the things we couldn't share. (heidi)

It was terrible. All of the things we couldn't share.
The room was filled with conversations we weren't having.

Dès qu'elle fit son entrée, il le sut. La trop familière chevelure blonde attrapa l'éclat du ô combien prétentieux lustre de cristal, et Oz tourna la tête. En contrebas, une Heidi minuscule tirée à quatre épingles avançait vers les lots proposés aux enchères. Il l'observa se désintéresser rapidement d'un lot de sculptures en argile dont il avait été certain qu'elles ne lui plairaient pas, et la regarda s'arrêter devant une immense toile aux couleurs pastel, qui l'avait immédiatement fait penser à elle. Jusque là, ses prédictions avaient été correctes. Le problème, c'était qu'à partir de là, il n'avait plus aucune prophétie en stock. Elle n'était prévisible qu'en matière d'art – et encore, uniquement car il avait étudié les goûts d'Heidi avec plus de minutie que les questions des SATS. Il serait volontiers resté sur son balcon, si seulement de vagues bribes de son éducation pseudo-aristocratique, dont le reste avait disparu en même temps que ses dents de lait, ne lui répétaient en fond sonore que "Oskar, il est atrocement impoli de faire attendre une dame."

Sa flûte de champagne précédemment entamée, et qu'il avait nonchalamment déposée sur le garde-fou en marbre (ce qui lui avait valu plusieurs regards outrés hautement satisfaisants), fut soulevée et achevée en une longue gorgée. Un peu de conversation liquide, un peu d'aisance à bulles. Toujours ça de pris. "Minute," lança-t-il au serveur en jaquette blanche qui, une fois ayant récupéré le contenant vide, fit mine de s'en aller. Oz récupéra deux nouvelles coupes sur le plateau doré et se retourna, jetant son plus beau sourire Colgate aux pieds d'un vieillard en Hugo Boss. "Vous m'excuserez, le devoir m'appelle." Il désigna d'un geste de menton flou l'éclat de cheveux blonds à leurs pieds, ainsi que le corps qui y était attaché. Ce à quoi le vieil homme, mentor de sa mère depuis leur arrivée sur le nouveau continent, répondit par un hochement de tête outrageusement approbateur et un clin d'œil libidineux. Oz se retint de justesse de remettre les hors d'oeuvre à la truffe sur le costard de son interlocteur. Old perv. Davantage pour mettre de l'espace entre eux que pour rejoindre Heidi – il n'y a pas si longtemps que ça, il aurait été terriblement impatient de lui montrer les œuvres et se moquer avec elle des invités ignares sur la question – Oz trottina pour descendre le large escalier menant du balcon VIP au hall des enchères, aussi vite que le permettait le cuir vernis de ses derbies à huit cent dollars.  

La nuque d'Heidi lui fit face tout le temps qu'il lui fallut pour réduire l'espace entre eux. Nuque qu'il avait, un maudit soir, étudié de bien trop près. Il déglutit. Don't go there. "Tu vas en avoir besoin," souffla-t-il dans l'oreille de Heidi en guise de salutations, glissant un bras devant elle pour lui tendre une flûte de champagne. Parce qu'il se savait surveillé, Oz passa une main autour des hanches de son amie, tâchant de rendre le contact aussi léger que possible. Dans tout ce merdier, s'il n'avait vraiment vraiment pas besoin d'une chose, c'était bien qu'elle imagine qu'il profitait de la situation. "Je te conseille cul-sec," continua-t-il, la voix basse. "Ils ont annoncé plus d'une heure de discours, et on nous observe." Presque instinctivement, il shifta autour d'elle – tentative automatique de la soustraire au regard insistant du vieil aigle salace, du haut de son perchoir. Alors certes, le passé lui avait démontré, d'une façon aussi brutale que délicieuse, que l'équation alcool + Heidi avait des résultats désastreux. Certes. N'empêche que des quantités massives de Dom Perignon lui paraissaient être le seul moyen de survivre à la soirée.

Heidi n'avait pas pu retenir un (enfin de nombreux mais qui compte, right ?) soupir exaspéré lorsque Oz lui avait parlé de cette soirée. Des amis de sa mère allaient être présents et il avait promis à sa famille qu'il y serait en compagnie de sa fiancée... c'est à dire Heidi dans ce cas précis. Un jeu dans lequel le jeune homme l'avait attiré soudainement, sans lui demander son avis, comme si les choses entre eux n'étaient déjà pas suffisamment étranges à ce moment là après leur escapade européenne. Elle en venait finalement à se demander si Penny n'avait eu raison à son égard depuis toutes ces années ? Mais la blonde avait du mal à se faire à l'idée, ça n'était pas le Oz qu'elle avait découvert... Peut-être méritait-elle qu'on la traite de naïve après tout. Son fiancé temporaire avait tenté de lui présenter la soirée sous un bon angle, lui apprenant que cela tournerait autour de l'art, il lui avait fait quelques promesses, comme quoi il ferait de son mieux pour qu'elle ne soit pas trop importunée et puis il avait finit par lui faire ses yeux de chiens battus et elle avait cédé.

