Penny dreams of rainy days and nights up late by the fireplace ~ Reggie

Les timides rayons de soleil du début de l’année perçaient à travers les rideaux, léchant la peau fine de ses omoplates découvertes. Encore plongée dans un demi-sommeil, Penny s’étira dans les draps cherchant du bout des doigts la présence de Reggie à ses côtés. Sa place était encore chaude mais c’est sur le vide que sa main se referma. Ouvrant un œil prudent pour s’habituer progressivement à la lumière, la petite brune s’aventura de l’autre côté du lit et enfoui son visage dans l’oreiller de son amant, inspirant profondément, s’imprégnant de son odeur. Un petit sourire satisfait éclaira son visage et Penny resta là quelques minutes encore à savourer l’engourdissement qui étreignait son corps tout entier. Lorsqu’elle sortit de la chambre tout juste vêtue de son sous vêtement de la veille et du t-shirt froissé de Reggie, la photographe jeta un regard circulaire sur la pièce. Elle aurait voulu immortaliser chaque détail de cette scène qui témoignait de la nuit qu’ils venaient de partager. Plongée dans la lumière naissante du jour, les draps défaits, leurs affaires éparpillées de-ci, de-là aux quatre coins de leur petit monde, tout lui semblait vraiment parfait. Remontant le couloir jusqu’à la cuisine, elle entendit du bruit dans la salle de bain et fut un instant tentée de rejoindre Reggie sous l’eau brulante de la douche pour reprendre leur nuit là où ils l’avaient laissé. Elle avait cependant besoin d’un café, et c’est d’un pas léger qu’elle continua son chemin. Se versant une tasse de café encore chaud dans un immense mug, elle mordit dans une tranche de brioche tout en se dirigeant vers le salon. A mi-chemin, alors qu’elle portait sa tasse à ses lèvres pour aider la brioche à glisser le long de sa gorge, Penny remarqua quelques feuilles éparpillées sur un coin du plan de travail. Fronçant un sourcil interrogateur, elle porta à nouveau sa tasse à ses lèvres et aspira une gorgée de liquide fumant qui lui resta en travers de la gorge. Demande de divorce. Une quinte de toux lui fit monter les larmes aux yeux. C’est du moins ce dont elle voulut se convaincre lorsque sa toux fut apaisée alors que le chagrin continuait de lui brouiller la vue. Même à travers les larmes, la jolie brune pouvait voir le nom de Reggie se dessiner en toutes lettres à côté de celui de sa femme, Livia Cameron-Holloway. Elle pouvait voir l’écriture fine de l’épouse de son amant là où elle avait apposé sa signature. Elle pouvait voir aussi, très clairement d’ailleurs, qu’un espace vide attendait toujours que Reggie signe lui aussi ces fameux papiers.
Une boule dans la gorge, incapable de déglutir sans souffrir, Penny prit une profonde inspiration et ravala sa peine lorsqu’elle entendit la porte de la salle de bain s’ouvrir derrière elle. Replaçant en hâte les papiers tels qu’elle les avait trouvés, elle s’empressa de rejoindre le salon où elle ouvrit la fenêtre pour sortir sur le balcon. L’air frais la surprit,  lui mordit la peau, suffisamment pour lui permettre de conserver son calme même si des milliers de pensées s’entrechoquaient dans son esprit tandis qu’elle portait à nouveau son café à ses lèvres, machinalement. Il lui avait menti… Lui aussi…

Se réveillant dans les bras de Penny, Reggie ne pu s’empêcher de sourire. Il savait qu’il allait passer la matinée avec elle et ça lui faisait du bien. La jeune femme était très agréable à regarder comme toujours. C’était un petit bout de femme qu’on aurait aimé manger. Elle était vraiment mignonne. Elle avait aussi cette aura qui l’inspirait fortement. Elle n’avait presque à rien faire pour qu’il soit attiré vers elle. C’était assez rare puisque Reggie a l’habitude de se lasser rapidement Il était vraiment excité à l’idée du passer du temps avec elle. C’est vrai qu’il n’était pas l’homme le plus bavard ni le plus expressif, mais c’était le cas. C’était la première femme depuis Livia qu’il tolérait plus que quelques nuits. Finalement ça faisait quelques temps qu’ils se voyaient et il ne s’en lassait pas. Au contraire, elle lui donnait envie de recommencer encore et encore. Il commençait réellement à s’attacher à Penny. Cependant, Reggie avait eu la désagréable surprise de voir Livia débarquer à nouveau dans sa vie, mais il n’en avait pas dit un mot à Penny. Il n’avait pas eu envie de compliquer leur relation. Il connaissait l’envie de Penny de se poser de façon stable à ses côtés et il craignait qu’elle ne pense qu’il avait joué avec elle tout ce temps. Reggie se sentait enfin prêt à franchir une étape avec la jeune femme et il n’avait pas envie de laisser Livia se mettre en travers de leur route.  