(libre) just a new york conversation

Tu as aujourd'hui la bonne idée de prendre le bus avec un enfant en bas age. Keith est un petit garçon très sage, tu as cette chance, cependant les embouteillages risquent de venir à bout de sa patience. En ce samedi de novembre, tu as décidé d'emmener le garçon faire une chasse aux cadeaux de Noel, autant s'y prendre tôt, puisque tu en as le temps et que de toutes manières les commerces commencent toujours deux mois trop tôt. De son côté, Ariane est de sortie avec des amies, tu lui as un peu forcé la main, détestant la voir s'enfermer. Vous vous installez au fond du bus, main dans la main, et tu sors ton téléphone pour vérifier que ta petite amie est bel et bien sortie aussi. « Papa ? », fait-il en tirant sur ta manche. Tu baisses les yeux sur lui avec un sourire, bien que toujours pas habitué à ce qu'il t'appelle ainsi. Tu espères t'y faire un jour, mais pour l'instant cela reste délicat. Tu as beau le considérer comme ton fils, tu ressens une certaine culpabilité à l'idée de dire qu'il est à toi. Lui-même le sait, tu n'es pas son père, et Ariane n'est pas sa mère. C'est pourtant tout comme, et vous faites de votre mieux pour ne pas qu'il s'en trouve perturbé. Au fond, vous devez être les plus perturbés, car Keith s'en est accommodé. Une chance qu'il soit encore si jeune. « Qu'est-ce qui se passe mon chat ? » Il désigne l'extérieur, avec les voitures qui klaxonnent à tout va et les vélos se faufilant entre celles-ci à la vitesse de l'éclair. Tout compte fait, tu es content de ne pas avoir à t'énerver derrière ton volant. « Ne t'en fais pas Keith, on a toute la journée pour acheter ses cadeaux à maman. »

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FT EDWIN, KEITH) & KYLE

Le costume qu'il portait lui paraissait ridicule. Trop stricte, trop « fancy » pour que ça lui ressemble vraiment. Il ne s'était jamais habitué à la richesse de ses parents d'adoption et à chaque fois qu'il était à New York, il s'était retrouvé embarqué dans des événements tout à fait pompeux. Maintenant qu'il vivait ici à temps plein, il se retrouvait constamment dans ces univers qui ne lui avaient jamais plu. Un rendez-vous important ? Sort ton costume. Ridicule. Il était tellement triste de savoir qu'encore beaucoup de personnes jugé les autres en fonction de ce qu'il portait. Sac à dos sur l'épaule – en complet paradoxe avec son look – et livre dans la main, Kyle décida de prendre le bus jusqu'aux bureaux de la salle de ventes. Rapidement, il s'installe au fond du bus et ouvre son recueil de poésie : Mexico City Blues, de Kerouac. Il sait qu'il a le temps, tout comme il sait que ça l'ennuie déjà. Il a l'œil, Kyle. C'est facile pour lui de regarder un objet et de savoir d'où il provient et ce qu'il a vécu. Il fait ça avec les gens qui l'entourent depuis toujours. Profondément intéressé par sa lecture, il en fait pas attention au père et à l'enfant qui s'installe juste à côté. C'est la réponse du paternel qui l'interpelle alors qu'il se tourne vers l'extérieur et qu'il regarde les bouchons s'accumulaient. Rien de bien nouveau quand on a toujours vécu à New York. De toute manière, Kyle s'en fiche d'arriver en retard – ce n'est pas comme si son père risquait de le virer pour ça. Il se penche légèrement, tente de regarder ce qui se passe plus loin sans apercevoir grand-chose. À force, il sait quand les bouchons durent plus longtemps que prévu.

« - Je crois qu'on a en pour longtemps. » Il se tourne alors vers les deux inconnus, un sourire aux lèvres. Cette ambiance lui rappel Londres et les bus à deux étages qui s'accumulent dans les rues et qui passent toutes les cinq minutes. « - Vous faites déjà vos achats pour Noël ? » Il avait une si mauvaise notion du temps, qu'il ne se rendait pas compte que tous les magasins proposaient déjà ds promotions pour les fêtes.


