written in the stars (james)

C'était si simple, de faire semblant, qu'elle en aurait presque eu peur. Cette facilité qu'elle avait eu à lui mentir sur son métier, cette nonchalance qu'elle feignait sans aucun mal, elle eut subitement l'impression de le trahir, de se trahir elle-même. Mais elle n'arrivait plus à faire clair dans ses pensées ou ses émotions, et le plus sage était encore de faire semblant que tout allait bien. Plus elle parlait des ses relations ratées, plus elle croyait réellement qu'elle était bien toute seule, et plus elle se rendait compte qu'elle n'avait envie de rien d'autre que ce qu'elle avait là, à cet instant précis, face à James dans son salon qui ne paraissait plus si immense. - Le bon t'attend quelque part, j'en suis sur. Elle haussa les épaules, sourire sincère collé au visage, ne remarquant qu'à peine ses yeux bleus qui se détournaient d'elle lorsqu'il lui annonçait ça, comme si lui-même n'y croyait pas. - On verra bien, je vais juste être patiente. Leur discussion voguait entre sujets intimes, émotions décuplées et simples bavardages qui empêchaient sa tête et son cœur d'exploser. Elle se contenta de hocher la tête en se levant, le suivit dans la cuisine dans un petit rire. - Tu sais que j'aime absolument tout ce qui est sucré. Ou tout ce qui se mange, d'ailleurs.Il le savait, il savait tout d'elle, dans les moindres détails. Il savait qu'elle était plus que gourmande. Qu'elle pinçait les lèvres lorsqu'elle était concentrée. Qu'elle adorait les chiens et détestait les gens grognons. Il savait absolument tout, il la connaissait mieux que personne et pourtant, pourtant elle avait le réflexe de lui rappeler des détails sur elle, comme s'il aurait pu oublier. L'oublier. - Et ton métier d'infirmière doit te passionner ? Tu avais ça dans le sang. Tu savais t'occuper des autres. Elle s'attela à disposer les pâtisseries, évitant son regard, grimaçant par réflexe. Mentir, encore et toujours. Elle avait envie de tout lui dire, là, tout de suite. Il comprendrait, peut-être. Il la pardonnerait et il oublierait. Ou peut-être pas. Et c'était cette incertitude, cette peur qu'il disparaisse à nouveau qui l'obligea à hocher la tête en riant, un peu nerveusement peut-être. - Tu me connais, toujours aux petits soins pour les autres. Déjà que Noa s'est toujours plaint que je le maternais trop, imagine si j'ai des enfants. Elle rit, puis son rire fana, et elle pensa aux enfants qu'elle n'aurait peut-être jamais, justement parce qu'elle était très bien toute seule. Elle prit une inspiration, et par réflexe, elle goûta la crème d'une religieuse au café avec son doigt, puis rit de nouveau. - Désolée. C'était pas très élégant.

Elle n'avait pas envie de rentrer chez elle. Pourtant, elle le devrait à un moment ou à un autre, plus ou moins tôt. Elle avait envie qu'ils mettent des matelas par terre et regardent des films, comme avant. Qu'ils parlent de tout et rien jusqu'à pas d'heures. Elle avait envie de s'endormir dans ses bras, comme avant. Mais ça ne serait plus jamais comme avant. Plus de pyjama party improvisées, plus de films pour adolescents, plus de pop-corn dans les cheveux. Parce qu'ils étaient des adultes désormais. Et même si Maisy voulait croire qu'avec le retour de James, elle était envoyée neuf ans auparavant, ce n'était pas le cas. Il avait sa vie, elle avait la sienne, deux chemins séparés qui s'étaient éventuellement rejoints à un moment, mais qui se sépareraient peut-être à nouveau. Elle, elle retrouverait son uniforme de serveuse, jupe trop courtes et mains baladeuses, et lui ne le saurait jamais, il sauverait des vies. Rien n'aura réellement changé. Et ça faisait mal. Elle ne savait pas si elle devait en rajouter, à son mensonge sur son métier, ou éviter le sujet. Elle avait jusqu'ici opté pour la deuxième option. Parce qu'elle ne voulait ni s'enfoncer, ni risquer de semer le doute. Et ce regard, oh cette lumière dans son regard bleu, il était fier d'elle, et ses joues s'empourprèrent sans raison apparente. Elle allait le décevoir, il ne le savait pas encore. Alors sa spontanéité la sauva, de vieux réflexes d'une gourmande qui n'appréciait plus les pâtisseries de la même façon depuis que James était parti. C'était comme redécouvrir tout ce qu'ils avaient laissé derrière eux. – Au diable l’élégance. Elle fit mine d'être choquée, bouche entre ouverte et yeux écarquillés. Elle éclata de rire alors qu'il tartinait le bout de son nez de crème, les yeux plissés et les larmes qui menaçaient. Elle pleurait de rire, toujours. Dans l'extrême, certains diront, mais à peine le rire effleurait ses lèvres que les larmes suivaient. - Tu sais parler aux femmes, toi. Elle lui lança un regard espiègle, tout sourire. Elle l'observa enfourner un macaron dans sa bouche, et elle ne put s'empêcher d'en goûter un aussi. Et tant pis pour la jolie table qu'il avait préparé, et les conventions qui voudraient qu'ils se servent de couverts. Ils étaient James et Maisy, et c'était tout. Entendre son rire lui fit un bien fou, les papillons dans le ventre et un poids qui s'écrase dans son estomac. Elle hocha la tête frénétiquement en réponse à sa question. - Hm hm. C'était plus que bon, et elle s'en voulait presque de plus profiter du visage de James que des pâtisseries. Elle mâcha un peu avant d'essayer de parler. - On devrait peut-être ralentir, on risque de pas en profiter correctement. Elle parlait des gâteaux, ou elle parlait d'eux. Mais dans les deux cas, elle avait aucunement envie de prendre son temps.