Tout ce que savait Penny c’est que Livia l’avait sous-estimé et qu’elle qui avait brisé le cœur, qu’elle était partie refaire sa vie. Elle avait sûrement supposé qu’ils avaient divorcés, mais ce n’était pas le cas. Si Livia était de retour ce n’était pas pour récupérer Reggie et avoir leur fin heureuse, mais plutôt pour lui faire signer les papiers du divorce. Un coup de massue pour lui qui ne s’y attendait pas. Pour autant, il n’allait pas tarder à lui donner ce qu’elle voulait afin d’aller de l’avant. Il avait donc besoin de sa présence en ce moment sans pour autant oser la demander. Le retour de Livia avait chamboulé son quotidien et son esprit. Il avait fait le deuil de cette relation depuis longtemps, mais elle avait réveillé ses incertitudes et son manque de confiance en lui. Sous son apparence sûre de lui se cachait un homme qui avait souffert de ne pas se sentir à la hauteur de sa femme, qui avait peut-être manqué d’ambition à un certain moment. Comme on peut s’en douter Livia n’y était pas allée avec le dos de la cuillère et réciproquement. Il avait donc eu besoin de se sentir à nouveau bien dans sa peau et Penny l’aidait beaucoup. Elle avait cette façon de le regarder, de le toucher qui ne le laissait pas indifférent. Elle n’était pas que la jeune femme avec laquelle il couchait, elle était devenue beaucoup plus. Alors qu’il alla la rejoindre en bas, il remarqua qu’elle était sur le balcon, seule en train de prendre un bol d’air frais. Reggie voyait bien que quelque chose la tracassait, elle fuyait son regard et se montrait évasive. Il ne comprenait pas ce qui avait pu se passer en quelques dizaines de minutes. Ce matin, tout allait bien et maintenant il sentait une distance entre eux. « Tout va bien ? » Lui demanda Reggie. Il n’avait pas l’habitude de la voir aussi pensive. Il ne se doutait pas une seconde qu’elle avait découvert son petit secret. Il pensait qu'il avait encore le contrôle de la situation.

Les yeux fixés sur l’horizon, Penny se perdit rapidement dans la contemplation de New-York qui s’étendait sous ses pieds, les gratte-ciels lui obstruant la vue. Elle ignorait l’heure qu’il était. Difficile de se faire une idée du temps qui passe quand on hante les rues de la ville qui ne dort jamais. Penny, elle, aurait préféré ne pas se réveiller. La langueur doucereuse, l’agréable engourdissement qui l’avait étreint lorsqu’elle avait ouvert les yeux et s’était rendu dans la cuisine avait laissé place à la douleur. Ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort.  Si elle n’était pas morte, Penny était profondément blessé. Elle se demandait combien de fois encore il lui faudrait supporter d’être poignardée dans le dos avant de déposer les armes, succomber. Elle exagérait probablement, mais la douleur sourde qui lui vrillait le cœur l’empêchait de penser correctement. Elle en voulait à Liam de l’avoir détruite. Elle en voulait à Reggie de lui avoir menti, considérant que ce qu’elle ignorait ne pourrait probablement pas lui faire du mal. Elle s’en voulait à elle, d’avoir abandonné tous ses principes pour les beaux yeux de l’ingénieur informatique, pour un sourire de plus. Elle se détestait d’être devenue malgré elle ce qu’elle avait toujours détesté chez les autres. L’amante, la maîtresse.
Avalant machinalement une nouvelle gorgée de café, perdue dans ses pensées, elle sursauta légèrement lorsqu’elle entendit la voix de Reggie derrière elle et un léger frisson lui parcouru le corps. Elle ne se rendit compte qu’à cet instant qu’il faisait un froid polaire à l’extérieur et que sa peau s’était recouverte d’une légère chair de poule. Tournant brièvement les yeux vers le brun, elle lui adressa un sourire distant, peu convaincant. Le seul qu’elle était capable d’esquisser. « Hein ? Oh. Tout va bien, oui… »Non… Passant près de lui pour rentrer à l’intérieur, elle glissa malgré elle la main dans celle de Reggie qu’elle pressa affectueusement avant de s’éloigner. Elle avait beau lui en vouloir, il lui était difficile de rester loin de lui. Son corps tout entier réclamait le toucher de Reggie, son étreinte, son souffle chaud contre sa peau. Elle poursuivit pourtant son chemin, passant devant les papiers restés sur le comptoir en fermant les yeux pour ne pas avoir à les voir, eux et cet horrible espace vide là où aurait dû figurer la signature de l’informaticien.
