pendant que lui était en train de vivre la belle vie au soleil. Car oui, pour toi c'est ça ce qu'il a fait. Fuir ses problèmes pour aller vers un monde meilleur, sans penser une seule seconde à ce qu'on laisse derrière soi. Ton visage n'arrive pas à se détendre. "Asher c'est gentil, mais ton kangourou en peluche tu peux te le garder." Tu te retournes, marches quelques pas et rentres dans le premier café qui s'offre à toi. Tu refermes la porte derrière toi et ferme les yeux, tu souffles un grand coup. Tes jambes tremblent, tu es devenue toute pâle, pas de doute, tu viens bien de croiser un fantôme. Alors tu t'assois à une table avant de t'effondrer par terre. Tu n'étais pas prête pour ça, pas aujourd'hui, pas quand ça commence tout juste à aller mieux. Il n'a pas le droit de revenir ainsi, de sortir du néant d'un coup d'un seul.

Tu t'attendais à quoi au fond ? Tu pouvais pas débarquer comme ça, après deux ans, pensant qu'elle t'accueillerait les bras ouverts sans poser de questions. Bien sûr, tu savais que ça ne serait pas facile de la récupérer dans ta vie, tu savais que tu allais devoir faire des efforts et que tu as beaucoup à lui prouver. Mais il n'y a pas un instant où tu imaginais qu'elle ne voudrait pas te parler. Non. Tu pensais bêtement qu'elle t'en voudrait, qu'elle te dirait tout ce qu'elle pense, mais qu'au moins, il y aurait une conversation entre elle et toi. Pourtant, il a n'a fallu que quelques secondes à ses côtés pour que tu comprennes qu'elle ne voulait pas te parler. Elle est en colère, c'est légitime. Elle sait que t'étais en Australie, c'est Kenneth, tu te souviens qu'il te l'a dit. Ton frère, c'est la seule personne que t'as vu même une fois partie, il venait de temps en temps, et ça te faisait du bien, de croire que t'avais encore ta place à New York quand tu reviendrais, qu'il y avait encore un bout de toi là-bas. Mais maintenant tu te rends compte que c'était des conneries. T'ouvres la bouche, mais tu sais pas quoi dire. T'as presque envie d'abandonner, quand tu la vois se retourner et rentrer dans un bar. Tu veux pas être le mec qui se barre, et qui revient et harcèle la fille après. Mais c'est pas n'importe quelle fille, c'est l'amour de ta vie. Alors t'attends quelques minutes à l'extérieur du café où elle est rentrée. Tu lui laisses le temps de comprendre que t'es vraiment de retour, que t'es vraiment là. Tu te laisses un peu de temps aussi, mais pas trop, parce que deux ans c'est déjà assez long. Finalement, tu rentres, cherchant sa tête blonde du regard. Quand tu la vois enfin, tu avances doucement, et tu t'assoies en face d'elle. "Je suis désolé Max. Pour tout." Tu souffles ces quelques avec tant de sincérité et de souffrance, que t'as l'impression qu'on est en train de t'écorcher vivant. Tu t'en veux tellement. T'es parti pour aller mieux, mais t'as pas un seul instant penser à ce que ton départ ferait à Max. Pour ça, tu t'en voudras toute ta vie.

Tu brûles, tu brûles de colère. Dans ta tête tout était réglé, tu n'allais plus jamais voir Asher, il fallait te faire une raison. Finalement, le temps que tu te calmes, le serveur passe pour te demander ce que tu veux boire, tu ne réponds même pas. Il te ramène un verre d'eau, au même moment Asher s'assoie en face de toi. Il s'excuse. Tu essaies de faire la fille forte, de relever la tête comme si rien ne te touchait mais les larmes commencent à monter. Tu tournes la tête vers la gauche, tu n'as pas envie qu'il voit ça. La vérité c'est que t'es encore à fleur de peau quand il s'agit de lui. T'as toujours envie de chialer quand tes amis l'évoquent. Longtemps dès que tu entendais son nom, t'étais obligée d'aller te cacher aux toilettes pour pleurer un bon coup. Tout le monde a fini par comprendre qu'il fallait l'oublier, faire comme si il n'avait jamais existé au final. C'était la seule solution pour que tu arrives à faire face. Et le voilà, deux ans plus tard. Finalement tu tournes la tête vers lui, tu avales ta salive, ravales tes larmes. Avant d'ouvrir la bouche, tu essaies de te contrôler, de contrôler tes sanglots. "Est-ce que tu as la moindre idée de l'enfer que j'ai vécu pendant deux ans?" Lâches-tu tout simplement. Toi aussi t'as failli entrer en dépression. L'énervement prend part sur la tristesse. "C'était comme si tu étais mort Asher... Silence radio du jour au lendemain, j'ai du faire mon deuil, tous les jours, on m'a ramassée à la petite cuillère. Et toi, tu réapparais comme ça?!" Tu lâches un petit rire jaune. "T'as pas le droit de réapparaitre comme ça, comme t'avais pas le droit de me quitter comme ça. Ça m'a fait tellement de peine de réaliser qu'en fait notre relation ne représentait rien pour toi, t'as pas idée." Car oui, pour toi c'était le cas. Il t'avait quitté avec trop de facilité pour que votre couple veuille dire quelque chose.