HJ : j'me suis permise  

Début novembre, et déjà quelques illuminations aux fenêtres et autres décorations dans les vitrines. Tu as toujours eu un peu de mal avec cet étalage des fêtes sur plusieurs mois lorsqu'elles ne durent qu'un ou deux jours. Le business, tu as trop trempé dedans durant ton enfance que pour t'y intéresser ne serais-ce qu'une seconde à présent. On te voulait avocat, politicien, à la rigueur chirurgien si tu tenais tant à exercer la médecine. Un autre grand Oskar. Et voilà qu'ils se retrouvent avec un pédiatre, que peut bien faire ta famille avec cela ? A vrai dire, ce n'est pas ton problème. Autant préfères-tu l'Ecosse à New York, autant te trouves-tu soulagé d'être à des kilomètres de la demeure familiale et des critiques constantes de tes proches. "Proches". Désormais, tu as une famille, en la personne d'Ariane et de son neveu. Tu ferais n'importe quoi pour arracher un sourire à ces derniers, et te plier aux ridicules lois du marché n'est rien. Surtout pas lorsque, à la clé, il y a le rire cristallin de ton fils et un merci papa que, jusqu'à il y a quelques mois, tu n'imaginais jamais entendre. Tu échanges légèrement avec Keith lorsqu'un homme vous interpelle. Tu lèves les yeux sur lui, et tu souris. Tu le détailles un instant seulement, suffisamment pour remarquer sa tenue et le fait que, dans ce bus, il fait presque tâche. « Vous avez sans doute raison. Je vois que vous avez tout prévu », remarques-tu en désignant son livre. Pour ta part, l'enfant à tes côtés est une distraction largement suffisante. L'inconnu poursuit en évoquant les achats festifs que tu as l'intention de faire, et tu hoches la tête, pas le moins du monde dérangé par son intrusion. Tu es difficilement dérangé. « Effectivement. Disons qu'on s'y prend un peu tôt, mais j'ai un emploi du temps chargé, je profite de mes jours de congé pour préparer les fêtes sachant que je peux difficilement faire autre chose que des courses. Je suis une catastrophe en cuisine. » Tu parles presque trop, un large sourire plaqué sur tes traits. Tu aimes ça, les rencontres anodines et imprévues. On a rarement vu plus sociable que toi. « Edwin », lâches-tu en lui tendant la main. « Et Keith », ajoutes-tu en t'écartant pour le laisser apercevoir le petit garçon, qui agite la main en signe de salut.

c'est gentil

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Il s'était mentalement préparé au trajet, mais espérait, au fond, que ça ne dure pas des heures non plus. Dans ces moments-là, tout le monde savait la solution : marcher. Autant Kyle adorait ça, autant vu sa situation, il aimerait bien éviter d'arriver en sueur. Alors naturellement, il aimait bien parler avec ceux qui l'entouraient. Parfois, il avait l'impression d'être un vieux papi qui racontait sa vie comme s'il avait passé ces cent dernières années à vivre des aventures de folies. Peut-être que c'était un peu son cas, et qu'il avait pris un coup de vieux sans s'en rendre compte. Pourrait-il un jour vraiment raconter ce qu'il avait vécu ? Aucune idée. En attendant, il était très bien en tant que simple expert en art new-yorkais, fiancé, heureux avec sa famille, prenant soin de sa sœur dès qu'il le pouvait. Rester assis dans un bus, un livre à la main, c'était un petit plaisir pour lui. Là où beaucoup voyaient les problèmes, lui, il voyait des opportunités pour savourer la vie, savourer toutes ses choses qu'il n'aurait pas vraiment connues s'il était encore actif et à l'autre bout du monde.

« - Toujours. » Dit-il en levant le livre, assez fier de lui lorsqu'il avait sous la main ce dont il aurait besoin durant des moments pareils. Il profite pour offrir un sourire de confiance, satisfait à l'idée qu'il ne semblait pas réticent de lui parler. C'était chose courante : un inconnu vous parle, vous trouvez ça bizarre. C'était ainsi que la société avait évolué, plus solitaire que jamais.

Déjà maintenant les magasins surfaient sur la folie de Noël. C'était incroyable. La ville commençait déjà à se métamorphoser pour éveiller la curiosité des futurs clients. Des lumières, des décos, des promos… C'était maintenant que ça commençait. Peut-être que Kyle aussi, devrait y songer. Préparer une liste, offrir un truc stupide à ses amis et à son entourage. Chaque année, il se ratait, il échouait à la tâche des choix des cadeaux. Il connaît ses amis, il les apprécie, mais alors acheté un truc... Un peu d'aide ne lui ferait pas de mal, vraiment.