Elle rejoignit l’évier de la cuisine en quelques pas supplémentaires, ses pieds nus ne produisant pas le moindre son contre le carrelage. Elle y vida sa tasse, les mains légèrement tremblantes, les yeux légèrement embués par les larmes qu’elle avait réussi à retenir jusqu’ici. L’une d’elle roula sur sa joue et vint s’écraser au fond de la cuve en même temps que la tasse qu’elle avait lâché maladroitement, brisant la hanse dans la manœuvre. « Merde ! »C’était son mug préféré, celui qu’elle avait pris l’habitude d’utiliser, celui qui lui donnait l’impression d’être à sa place, ici, chez lui. Et comme toutes ses illusions, il venait de se briser face à l’horrible vérité. Un sanglot éclata, mélange de frustration, de tristesse et de colère. Portant sa main humide à son front, l’autre fermement appuyée sur le rebord de l’évier devant lequel elle s’était penchée, Penny se mit à pleurer, pour de bon cette fois.

Reggie ne croyait pas une seconde Penny lorsqu’elle lui disait que tout allait bien. Quelque chose sonnait faux dans le ton de sa voix, dans ses gestes. Elle disait une chose, mais son corps en disait une autre. Elle s’éloignait doucement de lui et il n’aimait pas cette distance qu’elle mettait entre eux. Il avait l’impression qu’elle essayait de le fuir et il ne pensait pas avoir fait quelque chose de mal. C’était comme s’il avait raté un épisode. Il l’a laissa aller dans la cuisine seule, peut-être qu’elle avait juste besoin de souffler un peu. Il n’avait pas envie de la forcer à parler de quelque chose dont elle n’a pas envie. Elle avait été si patiente avec lui qu’il ne pouvait pas ne pas faire la même chose. Néanmoins, il ne savait pas vraiment quoi faire de lui-même. Il pensait passer la matinée avec elle, il était aussi chez lui. Il espérait que la jeune femme allait rapidement revenir à son humeur d’antan. Il n’aimait pas la sentir aussi éloignée de lui. Soudain, Reggie entendit un léger fracas et un nom d’oiseau, il se douta alors qu’elle venait de renverser quelque chose. Alors qu’il arriva dans la cuisine il se rendit compte qu’elle était en train de parler. Il ne comprenait pas ce qui était en train de se passer. Finalement, elle n’allait vraiment pas bien. Il se demandait pourquoi puisqu’il y a quelques minutes tout allait bien. « Hey … » Lâcha Reggie avant d’aller vers elle. Il l’a tourna vers lui afin de pouvoir savoir ce qui n’allait vraiment pas. Elle ne pouvait pas lui dire que tout allait bien alors qu’elle était en train de sangloter. Elle avait essayé de cacher ses émotions, mais ça semblait la rattraper. « Qu’est-ce qui se passe ? Tu peux tout me dire. » Lui demanda le jeune homme. Il n’allait pas la laisser ainsi même s’il n’était pas forcément à l’aise avec tout ceci. Il n’avait jamais su quoi faire avec une femme lorsqu’elle pleurait. Dieu sait qu’il avait été maladroit avec Livia les rares fois où elle avait pleuré. Il avait pourtant, tout fait pour la soulager. Aujourd’hui, c’était Penny qui pleurait et il avait le mauvais pressentiment qu’il avait son rôle à jouer dans tout ça. Il ne se doutait pas une seconde qu’elle ait pu tomber sur un document qui pourrait remettre en question sa confiance en lui.

