(eileen) friend, please

and I have nothing else left to say
but I will listen to you all day, yes I will

Il se fait tard, tu n'as pas vu le temps passer. Tu es sorti traîner, tu t'es un peu trop éloigné. Tu n'as plus la foi de marcher, le froid semble s'être immiscé jusque dans tes os et tu pourrais jurer que tu vas mourir si tu passes une minute de plus dans cette atmosphère polaire. Tu descends donc dans le métro, soupires d'aise face à la température plus clémente, et attrapes la première rame en direction de Brooklyn. Il ne te faut pas bien longtemps avant de remarquer une crinière blonde te tournant le dos à quelque pas, car elle te semble familière. Evidemment, en quatorze ans de vie à New York, tu as vu défiler pas mal de visages, les gens que tu connais de vue ne sont pas rares, mais il y a quelque chose qui te perturbe, quelque chose... qui se précise lorsqu'elle se retourne une seconde. C'est suffisant, tu la replaces en croisant brièvement ses yeux clairs: la serveuse. Celle qui a renversé ton café sur toi il y a peut-être deux semaines, et avec laquelle tu as fini par te disputer bêtement. Ce n'est vraiment pas ton genre, pourtant, mais tu étais contrarié -tu ne saurais même plus dire pourquoi. Ce n'est de toutes manières pas une excuse valable, et tu t'en es rapidement voulu. Seulement, tu fus trop fier pour faire demi-tour et t'excuser, et puis tu devais rentrer te changer. Tu glisses un petit « pardon » à l'intention de ton voisin et te fraies un chemin jusqu'à elle, tapotant légèrement son épaule afin qu'elle porte son attention sur toi. « Bonjour », lâches-tu simplement. Tu trouves cela ridicule mais tu vois mal comment l'aborder autrement que par des salutations. « Je ne sais pas si vous vous souvenez de moi, la brute du café, vous devez en voir beaucoup. » Tu esquisses un léger sourire, reprenant rapidement afin qu'elle n'ait pas l'occasion de te clouer le bec d'une quelconque manière. « Je tenais à m'excuser, quelle que soit mon humeur je n'avais aucun droit de vous parler de la sorte. Voilà, c'est tout. » Tu conclus tel un enfant, un peu mal à l'aise, dans l'expectative.

Invité

friend, please.

La journée avait passée à une vitesse folle. Entre ses deux cours de soutien du matin, son rendez-vous chez le notaire de son père et son service du soir… Eileen n’avait rien vu passer. C’était donc exténuée qu’elle s’était enfilée dans la bouche de métro la plus proche de son job, les yeux plein de fatigue et irrités par la pollution de la grosse pomme, à laquelle la jeune femme ne pouvait décemment pas s’habituer. Elle repensait à sa journée et surtout, elle songeait à ce qu’elle faisait là, concrètement ? Venir à New York pour respecter la dernière volonté de son défunt père, ça avait été noble de sa part… Mais découvrir qu’il voulait qu’elle y refasse sa vie et qu’elle retrouve sa famille biologique ? AH ça non, Monsieur ! Pas question. Cependant… Elle était là, à galérer entre plusieurs petits jobs, non seulement pour finir son mois mais également pour rembourser ce foutu emprunt hypothécaire et cet appartement qu’elle ne voulait pour RIEN au monde.

C’était perdue dans ses pensées qu’elle était rentrée dans la rame de métro et que, distraite, s’était assise à un siège miraculeusement libre. Les yeux rivés sur le noir qui « défilait » derrière la vitre du train, elle se faisait gentiment bercer par le brouhaha qui résidait dans le wagon. Des jeunes qui rentraient en criant, des petites vieilles qui râlaient… Et soudain une voix, très proche, qui semblait s’adresser à elle. Elle arqua un sourcil, convaincue que ce n’était pas possible. Après tout, elle ne connaissait encore pratiquement personne ici, et la probabilité de rencontrer son patron dans cette ligne était nulle…. La voix poursuivit… Apparemment, c’était bien à elle que l’homme s’adressait. Elle tourna donc la tête vers son interlocuteur, un peu surprise. Puis, elle le reconnut, et sa mine se renfrogna. Elle allait ouvrir la bouche pour l’envoyer gentiment se faire voir, mais il la coupa dans son élan en lui présentant de plates excuses. Elle en resta presque bouche bée. Elle qui était d’une nature très fière, elle se rendait compte de ce que cela pouvait bien couter au jeune homme…