Il ne t'a fallu que quelque secondes, qu'un regard posé sur elle, pour te rendre compte à quel point tu l'aimes. T'avais la bonne fille dans ta vie, celle qui te lâcherait jamais, qui était faite pour toi, pour qui tu étais fait. Tu l'avais, et ça aurait dû être suffisant, pour rester, ou pour partir avec elle. T'aurais pas du faire tout ça seul, agir comme ça, sans te retourner, sans penser à ce qu'elle pourrait vivre. Bien sur tu l'as fait, tous les jours, tout le temps. A chaque fois que tu souriais, que tu accomplissais quelque chose, t'étais déboussolé qu'elle ne soit pas à tes côtés pour le voir. Elle a toujours été ton plus grand soutien, ton tout, mais ça n'a pas suffit. Tu t'en veux tellement, et t'en as le coeur qui se déchire, à la voir dans un état pareil par ta faute. C'est douloureux d'affronter la réalité. De voir tout le mal que tu as pu lui faire. Elle ne méritait pas ça, elle ne te méritait pas, et c'est toujours le cas aujourd'hui. Pourtant tu bouges pas, tu t'enfuis plus. T'es là maintenant, et tu sais que tout ce que tu veux dans la vie, c'est elle. T'es venu réaffronter tes parents, rien que pour elle, c'est beaucoup dire, même si elle ne le sait pas. Tu vois la colère dans son regard. Tu ne l'as jamais vu comme ça. Ton coeur se serre. Vous êtes tous les deux détruits, en miettes, pas un pour rattraper l'autre. T'as du mal à l'entendre dire tout ça, parce que c'est la vérité. T'es parti et t'as jamais donné signe de vie. D'un coup, tu décides de te repointer, c'est pas juste pour elle. Mais quand t'entends sa dernière phrase, là tu tiens plus. T'es presque en colère. Pas contre elle, contre toi. Elle ne peut pas penser ça, pas après tout ce que vous avez vécu, elle ne peut pas croire ça. "Ne dis pas ça !" Tu t'exclames, presque hors de toi. "Tu étais tout Max, tout. Tu était ce que j'aimais le plus au monde, le plus, et tu le sais, tu l'as senti tout ce temps. Je ne pouvais pas rester, je ne pouvais pas te demander de m'accompagner. J'étais en train de sombrer, de me perdre, je n'étais plus que l'ombre de moi-même. Je n'étais plus rien Max, tu n'avais pas à supporter ça." Tu n'arrivais plus à rien à l'époque, t'étais complètement fichu, et tu pensais que jamais tu ne pourrais t'en relever. Tu voulais pas que Max te voit comme ça, elle t'aimait si fort, tu pouvais pas la briser comme ça. "Je sais que je t'ai fait du mal en partant, je regrette chaque jour depuis, mais ... mais ... je sentais que j'étais devenu un autre, dangereux, pour moi, pour toi, pour nous. Je ne pouvais pas rester et te regarder me voir comme ça. Je ne pouvais pas." Ta voix est devenue plus calme. T'as les larmes aux yeux, vraiment, tu pourrais craquer à chaque seconde. T'ouvres ton coeur comme jamais tu l'as fait depuis ces deux dernières années.

Tu l'écoutes. Tu l'écoutes déblatérer tout ce qu'il a à te dire, et surtout, tu comprends. Tu voyais bien qu'il n'allait pas bien à l'époque, mais tu ne pensais pas que c'était au point de tout quitter en un claquement de doigt. Y compris de quitter toi. Cette fois, des larmes emplissent tes yeux, tu ne peux plus les retenir. T'as tellement eu mal, tu t'es posé tant de questions pendant deux ans. Tu t'es remise en question, qu'avais-tu fait de mal? Pour toi, c'était toi le problème, et tu t'étais morfondue pendant deux longues années... Finalement, une larme coule sur ta joue lorsque tu l'entends prononcer ces mots: Tu étais ce que j'aimais le plus au monde, le plus, et tu le sais Tu baisses la tête en murmurant: "J'étais..." Ça te brise le cœur. A l'heure qu'il est aujourd'hui, si Asher était resté vous vivriez peut-être ensemble, vous seriez même peut-être fiancés... Un coup de poignard à chaque fois que tu penses à ce que vous pourriez être. Tu relèves finalement la tête et le regarde droit dans les yeux. "T'aurais du me le dire Asher, plus clairement. J'ai vécu un enfer, à me remettre en question tous les jours, à me dire que je n'étais pas assez bien pour toi, à penser que je n'en valais pas la peine. T'aurais du me le dire." Tu es un peu froide, mais tu as besoin qu'il comprenne à quel point tu as galéré. Puis le ton se fait plus grave lorsqu'il aborde ce qu'il a vécu, l'enfer que lui aussi vivait en étant ici. Il est au bord de pleurer, toi tu pleures déjà. Vous avez l'air cons dans ce café à verser vos larmes. Tu mors ta lèvre inférieure et pose ta main sur la sienne. T'y arrives pas. T'arrives pas à le regarder comme un étranger, t'arrives pas à être complètement insensible à ce qu'il te dit. Il est juste l'homme que tu as aimé le plus au monde, alors non, tu ne peux pas continuer à être si froide avec lui. Tu serres sa main, et la rapproche vers toi. Tu ne lui souhaites pas de mal, bien au contraire. Tu espères juste que cet éloignement, cette rupture aura servi à au moins l'un de vous deux. Ta voix sanglote. "Tu vas mieux?" T'espères juste qu'il est bien dans ses baskets maintenant, qu'il peut te regarder dans les yeux et dire qu'il est bien.