- dare or not (justin)

Le verre se vide d’un trait et se repose, brutalement peut-être, sur la table. Salim, la tête dodelinant sur ses épaules, ferme les yeux. La musique n’est pas dégueulasse – un bon classique de la pop rock – et il se surprend à ne pas connaître ni le nom de l’artiste ou le titre de la chanson qui entraîne tous les danseurs sur la piste de danse improvisée. Son regard se pose sur un couple enlacé dans un coin et le coin de ses lèvres s’étire, narquois. Ces couples qui se forment le temps d’une soirée l’ont toujours amusé. C’est surfait, digne d’un téléfilm français. Il est tiré de ses rêveries par le toussotement d’un duo de jeunes femmes qui, les joues roses, tentent d’attirer son attention. Le musicien baisse son regard vers elle, note le téléphone dans leurs mains. Elles n’ont pas besoin de prononcer le moindre mot qu’il comprend la demande passée sous silence. Selfie, peut-être un autographe et une ou deux questions qui seront posées. Il se prête au jeu, ne laisse rien paraître de son agacement. La photo prise, le bras tatoué d’un autographe qui s’effacera dans trois ou quatre douches, il s’échappe de leur intention, leur promettant une danse plus tard. Leur gloussement, il l’entend encore tandis que ses yeux ont repéré un visage connu avant que ce dernier ne se détourne pour saluer quelqu’un – ou charmer une belle demoiselle, Salim ne distingue pas vraiment, de là où il est. Quelques pas suffisent pour qu’il rejoigne le jeune homme à qui il assène une claque dans le dos avant de passer un bras autour de ses épaules. « J’aurai dû me douter que vous seriez là, Sir Winters. » Existe-t-il une soirée où Justin ne soit pas invité ? « Please, dis-moi que tu t’ennuies au moins autant que moi à cette soirée. » Il a baissé d’un ton, approché sa bouche de l’oreille du brun pour la confidence. Sourire en coin, regard en biais. Salim lâche finalement les épaules de Justin pour se poster en face de ce dernier, le dos contre l’une des larges fenêtres de l’appartement.

Le guitariste porte une main à son cœur et prend un air orgueilleux. C’est qu’il apprécie Justin et leurs jeux lors de soirées qui se font longues. Deux caractères trempés qui n’hésitent pas à instaurer un esprit de compétition bon enfant entre deux hommes. Ça le change de Jax et son impulsivité, ou de Dallon et l’envie de provoquer la presse people. Justin, il est juste le bon pote. Celui avec qui il n’a pas à se prendre la tête, ni besoin d’être un autre plus calme ou posé. « Je suis touché d’une telle attention. » Il exagère un peu, si peu, et ne tarde pas à prendre appui contre la fenêtre pour observer les invités. Il prend le temps de réfléchir, de poser son regard sur des couples qui se forment. Une idée, petit à petit, germe dans son esprit rendu plus enclin aux folies par l’alcool. Un sourire narquois s’esquisse sur ses lèvres et il tourne la tête vers Justin. « J’en ai bien une, en effet… » Il ménage son petit effet de suspens. Peut-être qu’il a vu trop de films d’horreur car il appuie le silence d’un sourire qui devient énigmatique avant de désigner un couple enlacé et, visiblement, très épris, du menton. « Tu les vois, ceux-là ? Eh bien, je m’en vais chercher la chanson qui sera celle de leur possible rupture. Tu te charges de faire l’amant éperdu ? » La question n’en est, en réalité, pas vraiment une. C’est le défi. Le premier d’une longue série, Salim le sait bien. Il lui laisse le choix de l’amant, du personnage qu’il enfilera, de la victime. Qui, du garçon ou de la fille, sera le gagnant d’un baiser de Justin Winters ? Avec un clin d’œil pour le directeur d’un hôtel luxueux, Salim s’éclipse dans la foule. « On se retrouve vers les tourtereaux, » qu’il lâche dans un souffle avant de s’évaporer. Il fende la foule en deux, esquive quelques gloussements qui sont portées à son attention, attarde son regard sur de longs cils agréables. Il se détourne, le guitariste au cœur épris, et rejoint finalement le DJ. Le signal du départ pour son bon pote. Il tapote l’épaule du DJ, lui glisse quelques mots à l’oreille. Une requête, vraiment. De la part d’une star, d’une célébrité. Une requête impossible à refuser. Allez, pour le bon pote de cette célébrité, de cette rock star. Le DJ lui adresse un coup d’œil avant d’acquiescer. Une annonce faite au micro annonce le changement de musique. Une dédicace, rappel d’une danse vécue trop tôt et d’une nuit écourtée. Une dédicace, comme un couteau dans une plaie imaginaire. Salim lance un regard à Justin et le suit des yeux, amusé. Il remercie le DJ du bout des lèvres avant de descendre de la scène. De se glisser dans un coin, pour observer. Attendre, avant d’intervenir à son tour.