Après qu’il eut terminé, lorsqu’il la regardait honteux, semblable à un enfant qui vient de faire une grosse bêtise, Eileen hésita. Devait-elle rester sur sa position et l’envoyer réellement bouler ? Ou devait-elle prendre en considération le fait que tous les deux, ils avaient merdé ce jour-là, avec sa maladresse à elle et son caractère de cochon à lui ? Elle se mordit la lèvre inférieure, sceptique, avant de lâcher « Je… Excuses acceptées. » Elle lui fit un petit sourire, un peu gêné. « Vous n’étiez clairement pas le seul fautif dans l’histoire… J’apprécie vos excuses, mais je crois que je vous en dois aussi… » Sage décision, elle avait finalement opté pour l’option deux, c’est-à-dire : ne pas l’envoyer se faire voir et dialoguer.

lumos maxima

Si tu es solitaire, arrogant et menteur, il y a un défaut majeur que tu ne possèdes pas: le trop plein de fierté. Tu n'es pas de ces hommes, et femmes, qui n'assument pas leurs erreurs et refusent d'avouer leurs torts. Tu manques peut-être même un peu trop de cette fierté, effrayé à l'idée de mal faire ou de blesser. Tu n'es pas aussi dur qu'il n'y parait, tu détestes faire du mal autour de toi, tu es trop concerné. Tu t'excuses sans peine, et pour un rien. Les mots ne t'écorchent pas la bouche, tu n'éprouves pas de difficulté à demander le pardon lorsque c'est nécessaire. Cela te rend sans doute moins désagréable, et ce même si ce n'est pas exactement le but recherché. Non, le but est assez égoïste pour être tout à fait honnête: il s'agit de ta conscience plus que de faire plaisir. Tu t'adresses donc à cette jeune serveuse avec laquelle tu t'es montré particulièrement brusque dans le but de soulager ta conscience du poids, bien que minime, de ta faute. Quelle que soit ton humeur, tu n'aurais pas dû réagir de la sorte, c'était démesuré, tu le penses sincèrement et c'est ce qui t'a poussée vers elle aujourd'hui. Ça, et peut-être ton inconscient se rendant bien compte qu'elle a quelque chose de familier. Tu t'aperçois qu'elle hésite sur la marche à suivre, et demeures muet. Les clients coléreux sont probablement monnaie courante, la scène que tu as faite au café n'avait rien d'exceptionnel, tandis que des excuses sont la dernière chose à laquelle on peut s'attendre après coup. Elle semble finalement se décider pour une réponse pacifiste, et tu lui souris légèrement en entendant son "excuses acceptées". C'est tout ce que tu souhaitais. A vrai dire, elle aurait aussi bien pu les refuser, ta mission consistait seulement à t'excuser quel que soit le résultat, mais c'est tout de même mieux ainsi. Tu hoches doucement la tête en haussant une épaule à l'évocation du fait que la faute est partagée. Elle n'a pas tout à fait tort, cependant tu t'es montré grossier là où elle avait simplement fait preuve de maladresse, ce dont il serait injuste de lui tenir rigueur. « Je suppose que nous pouvons simplement passer l'éponge. » Tu lui tends la main en reprenant: « Jedediah, Gaffney. Mais Jed suffira. »

Invité

friend, please.

