Bah si tu bois. C'est évident, comment tu pourrais faire autrement. Survivre sans connaître le plaisir insipide du nectar scintillant d'abondance et de déni? Celui qui te permet de traverser les journées pluvieuses et d'excité celles qui serons plus chaleureuses? Jamais de la vie. De toute manière, ce n'est pas étonnant vu que tu te saoules depuis tes douze ans.
Par contre, tu ne fumes pas. Du moins, c'est ce que tu laisses croire à ta pétasse lorsque vous parlez des méfaits de cette arnaque. Tu aimerais bien te convaincre aussi. Te convaincre que tes poumons sont en parfaite santé, que tu dépenses le peu d'argent que tu as de manière réservée et même que tu aides tes copains à se sortir de ce déchet inutile de cette société. Parce que oui, comme tu le dis si bien:
-Le corps social de la modernité est si dépassé. Il faut accuser ces défauts, car se sont eux qui causent la chute de nos citoyens délabrés. Il faudrait quelqu'un, limite quelque chose pour l'en empêcher, sinon ces injustices causeront l'extinction de l'humanité.
Vas-y, défoule toi avec tes belles paroles et tes discours de révolte.
En attendant, faudrait peut-être que tu te trouves quelqu'un d'autre que cette connasse pour raconter ces belles histoires, tu ne penses pas? Avoir des amis, des vrais. Pas de ceux que tu rencontres dans ces soirées à la con où tu te défonces ni dans celles où tu t'envoies en l'air pour oublier l'espace d'un instant que tu la trompes. Des gens en qui tu peux avoir confiance.
C'est évident que ça n'arrive pas souvent, tu n'es pas un parangon de l'honnêteté à proprement parler. On ne s'en rend pas réellement compte à prime à bord, mais plus on apprend à te connaître et plus on voit avec qui on a affaire. Un serpent. Un serpent aux ailes d'argent. Un serpent qui croit que la vie lui doit tous. Un serpent qui se sert de tout, même de l'amour.
Parce que malgré qu'elle soit trop stupide pour s'en rendre compte, les autres en ont pitiés. De ton amoureuse, de ta dulcinée comme tu aimes bien l'appeler. Prisonnière dans ta prison dorée, simple ficelle parmi ton tricot déjà noué. Tu ne la quittes pas pour la simple et bonne raison que tu n'as personne, mais tu es incapable de l'endurer plus de cinq minutes par jour. Que ce soit au lit ou devant un film, rien n'y fait. Le monde se mettrait à genou pour que tu la délivres de ce mensonge.
Parce que non, tu n'es pas une mauvaise personne même si tu le penses.
Tu es bourré de talent, un acteur pouvant explorer l'imaginaire et innové l'art de la scène. Passant par des rôles aussi dramatiques que comiques, tu peux faire rêver un auditoire en un claquement de doigt. Malheureusement, la malchance a été ta grande compagne durant ton voyage d'artiste en cavale. Te noyant parmi des scénaristes pas sérieux, des projets morts dans l’œuf et des auditions qui auraient bien mieux tournée si tu portais un trou au lieu d'une queue. Ou si tu avais été plus ouvert d'esprit, mais comme tu le dis si bien:
-Je suis désolé, je ne suce pas. Je ne suis pas ce genre de gars. Passé une belle journée monsieur et merci de votre compréhension.
Le pire dans tout ça, c'est que tu le sais que tu fuis. Tu t'échappes de toi-même, nageant à contre-courant de qui tu es. Tu ne veux pas paraître comme un faible, un lâche baisant ta voie jusqu'à la victoire.
De plus, ta sexualité en vrac n'est pas la plus solide qui soit. Tu ne connais même pas tes préférences et tu te berces dans des idées de grandeur, voulant paraître comme un mâle à qui l'on peut conter ces peurs. Tu es victime d'un million de fantasme te rongeant jusqu'à l'âme, mais tu n'oses pas.
Tu es bien trop effrayé du regard des autres, du jugement qu'il pourrait porter envers tes tendances sadiques et sodomites. Des marées montant en toi chaque fois que l'envie te prend à la gorge. T'expulse de ton corps. T'emmène tout doucement vers ta petite mort.
Subtilement, tu embrasses quelque mecs durant les soirées bien arrosées et c'est surtout parce qu'un jeu bidon te l'a commandé. Tu durcis juste au goût de leurs lèvres charnus et de leurs touchés velus, mais tu ne laisses seulement paraître qu'un petit sourire gêné et désabusé.
Ton orgueil ne souhaite que charmer tandis que ton instinct s'exhume à l'idée d'une nouvelle réalité. Elles sont de toutes sortes, aussi étrange les unes que les autres. Passant d'un simple touché à l'envie de tuer. D'un simple baiser à l'excitation révulsive de s'empaler.
Arrête d'être compliqué, respire. Vis ta destinée.
Tu sais, j'ai confiance en toi. J'ai si hâte que tu deviennes cette merveille dépassant les limites de ton être. J'ai tant foi que ce voyage en Amérique aura l'effet d'une libération. D'un souffle d'espérance. Une façon de te réinventer. Dans tous les cas, j'y crois, moi.
Peut-être que pour ta cervelle de débile ce n'est qu'une échappatoire comme une autre, mais je suis persuadée que ce sera une expérience des plus enrichissante. De celle qui gravent nos pitoyables existence. Écoutes ce que j'ai à te dire.
Arrêtes de m'éviter telle une maladie honteuse, cesses de m'étouffer à coup d'irréalisme et de rêve idyllique. Tu sais ce que tu vaux et je le sais aussi. Nous n'avons rien à se cacher. Je t'en conjure, prends-moi en considération. Prends-moi tout court.
Ne sois pas si égoïste. Je ne veux que ton bien. Notre bien.
Parce que comme tu le dis si bien:
-Je ne serai jamais seul.
Ps: Je t'aime.
La petite voix dans ta tête