Debout dans son dressing, elle lança un dernier regard, une moue dubitative sur les lèvres, au reflet que lui présentait son miroir. Par réflexe, elle saisit son portable, prête à prendre une photo et à l'envoyer à Penny, pour savoir si elle validait ou non sa robe. Mais après elle allait lui demander pour quelle occasion ? avec qui ? pourquoi elle ne lui en avait pas parler avant ? Et les problèmes allaient commencer, ou prendre plus d'ampleur qu'ils n'en avaient déjà. Elle haussa finalement les épaules, tant pis. Elle n'allait pas à une de ses soirées, il y avait déjà assez de contrariétés pour qu'elle s'emmerde à se questionner sur sa tenue en plus. Sa robe noire ferait très bien l'affaire. Et sa réflexion sembla se vérifier à la seconde même où elle pénétra dans l'immense pièce qui abritait l'événement pour la soirée, les regards masculins semblant apprécier ce qu'il voyait. Elle tenta de toucher discrètement son décolleté, histoire de vérifier qu'un de ses seins ne s'était pas mis en tête de devenir une autre exhibition de la soirée, le but n'était pas de faire croire à belle-maman que Oz fréquentait la première fille qu'il avait croisé en boîte. Sa main finit par revenir sur le côté de son visage, pour ramener sa crinière blonde sur son épaule de l'autre côté, non sans faire étinceler le diamant qu'elle portait au doigt. Par chance elle avait une bague héritée de sa grand-père qui jouait parfaitement le rôle de la bague de fiançailles.

Elle jeta un coup d’œil rapidement autour d'elle mais ne vit pas Oz. Elle offrit quelques sourires aux hommes qui la saluait, mais dans son esprit jouait un tout autre morceau qui les aurait choqué s'ils avaient pu l'entendre. Oz avait intérêt de rappliquer en vitesse s'il ne voulait pas qu'elle parte au bout de deux minutes, elle était gentille, mais elle avait ses limites. Aucun serveur avec une coupe de champagne à l'horizon. Merde. Alors elle s'avança vers l'oeuvre la plus proche. Enfin oeuvre, c'était vite dit ! Les petites sculptures qui se tenaient face à elle étaient réalisées proprement, mais c'était bien tout le mérite qu'on pouvait leur accorder alors elle ne s'attarda pas plus et passa à la création suivante. Elle s'arrêta brusquement devant une immense toile qu'il était impossible de rater tant elle était imposante. Elle fit un pas en arrière pour essayer d'en saisir l'entièreté, la bouche légèrement entrouverte à cause des questionnements qui l'habitaient. Elle inclina légèrement la tête. Voilà ! Enfin quelque chose digne d'intérêt, qui ne se limitait pas à la technique, toutes ses couleurs, cette énergie...

Elle n'eut pas le temps de réfléchir plus longtemps qu'elle sursauta en sentant la présence d'une personne à quelques centimètres à peine de son visage. Elle avait ouvert la bouche, prête à incendier copieusement le gars qui s'était permis cette familiarité lorsqu'elle reconnu les traits de de son ami. Elle referma la bouche, mais ses traits ne s'adoucirent pas vraiment pour autant. Elle pinça les lèvres, le regard accusateur. Mais elle ne refusa pas l'offrande avec laquelle il était venu. « Merci... » dit-elle finalement sans reconnaissance particulière en saisissant le verre pour le porter à ses lèvres. Elle déglutissait la première gorgée lorsqu'elle senti les mains du bel homme se poser sur ses hanches. Elle ne put retenir un claquement de langue réprobateur une fois qu'elle eut la bouche vide. Mais c'était le deal qu'elle avait accepté. S'ils étaient fiancés, techniquement ils étaient sensés s'aimer non ? « 'tain qu'est-ce que je ferais pas pour toi... » Elle reprit aussi vite une nouvelle gorgée de champagne. L'idée de descendre la coupe cul-sec était effectivement tentante, mais elle voulait être sûre de se tenir un minimum. Jouer la belle-fille était une chose, mais l'idée de devoir subir en plus les réprimandes d'une belle-mère ? Hors de question. Putain de merde fait chier. Une heure de discours ? Why ? Heidi lâcha un nouveau soupir et leva les yeux au ciel.

Et après c'était fini. Elle venait d'activer le mode in love. Plus vite ça serait fait plus vite ça serait terminé, non ? Si elle passait son temps à râler sur tout, la soirée serait interminable. Elle afficha un sourire crispé puis se pencha à son tour vers l'oreille d'Oz. « T'as de la chance que je t'aime hein ? T'en as conscience de ça quand même ? » Puis elle recula son visage et lâcha un petit gloussement, comme si elle venait de lui faire une confidence d'une femme à son homme. Elle n'avait nullement laissé entrevoir le trouble qui l'avait saisit lorsqu'elle avait senti son odeur. Putain de mémoire olfactive de merde. Elle se mordit l'intérieur de la lèvre pour restée concentrer. « Tu m'as promis de l'art, qu'est-ce qu'il y a de beau à voir ? » Elle prit une nouvelle gorgée et se rendit compte qu'il ne lui restait déjà plus grand chose dans sa coupe. Ca n'avait pas été cul sec, mais ça n'avait pas était raisonnable non plus. Tant pis. « Dis moi qu'il n'y a pas que des vieux schnocks ce soir ? Ou au moins qu'on aura le droit de rire d'eux ? » Elle avait parlé tout bas, toujours un sourire éclatant aux lèvres, comme si elle ne venait pas du tout d'insulter les gens qui se tenaient à leurs côtés.