Son regard. Ses cheveux foncés en bataille. Cet air un peu rebelle, voire arrogant… Ce garçon lui était vaguement familier, ce qui la perturbait davantage. Il était très peu probable qu’elle le connaisse réellement d’une quelconque autre façon que via cet incident au café, la semaine dernière, lors de son premier jour de travail. Elle avait certes été maladroite, mais lui s’était montrée détestable… Et autant vous dire que, pour que le seuil de tolérance d’Eileen atteigne sa limite, il fallait fortement être con et désagréable.

Elle se surprenait donc elle-même en acceptant, sans remarque cinglante, les excuses du jeune homme. Lorsqu'il décida de se présente, elle fût d’avantage étonnée. Elle pensait qu’après avoir présenté ses excuses, il retournerait dans son coin et … Enfin, elle ne s’attendait pas à des présentations, du genre « tissons des liens après avoir passés deux moments très étranges ensemble en une semaine. » Mais bon… Il fallait qu’elle l’avoue : elle manquait sérieusement de contacts depuis son arrivée à New York. Hormis ses deux chiens, trois élèves et son patron du café, elle ne voyait pas grand monde actuellement. Elle fit un petit sourire et réajusta ses lunettes sur son nez, avant de lui serrer la main en retour. « Enchantée, moi c’est Eileen. »

Gaffney… Pourquoi diable ce nom résonnait-il dans sa tête ? Elle avait connu, un Gaffney autrefois. Un ami d'enfance. Effacé par le temps mais avec qui elle gardait des souvenirs mémorables. Mais la probabilité qu’il s’agisse de l’homme en face d’elle était moindre… Elle ne reconnaissait en rien le garçon qu'elle avait connu, il y a plus de 15 ans, et avec qui elle parcourait les ruelles de Dublin en riant. Elle demanda cependant, curieuse de rencontrer un compatriote en pleine ville de New York : « Gaffney ? Comme Gaffney d’origine Irlandaise ? » Elle lui fit un large sourire. L’étincelle dans ses yeux trahissaient soudain une joie qu’elle n’aurait pas pensé ressentir en présence de cet homme-là quelques instants auparavant.

lumos maxima

Tu ne parviens décidément pas à replacer la jeune femme, tu tu en viens donc à la conclusion que vous ne vous connaissez pas. Elle ressemble seulement à quelqu'un d'autre, ce qui se trouve être plutôt commun. Plus encore à New York, où les gens viennent de partout et en très grand nombre, de quoi créer des confusions. Votre première rencontre remonte sans doute à votre altercation au café, et ceci est la seconde. Pourtant, tu engages la conversation, désireux d'en savoir un peu plus -cela ne te ressemble pas. Tu te surprends donc toi-même en te présentant, tendant la main par la même occasion. Elle semble hésiter l'espace de quelques secondes, avant de s'en saisir pour une brève poignée de mains tandis qu'elle te renseigne sur son prénom. Cela a le don de t'intriguer encore plus: tu as connu une Eileen, blonde, qui aurait probablement le même âge que la jeune femme se tenant aujourd'hui face à toi. Impossible, la petite O'Sullivan ici ? Tu la dévisages, sans le vouloir, comme cherchant des réponses sur son visage. Cela éclate bientôt: elle t'a également reconnu. Du moins, elle connait ton nom. Tes lèvres s'étirent d'un sourire semblable au sien, et tu secoues légèrement la tête, incrédule. « De Dublin. Ne me dites pas que... Eileen O'Sullivan ? » Elle a quelques bonnes années de moins que toi, mais vous avez grandi ensemble dans la capitale irlandaise, toi veillant sur elle bien que tu aies toujours été incapable de prendre soin de toi-même. Quelles chances aviez-vous de vous retrouver ici ? Après, il pourrait s'agir d'une toute autre Eileen, connaissant ton nom uniquement car la plupart des Irlandais le connaissent pour être celui d'un ancien sénateur, mais tu t'en trouverais extrêmement déçu.

Invité

friend, please.