« - La cuisine, ça n'a jamais été mon truc. Je comprends tellement. » Enfin un type qui ne se prétendait pas chef cuisinier à ses heures perdues ! Parce que Kyle non plus, n'était pas doué. Une horreur. Heureusement, il y avait toujours des solutions pour ça. « - Vous avez bien raison d'en profiter. J'aurais surement fait pareil. » Il sourit de nouveau, glissant son regard d'Edwin au gamin à ses côtés. C'était adorable.

« - Kyle. » L'ancien agent saisit la main d'Edwin, content de se faire un nouvel ami. Ça aussi, c'était une chose qu'il ne pouvait pas faire à l'époque. Se rapprocher d'inconnus, c'était prohibé. Là, il n'avait des comptes à rendre à personne. Parfait. « - Hello, Keith. » Kyle agite la main à son tour, tout content. « - C'est votre seul fils ? Où y'en a d'autres ? »

New York est loin d'être ta ville préférée, et tu peines encore à te faire à la vie ici. C'est à peine si tu t'y retrouves sur le chemin jusqu'à l’hôpital, et c'est bien pour cela que tu as pris de petites habitudes: toujours le même restaurant, le même bar, le même café, et les mêmes magasins. Toi qui aimes le changement, tu n'es pas vraiment prêt à t'aventurer dans les rues de la Grosse Pomme à la recherche de nouveaux lieux favoris. Mais, puisque Keith doit grandir ici, tu finiras par le faire. Tu ne quitterais Ariane et son neveu pour rien au monde, et tu peux te plier à presque toutes leurs exigences. Ou celles de la défunte Diane, qui aurait voulu que son fils vive à New York. Alors il y vivra, et vous deux aussi. Les embouteillages sont choses courantes par ici, ces dernières années te l'ont appris, et il ne s'agit plus d'enfourcher ton vélo pour traverser la ville puisque le petit t'accompagne. De toutes manières, tu n'es pas bien pressé (en tout cas, du moment que Keith ne l'est pas, car s'il lui prend de s'énerver tu risques de passer le plus long trajet de ta vie. Et le plus embarrassant). La présence d'un parfait inconnu visiblement très amical te soulage presque, après tout il vous fera passer le temps. Tu n'as pas l'habitude d'être abordé sans raison, après tout la plupart des new-yorkais (que dis-tu, des gens) n'en ont que pour eux-même. Pour ta part, tu es ravi de pouvoir si aisément créer des liens. Peut-être est-ce finalement véridique, les transports en commun rapprochent. Tu te surprends donc à t'épancher au sujet de tes piètres talents culinaires, tout bon que tu es à faire flamber de choses. Et souvent pas ce qu'il faut. L'homme semble dans le même cas -bien qu'il doive être moins catastrophique- et tu lui souris, presque compatissant. « Disons que j'ai dû investir dans un extincteur, et que ma copine ne me laisse plus entrer dans la cuisine », plaisantes-tu, bien qu'il y ait du vrai dans ce que tu dis. Tu as véritablement acquis un extincteur, au cas où il te reprendrait l'envie irrationnelle de cuisiner. Viennent bientôt les présentations: tu tends la main au jeune homme et il ne tarde pas à s'en emparer, tandis que tu présentes également ton fils adoptif. Celui-ci ne se fait pas prier pour saluer l'homme, prenant apparemment exemple sur toi et ta sociabilité. Tu souris en voyant Kyle lui faire signe à son tour. Cet homme est bien parti pour devenir ami avec toi. Bon, ok, ce n'est pas non plus bien compliqué, il lui aura suffit d'être gentil avec les enfants. « C'est le seul, pour l'instant », souris-tu en ébouriffant les cheveux du petit garçon. « Vous avez des enfants ? »

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Pendant des années, Kyle avait toujours exprimé un sentiment profond quand il revenait à New York. Quand il arrivait à l'aéroport, après des heures de trajet, une sensation de bien-être l'envahissait. Il n'y avait rien de mieux que ce sentiment de retour chez soi. Parce que New York était sa maison. Aujourd'hui, il lui arrivait encore de parcourir des endroits de la ville en se demandant comment il avait fait pour passer à côté de lieux aussi surprenant. C'était sans doute ce qu'il y avait de plus magique avec cette ville : elle évoluait à rythme monstre. Cela pouvait être déroutant pour certain, mais pas pour Kyle. Il avait ses petites habitudes, il avait ses endroits favoris, mais il aimait tellement découvrir des endroits jusqu'ici inconnus. Après avoir découvert une partie du monde, il s'étonnait souvent de la manière dont sa maison était parfois un mystère. Et se rassurer quand il se disait qu'il n'avait pas à courir pour profiter, qu'il avait tout son temps maintenant qu'il vivait ici et que rien n'allait le forcer à repartir dans un pays où tout est différent.

