wish i never spoke | salim

"wish I never spoke"

L'amour est resté, comme une grande image survit seule au réveil dans un son effacé - Lamartine

Les lumières éclairaient à moitié son visage fatigué. Eclats psychédéliques derrière la scène d’où elle observait Krea-tion performer. Elle connaissait tout par cœur, parce que celui qui en chantait les paroles peuplait son palpitant tout entier. Elle aimait le regarder. Parce que c’était dans ces moments là qu’elle le voyait, qu’elle le voyait vraiment. Sa nature première, connectée aux vibrations des notes de musique. Comme elle. Bien que le classique ne s’accordait pas exactement à ce que le groupe produisait. Encore fébrile, elle tenait le papier dans ses mains. Encore, les néons colorés barbouillaient le blanc de formes psychédéliques. L’encre, lue et relue, arracha un sourire à Beth. Peine à y croire et pourtant elle en était là. Elle attendait que les notes se terminent pour enfin arracher Salim à la foule qui l’aimait tant. Mais jamais plus qu’elle. Pour une fois ce matin, elle ne s’était pas assise sur le carrelage froid de la salle de bain, ses larmes n’avaient pas glissé sur le marbre blanc. Elle ne s’était pas engouffré dans son bain jusqu’à presque s’en noyer. Le silence de l’eau assez salvateur pour qu’elle ait envie d’y rester. Et de mélanger ses larmes salées à l’eau parfumée. Enfin, ses doigts avaient touché la peau de son ventre et elle y avait trouvé la chaleur. Non pas le froid glacial de l’inhabité. Alors, c’est avec un regard larmoyant qu’elle avait levé les yeux vers le médecin ce matin-là. Aucun sourire. Car elle s’était préparé comme toujours à ravaler ce déchirement et cette tristesse qui lui martyrisait les entrailles. Elle en était sûre, une prise de sang ne pouvait pas se tromper. Enceinte, de quelques semaine tout au plus. Elle avait accouru directement. Sans prendre le temps de se recoiffer. Un léger bonnet recouvrait les cheveux défaits.

Elle savait qu’elle avait du mal à s’y faire. Tout tardait trop. Elle se sentait comme ces jeunes filles possessives qui voulaient à tout prix enchaîner leur moitié avec un biberon. Pourtant, ce n’était pas le cas. C’était leur projet et oui, parmi tous les siens il en avait bien un avec elle. Elle s’éloigna un peu en entendant les applaudissements de la foule. Prête à le laisser profiter du premier concert du nouvel album. Elle se mit assise sur une caisse de matériel dans le couloir qui menait aux loges. Il était tard mais elle ne pouvait pas attendre qu’il rentre. L’excitation à son comble dans l’esprit de la jeune Saetre elle défaisait et refaisait le nœud de sa veste. Elle rangea le papier dans l’une de ses poches et regarda sa montre encore une fois. Cela allait être bientôt terminé. Elle toucha sa bague du bout du doigt. Elle ne la quittait pas. Une façon pour elle de se dire que si elle ne l’enlevait jamais, elle ne perdrait jamais Salim. Elle s’interrogeait un peu pourtant. Elle le voyait prendre de la distance, peut-être sans s’en rendre compte. Alors, elle se demandait s’il allait s’en trouver aussi réjouit qu’elle l’espérait. Sur le coup, cela était tombé sous le sens, il serait probablement ravi. Puis, plus elle avait froissé et défroissé son papier, plus le doute s’était installé, avec son amie l’appréhension. Que ferait-elle si suite à cette annonce elle décèlerait une pointe d’amertume dans son regard et ses effusions de joie ? Elle entendit du bruit dans le couloir. Du moins, le bruit qui n’était pas celui de la foule en délire. Elle aperçut Jaz, puis Atlas qu’elle gratifia d’une accolade en guise de bonsoir. Ils semblaient être pressés de se rendre dans leur loge, visiblement. Enfin, Jax apparut suivit de très près par Salim. Elle lui adressa un sourire au passage et se dirigea directement vers son fiancé. Elle se jeta presque dans ses bras et ses lèvres vinrent bien vite trouver les siennes avant qu’il ne puisse dire quoique ce soit. Elle le lâcha enfin et lui offrit un sourire franc, « Je me suis dit que pour le premier concert du nouvel album, je pourrais venir te féliciter en personne. » Elle resta plantée là, un sourire idiot figé sur les lèvres.