Ce ne fût que lorsque le jeune homme assis à ses côtés prononça spontanément son nom de famille – qu’elle ne lui avait pas donné par omission et aussi un peu, il fallait l’avouer, parce qu’elle considérait que cela ne le regardait en rien pour l’instant – que la jolie blonde percuta. « Oh mon dieu, Jed ! C’est toi ? » Un large sourire se dessina sur le visage de la jeune femme. Elle n’en revenait pas. Ils ne s’étaient plus vus depuis quoi… ? 10 ans ? Plus ? Elle n’en savait rien. Tout ce qu’elle savait, c’est que jamais au grand JAMAIS elle n’aurait imaginé revoir un ami d’enfance ici, à New York.

Le souvenir du brun et de la blondinette, parcourant « The O'Connell street », rue principale de la capitale irlandaise, en courant lui revint en mémoire. S’ils ne s’étaient pas présentés, s’ils ne s’étaient pas recroisés, elle n’aurait sans doute jamais percuté qui il était. Elle se remémorait leurs folles aventures, à trainer au Merrion Square ou encore à se défouler dans les parcs de la ville, leurs bêtises aussi, il faut le dire, et la manière qu’avait ce garçon à protéger la petite blondinette qu’elle était, autrefois. Tout lui paraissait si lointain… Elle tenta de sortir de ses pensées, qui tourbillonnaient dans son cerveau à la vitesse de la lumière, et reporta son attention sur Jedediah. « Je n’en reviens pas qu’on se retrouve ici ! Et surtout, qu’on ne se soit pas reconnu la semaine dernière je.. » Elle ne savait pas par où commencer… La joie de retrouver cette vieille connaissance à cet endroit précis lui brouillait quelque peu son bon sens. « Qu’est-ce que tu fais là ? Qu’est-ce que tu deviens ? Comment tu vas ? » Remarquant après avoir prononcé la dernière syllabe qu’elle l’agressait presque avec sa panoplie de question, elle referma sa jolie bouche et fit un petit sourire gêné. « Pardon, je pose définitivement toujours trop de questions ! »

lumos maxima

Toutes les pièces de ta vie, ce puzzle insoluble, semblent petit à petit se ré-emboiter afin de former un semblant de normalité. La présence d’Eileen O’Sullivan à New York est un énième signe que ta vie, et la vie en général, n'est faite que de recommencements. La blonde et toi avez grandi ensemble, et cela fera bientôt quinze ans que tu n'as plus vu les rues que vous arpentiez chaque jour à l'époque. « Bien sûr que c'est moi ! Me voilà encore plus confus pour ce café… » On t’a rarement vu aussi enjoué durant ton exil. Le fait est que tu renoues avec une partie de ton passé qui n’a rien de douloureux, rien de compliqué, et voilà enfin un sentiment agréable.

Ton sourire s'élargit face à l'engouement de la jeune femme, tout aussi ravie que toi, si pas même plus. Probablement car elle n’a jamais oublié comment rire. Tu n’en reviens pas non plus, de cette rencontre fortuite, mais pourquoi s'étonner puisque dans cette ville tout est possible. Tout le monde s’y mélange, le lieu n’est pas le plus insolite pour vos retrouvailles. Eileen lance plusieurs questions auxquelles tu n'as pas le temps de répondre, ce face à quoi tu continues de sourire, allant même jusqu'à laisser échapper un doux rire lorsqu'elle prend conscience de sa trop grande sollicitude. « Ce n'est rien, je suis content de te voir aussi », te moques-tu gentiment. « Pour commencer, je vis ici depuis pas mal d'années. Une idée de mon père, bonne ou mauvaise cela reste à débattre. J’habite à Brooklyn. » Nouveau sourire, pour une fois plus sincère que poli. « Et toi, qu’est-ce que tu fais par ici ? Depuis quand est-ce que tu es installée ? » Probablement peu de temps, puisque tu ne l'avais jamais vue, ou peut-être jamais remarquée qui sait, au café avant la semaine précédente.

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