Rencontrez des gens, était une chose nouvelle pour lui. Mais Kyle s'y prêter sans crainte, trouvant l'expérience aussi amusante qu'enrichissante. Il y avait tellement de monde dans cette ville, tellement de personnes différente et surprenante. Cette conversation, elle n'allait peut-être pas durer. Peut-être qu'ils ne se recroiseraient plus après ce moment de partage dans un bus new-yorkais coincé en plein bouchon. Ou peut-être finiraient-ils par se revoir, par devenir proche, qui sait ? Personne ne pouvait prédire l'avenir et ce qui comptait le plus, c'était ce moment présent.

« - Je vois ! Je n'en suis pas à ce niveau, heureusement pour ma cuisine. » Et pour Arya. Ils se débrouillaient toujours pour manger correctement sans trop perdre de temps dans la conception. Mais Kyle n'était pas maladroit. Il n'avait juste pas de patiente pour toutes ses différentes étapes. Une horreur.

« - Un petit frère ou une petite soeur, ça change tout. » Il pensa à sa soeur, à son état, à tout ce qu'ils avaient traversé ensemble et tout ce qu'il devait faire pour l'aider aujourd'hui. « - Non, aucun pour l'instant. » Il cherche alors son téléphone, parcourant les photos et montre celui d'Arya. « - Mais j'espère que ma fiancée est prête, parce que j'en veux au moins quatre. » Il sourit, plaisantant qu'à moitié. Kyle n'avait jamais vraiment réfléchi à l'option de fonder une famille. Arya était la première femme avec qui il envisageait sérieusement de vivre sa vie. Il prenait cette histoire de mariage très au sérieux. Il s'imaginait vraiment à ses côtés dans quarante ans tant il l'aimait.

Discuter culinaire avec un inconnu dans le bus, disons que cela te divertira dans ces embouteillages. N'importe quel sujet de conversation te conviendrait, tu n'as jamais été très difficile, et puis quand il s'agit de s'occuper... Tu ne te targues pas d'avoir de la conversation, mais tu as en tout cas toujours quelque chose à dire, peu importe sur quoi. Sans doutes es-tu donc simplement énervant. « Vous avez bien de la chance », souris-tu, plus amusé qu'autre chose par ton immense maladresse. Après tout, personne n'a jamais été blessé, si ce n'est toi mais pas grièvement. Une petit brûlure, quelques coupures, rien de bien méchant. Cependant, tu as détérioré pas mal d'ustensiles de cuisine, enfumé la cuisine -si pas la maison entière- à de nombreuses reprises et gaspillé un peu de nourriture. Que de bonnes raisons de ne plus te laisser approcher des fourneaux, principalement avant que tu ne blesses quelqu'un a avancé Ari.

Vous en venez à parler d'enfants, comme le tien t'accompagne, et tu souris à Kyle à l'évocation de frère et soeur.« Ce n'est pas encore prévu, on commence seulement à s'habituer », ris-tu, avec un regard amusé pour l'enfant qui te renvoi un sourire. « Mais, ayant deux sœurs et un frère aînés, je pense effectivement que c'est très différent. » Et parfois désagréable, il suffit de voir l'enfance que tu as vécue. Mais peu importe puisque, si vous aviez un seconde enfant, Ariane et toi porteriez autant d'attention à l'un qu'à l'autre, sans oublier que vous ne feriez pas la différence entre Keith que vous avez en quelques sortes adopté et un enfant qui serait de vous. Votre enfant reste votre enfant, peu importe pourquoi et dans quelle circonstances il l'est. Le jeune homme sort son téléphone et te montre une photo de sa fiancée, tu te saisis donc du tien et lui montre Ariane, tout sourire avec Keith dans les bras. Il s'agit sans nul doute de ta photo préférée d'eux. « Nous étions quatre chez moi, ce ne fut pas de tout repos pour notre mère ! Commencez donc par un », fais-tu avec un large sourire. A vrai dire, tout cela te parait étrange, bien que pédiatre tu ne te serais jamais vu donner des conseils, même pour rire, sur la famille et les enfants. L'arrivée de Keith dans ta vie à absolument tout changé, même ta vision des choses. Peut-être le changement a-t-il même commencé par là.