Une main crispée sur le rebord du plan de travail, l’autre essuyant des larmes qui semblaient ne jamais vouloir s’arrêter, Penny serrait les dents pour retenir ses sanglots. Elle avait horreur de se montrer si faible, d’être faible tout simplement. Elle pensait avoir réussi à s’entourer d’une solide carapace, d’être capable de tout affronter, mais elle réalisait désormais qu’il n’en était rien. Elle avait ouvert la porte de sa forteresse à Reggie, et il était en train de la briser de l’intérieur, comme Liam avant lui. Les joues baignées de larmes, elle évita le regard de Reggie lorsqu’il l’empoigna par les épaules pour la forcer à lui faire face. Elle avait envie de se jeter dans ses bras, de pleurer tout son saoul contre son torse et d’attendre que la douleur s’estompe, que la résignation fasse son travail. Elle n’en fit pourtant rien. Secouant la tête lorsque Reggie l’incita à lui parler, Penny sentit un nouveau sanglot lui secouer le corps. Respirant profondément, elle réussit finalement à relever ses yeux clairs larmoyants vers l’ingénieur. Elle avait envie de hurler, de lui jeter ses papiers de divorce à la figure et pourtant, c’est brisée que sa voix s’éleva finalement dans la pièce. « Pourquoi est-ce que tu ne me l’as jamais dit Reggie… ? » Demanda-t-elle en l’observant douloureusement. Malgré la colère et la douleur, elle l’aimait à s’en damner. C’est d’ailleurs probablement ce qui lui faisait le plus de mal. L’aimer autant alors qu’elle avait l’impression qu’il avait passé son temps à se moquer d’elle. « Comment est-ce que t’as pu me cacher que t’étais marié, putain… »  Son ton s’était légèrement raffermit cette fois et elle avait reculé d’un pas se libérant des mains de son amant à qui elle adressa un regard où se mêlaient la tristesse et la colère. Elle avait toujours envie de se jeter sur lui, sans savoir si c’était pour lui taper dessus ou seulement pour noyer son chagrin dans un intense baiser, juste un baiser pour prouver que tout ça n’était pas qu’une mascarade, qu’elle n’était pas qu’une fille de transition, le temps pour lui de se remettre en selle, ou pire, de se remettre avec sa femme. « Tu croyais que je le découvrirais pas ? Ou ptet que tu voulais que je le découvre ? Putain de merde Reg’ ! » Elle passa une main sur son visage pour tenter de garder son calme sans grand succès. Maintenant qu’elle avait ouvert les vannes, Penny avait l’impression de ne plus pouvoir s’arrêter, ni de pleurer, ni de hurler. Elle détestait ça. Elle détestait la femme qu’elle était en cet instant précis. Elle était à nouveau la Penny qu’elle était avant de connaitre Reggie. Cette femme brisée. Ce cœur, brisé.

Reggie comprenait la colère de la jeune femme. Il ne comptait pas essayer de cacher la vérité. Il savait qu’il s’était mis dans une situation délicate, mais il n’avait jamais voulu la blesser. Après tout, ceci ne l’a concernait pas. Il avait voulu protéger sa vie privée et son ego en n’en parlait à personne. Reggie était très secret sur son passé et pour cause tout n’était pas rose. Il n’avait pas envie de parler de sa femme qui l’avait quitté pour faire une carrière ailleurs parce qu’il n’avait pas assez d’ambition. De plus, ils n’étaient pas ensemble depuis très longtemps. Cependant, il comprenait sa douleur et il allait essayer de se faire pardonner. « Parce que c’est pas quelque chose dont je parle.. » Lâcha Reggie. Il compris que c’était le moment de lui expliquer les raisons de ses cachoteries, mais aussi de son divorce. Elle méritait d’avoir toutes les informations en main. Il espérait qu’elle comprendrait après ça qu’elle pouvait avoir confiance en lui. Il tenait assez à elle pour lui dire la vérité et parler d’un sujet qui le chagrinait. En effet, il avait énormément souffert de leur séparation même s’il est trop fier pour le dire. Il a fini par ne plus en parler à personne jusqu’à aujourd’hui. Penny comptait trop pour lui pour qu’il ne s’entête à cacher la vérité d’autant plus que tout allait bientôt être fini. « On était très jeune et on pensait que ça durerait toute la vie. Ensuite, on a grandi et on s’est aperçu qu’on voulait des choses très différentes. Elle est partie et je ne l’ai pas retenu. Je savais que je ne pourrais pas lui apporter ce qu’elle m’était, je n’étais pas assez. » Commença par lui expliquer le jeune homme. Il se sous-estimait comme il l’avait fait durant des années parce que c’est ce qu’elle lui avait toujours fait sentir. Même si aujourd’hui il n’avait pas à rougir de sa réussite il se voyait toujours comme l’homme pas à la hauteur. « On n’a jamais officialisé les choses parce qu’on a pas gardé contact. Elle est revenue récemment et on va faire ce qu’on aurait dû faire il y a déjà des années. » Continua Reggie. Il espérait qu’elle allait le croire puisqu’ils allaient réellement divorcés. Il ne lui restait qu’à signer les papiers du divorce. Cependant entre la tempête et le reste il n’avait pas pensé. « Je ne savais pas comment te le dire sans que tu n’imagines des choses. » Fini par lui dire le jeune homme. Finalement il avait eu raison puisque Penny était déjà en train de se faire des idées. Elle n’avait pas besoin de le dire il savait bien qu’elle imaginait qu’il était toujours amoureux d’elle, qu’il se servait d’elle comme d’une transition. C’est exactement ce qu’il avait voulu éviter.