(ella) broke-down car

Des jours que t'es préoccupé. Depuis son réveil, forcément. Mais des mois, à vrai dire, quatre mois sans elle, sans savoir quand elle se réveillerait. Quand, parce qu'il était hors de question de dire si. Soulagé de la voir récupérer, tu restes angoissé. Non seulement par son état, son rétablissement, et les choses dont elle va devoir reprendre conscience, mais aussi à cause de ton nouveau mensonge, grandissant. Tu t'étais sorti du premier, et te voilà piégé dans un second. Tu n'avais pas l'intention de faire ça, de te servir de son état pour la récupérer, pour t'offrir une seconde chance. Tu ne veux pas de ce genre de seconde chance, basée sur rien, du vent. Mais c'est trop tard pour faire les choses bien, comme si tu en étais purement et simplement incapable. Tu lui as toujours menti, c'est devenu ton mode de fonctionnement. Tu es un menteur, un pauvre imbécile s'enfonçant toujours plus lorsqu'il te suffirait de dire les choses comme elles sont, et de faire de ton mieux. T'essayes de ne penser qu'au positif, tant que tu le peux. Tu peux enfin parler de ta famille et partager avec Gaïa cette partie de ta vie, de toi. Ton appartement a retrouvé les souvenirs de ta fille, beaucoup (trop) de photographies. Elle est également ton fond d'écran, elle a partout malgré la distance imposée par ton divorce avec Teresa. Un sale histoire, au final, alors que vous vous étiez promis de faire les choses correctement pour Maja. Ne pas la faire souffrir, ne pas la mettre entre vous ni vous en servir l'un contre l'autre. Tout est plus compliqué, c'est toujours plus compliqué. L'arrivée d'une voiture t'arrache à tes pensées, mais tu ne glisses d'en-dessous de la voiture dont tu es en train de t'occuper qu'en entendant la sonnette installée sur le bureau à l'entrée retentir. Te redressant, tu fais signe aux autres que tu t'en charges. Tu essuies tes mains noires sur ton pantalon en approchant de la jeune femme. Un sourire se dessine sur tes lèvres, mince mais sincère. Après tout, ce garage, ce métier, c'est ta passion, ton petit monde, aussi étrange cela puisse-t-il paraître. Ici, les soucis qui ne concernent pas les voitures et les bécanes n'existent plus. Du moins, tu fais de ton mieux pour les ranger dans un coin jusqu'à la fin de la journée. Ces temps-ci, cela ne fonctionne plus si bien. « Bonjour », lâches-tu simplement. Tu lui tendrais bien la main, mais tu doutes qu'elle ait très envie de la serrer. Tu jettes un coup d'oeil à l'extérieur, à ce qui doit être sa voiture, et la raison de sa présence, avant de revenir croiser son regard. « Un souci avec votre voiture ? »

Aujourd'hui tu es pressée. Tu dois te rendre à l'hôpital le plus vite possible. Ton biper a sonné, il y a une urgence, tu ne sais pas exactement quoi, mais tu as entendu parler d'une fusillade à la radio. Ni une ni deux, tu attrapes ton sac, enfiles tes chaussures et sautes dans ta voiture.
Tu te demandes combien de blessées tu trouveras à ton arrivée, combien s'en sortiront, dans quel état seront-ils ? Tu aimes ton métier, et tu es heureuse de pouvoir sauver la vie des gens. Mais quand tu vois tous ce sang certains jours, ton coeur est soulevé par l'amertume que tu ressens envers la cruauté humaine. Tu tournes dans une petite ruelle, t'arrêtes à un stop, et quand tu veux repartir, ta voiture se met à pousser un bruit atroce qui raisonne dans ton crâne. "Non non non ! C'est pas le moment là !"
Tu dois faire un choix, mettre ta vie en danger en continuant de rouler alors que tu ne sais pas ce qu'il se passe avec ta voiture, ou bien foncer au garage le plus proche et téléphoner à un collègue pour te remplacer. Tu attrapes ton téléphone, et envoie un sms au premier collègue de tes contacts,
en t'excusant bien sûr. Tu espères que tu arriveras en un seul morceau au garage et surtout,
tu pries pour pouvoir récupérer ta voiture le plus tôt possible.
Dix minutes plus tard, tu te gares sur le petit parking à côté du garage auto. Tu entres dans le bâtiment, espérant trouver quelqu'un rapidement. Un homme est à l'intérieur et te salue.
Il te demande ce qu'il se passe avec ta voiture.
"Bonjour. Euh et bien oui. Il se trouve que je suis médecin et que je me dirigeais vers l'hôpital quand elle s'est mise à faire un son très strident. Elle n'avait jamais fait ça auparavant, j'ai préféré m'assurer qu'il n'y avait rien de grave en venant ici. Vous pensez que ça va prendre du temps ? Parce qu'on m'attend aux urgences."
Tu souris, histoire de ne pas paraître trop désagréable en plus d'avoir l'air exigeante.

Le garage ne manque pas de clientèle, et tu te félicites tous les jours de t'être finalement posé à New York. Si ton histoire avec Teresa, et votre mariage, se sont mal terminés, il en est ressorti plus de bon que de mal. Tu ne serais jamais resté si tu ne l'avais pas rencontrée, trop aventurier, voyageur depuis ta majorité. Et puis, surtout, tu n'aurais pas une petite fille si merveilleuse. Maja, c'est sans aucun doute la plus belle chose qui te soit jamais arrivée, et tu sais que jamais rien ne surpassera le bonheur et la fierté d'être son père. Ton frère jumeau te manque, tes parents et Stockholm te manquent, mais tu as trouvé ta vie ici. Aussi complexe soit-elle devenue ces dernières années. Cela te rend encore plus concentré dans ton travail, encore plus dévoué. Tu passais déjà toute ta vie ici, mais depuis le divorce on t'y trouve plus fréquemment encore. Rien d'étonnant, donc, à ce que la nouvelle arrivante se trouve face à toi, le propriétaire des lieux. Tu la laisses t'exposer la situation, comprenant sans mal l'importance d'une réparation rapide. Tu jettes un nouveau regard vers l'extérieur, et la voiture en question, avant de revenir sur le médecin. « Vous avez bien fait. Ça ne m'a pas l'air trop grave, mais mieux vaut faire réparer tout de suite que prendre le risque que ça s'aggrave. » Chose que tu répètes en permanence à tes clients, non pas pour te faire de l'argent mais bien car la sécurité devrait, selon toi, primer. Tu ne répares pas des voitures uniquement parce que tu te passionnes pour ça, tu aimes à penser que c'est une façon d'empêcher des accidents de se produire. Le reste dépend des conducteurs. « Je vais jeter un coup d'oeil avant de me prononcer, mais je pense pouvoir dire que ce ne sera pas trop long. » Tu lui souris et te diriges vers la voiture. Tu ouvres le capot, détaillant l'intérieur d'un œil expert avant de pivoter vers la propriétaire. « Vous pouvez mettre le contact ? »

navrée du retard