Elle avait la sensation, malgré tout, que quelque chose avait changé, lorsqu'ils s'observèrent dans un silence si naturel. Elle avait l'impression, sans savoir réellement pourquoi, qu'en quittant son appartement ce soir-là, elle serait différente. Et peut-être que lui aussi. Le temps était suspendu, comme lorsqu'elle avait relevé les yeux sur son visage, au café. Arrêté net dans sa folle course, juste assez longtemps pour lui permettre de détailler ses traits, et les papillons d'envahir plus seulement son estomac mais son corps entier. Elle avait les jambes en coton et le sourire collé au visage, incapable de faire autre chose que rire frénétiquement, de bonheur pur. Et comme si elle avait besoin d'un contact, elle posa sa main sur son bras. Dans un geste rassurant peut-être, certainement, elle avait plutôt envie de se jeter à son cou, mais se contenta d'une simple pression des doigts à travers le tissu de sa chemise. - Bien sûr. Elle refusait catégoriquement de le laisser partir, une nouvelle fois. Il n'y aurait pas de baiser volé, ni de pleurs, ni de cœurs brisés. Plus de doutes et plus d'années envolées. Juste lui, elle, sa main posée sur son bras, et les fourmis dans sa paume. Un silence s'imposa sur la cuisine, l'appartement, la ville, le monde entier. Et le temps ne s'arrêta plus, il recula. La respiration qui s'affolait, incapable de détacher son regard de ses yeux bleus, qu'elle aimait tant. Son sourire fana, non pas car le bonheur s'effaçait, mais parce qu'à ce moment-là, il n'y avait plus rien. Ni joie, ni peine, ni mensonges, ni temps qui passe. Juste elle et lui, lui et elle, au milieu de rien, au milieu de tout. Il lui sembla que des années s'écoulèrent alors qu'elle ne détachait pas ses yeux de ceux, débordants de tout, de James. Il était beau, il l'avait toujours été, mais il l'était différemment. Elle le regardait différemment, sans savoir réellement pourquoi, ni comment, ni ce qu'il adviendrait de tout ça, après, quand il détournerait le regard et que le temps reprendrait sa course à nouveau. Elle savait qu'ils ne pouvaient pas rester ainsi pour toujours, et pourtant, elle ne put retenir la déception d'envahir sa gorge lorsqu'il rompit ce moment, par obligation plus que par envie, elle l'espérait. Elle se sentit subitement lourde en lâchant son bras, envahit par tout ce qui l'avait quittée quelques minutes auparavant, tous ses doutes et ses émotions qui s'abattirent sur elle d'un seul coup. Comme si, par ses mots, il avait appuyé sur play, autorisant le temps à couler à nouveau, lui laissant l'opportunité de les séparer. - Ça ira, ne t'en fais pas. Elle sourit poliment, et fut incapable de dire autre chose jusqu'au moment de partir. Séparés par l'encadrement de la porte d'entrée, elle attendit une seconde avant de parler. - Merci, pour le dîner. Et puis, parce qu'elle n'imaginait pas le quitter ainsi, juste d'un au revoir et d'un signe de la main, elle franchit le pas entre leurs deux corps et se jeta presque désespérément dans ses bras. La joue collée à son épaule, elle le serra entre ses bras, fermant les yeux, et accrochant ses doigts à sa nuque. Elle resta ainsi une seconde, une heure, une éternité, avant de s'en détacher et de lui offrir le sourire le plus sincère dont elle était capable, avant qu'il ne ferme la porte. - Bonne nuit, James.