you keep me safe,
keep me sane, keep me honest.

Lorsque tu songes à Kyara, tu sais pertinemment que vous n'allez pas ensemble. Pas du tout. Elle déborde d'assurance, sans doute beaucoup trop mais tu t'y es fait avec les années, tu ne relèves même plus la plupart de ses élans de narcissisme. Elle est très portée sur l'argent, les relations, les soirées. Rien avoir avec toi, qui te contenterais d'une cabane dans un arbre s'il était possible de dénicher un tel abri dans New York, et que faire la fête toute la nuit inquiète car tu ne sauras pas te lever le lendemain pour aller travailler. Un boulot qui te tient à cœur, mais que tu ne fais clairement pas pour le salaire. A vrai dire, on pourrait tout aussi bien ne pas te payer, tu le ferais quand même. En résumé, ta meilleure amie et toi n'avez quasiment rien en commun, et il est surprenant de voir que votre amitié tient très bien le choc. Vous vous connaissez maintenant depuis pas mal d'années, vous êtes recroisés au détour de voyages, écrit, téléphoné. Tu l'avais même invitée à ton mariage, le seul problème étant qu'il n'a pas eu lieu. La proximité de vos vies new-yorkaises vous a considérablement rapprochés, tu t'aventures donc en dehors de chinatown après t'être changé de ta journée au zoo, et te pointes devant la porte de la jeune femme dans greenwich village. L'idée ne te viendrait pas de te balader ici si tu ne la connaissais pas, il ne s'agit pas exactement de ton type de lieu. Tu fais partie du décor dans les quartiers moins prisés, moins chics. Tu n'es d'ailleurs pas très à l'aise de te trouver là, te sentant presque coupable lorsque tu croises le chemin d'une jeune femme et son caniche, qui te regarde de la tête au pied tandis que l'animal ne te jette pas même un regard. Charmant. Tu jettes un coup d'oeil à ta tenue: jean, hoodie large, baskets. Tu fais un peu tâche. Ôtant ta capuche, tu frappes à la porte sans plus attendre. Tu sais qu'elle est présente car tu aperçois de la lumière, elle se fait cependant un peu désirer. Lorsque la porte s'ouvre sur elle, elle s'empresse de plaquer sa main sur ta bouche afin de t'empêcher de parler et tu lèves simplement les yeux au ciel, à peine surpris. Tu l'es encore moins lorsque tu entends, depuis le seuil, ce qu'elle est en train de regarder: le Monde de Dory. Là encore, un autre pourrait trouver cela enfantin et étonnant de sa part, mais toi tu la connais. Toi, tu as l'habitude, et tu la connais par cœur. Tu esquisses un sourire lorsqu'elle prononce sa phrase préférée en chœur avec les lions de mer du dessin animé, et ôte sa main de tes lèvres. « J'arrive pas à croire que tu regardes ça sans moi », remarques-tu, secouant la tête comme pour appuyer ta déception. « Alors oui, bonjour Dory. Je vais bien, merci. Et toi ? » Tu te glisses à l'intérieur et te débarrasses de ton pull, jetant un regard vers le salon où tu peux apercevoir un repas, si on peut appeler cela ainsi, pour le moins déséquilibré. « Je vois que j'arrive au bon moment. »