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Ils avaient le temps. Le temps de se découvrir, de raconter quelques histoires. Les bouchons allaient empêcher le bus d'avancer et Kyle soupçonnait que cela allait vraiment durer un petit moment. Cela ne l'inquiétait pas au fond. Il savait qu'il ne pouvait rien y faire et le froid dehors ne l'encourageait pas forcément à marcher. Ce qui jouait aussi, c'était l'entreprise à papa. Père d'adoption, certes, mais son père quand même. Quoi qu'on dise, Kyle se savait assuré d'un travail même s'il ratait une journée pour aller faire de la randonnée à l'autre bout du pays. Parler cuisine avec Edwin lui donnait faim, aussi. Et s'il y avait une chose qui permettait à Kyle de se repérer dans la ville, c'était l'alimentation. Kyle savait retrouver son chemin en se basant sur les restaurants, les Food-trucs, les supermarchés. Alors qu'il était en train de penser à sa maladresse en cuisine, il se sentait rassurer en sachant que d'autres étaient dans la même situation - voire pire. Cela ne l'empêcha pas de sentir qu'il avait légèrement faim et qu'il était prêt à avaler n'importe quoi de salé et de chaud. Des nouilles, peut-être ? Arya avait vite compris que son fiancé avait un goût pour la découverte culinaire et l'exotisme. Kyle essayait tout, il avait envie de tout. Mais ne cuisinait pas. C'était un mangeur de bonne chose, pas un créateur.

« - Les grandes familles, c'est quelque chose. » Pourtant, Kyle n'avait eu que sa soeur. Puis il était un peu devenu héritier et fils unique avec ses parents adoptifs à New York. Il n'avait une vision qu'embellie de l'idée, mais se disait souvent qu'il aurait aimé vivre dans une grande famille. Être entourée de frères et de soeur aurait détruit son sentiment de solitude. Alors qu'il pensa à Arya, il ne tarda pas à chercher une image de la jeune femme dans son téléphone afin de montrer la précieuse créature. « - Adorable ! » Dit-il en voyant Ariane, Keith dans les bras. Kyle arrivait parfaitement à imaginer Edwin et ses deux-là. Une joyeuse petite famille.

Il adorait ça. Cette rencontre. L'idée de savoir qu'il ne s'était pas battu pour rien pendant toutes ces années. Qu'il avait peut-être sauvé Edwin, Ariane et Keith sans s'en rendre compte. Il adorait ça, avoir la sensation d'avoir accompli quelque chose et surtout, de savoir que tout le monde n'était pas mauvais. Qu'il y avait des gens très simples et très bons en ce monde qui méritait le sacrifice d'agent comme lui. « - Haha ! Oui, on va commencer par un, ça sera déjà un début. » Il offrit un sourire à son tour. Le bus redémarra, pour s'arrêter de nouveau. Un rythme un peu pénible. « - Je me demande si on va vraiment arriver un jour, à ce rythme. »

Votre trio masculin, assis au fond du bus, semble être le seul bruit que l'on entend dans l'habitacle. Tu t'aperçois que certains se sont endormis à force d'attendre dans les embouteillages, et te demandes comment ils font pour ne pas s'éveiller malgré les à-coups provoqués par de brusques et fréquents freinages caractéristiques de la situation. La plupart des autres ont le nez dans un livre ou un journal, tandis que les plus jeunes pianotent évidemment sur leurs téléphones, leurs écouteurs vissés dans les oreilles. Tu ne diras rien, lorsque tu voyages seul tu fais exactement la même chose. Ton attention se reporte sans tarder sur Kyle, et votre sujet de conversation change de la nourriture et de tes catastrophes culinaires à la famille. Deux sujets sensibles, en ce qui te concerne, mais tu ne le laisses pas deviner à ton interlocuteur -vous vous connaissez à peine, nul besoin d'évoquer une enfance compliquée. Tu n'es de toutes manières pas à plaindre, étant donné que tu n'as jamais manqué de rien (si ce n'est de reconnaissance familiale et d'amour parental, mais on s'y fait). Tu as appris de ton parcours, comme on apprend de toute épreuve, et tu n'y changerais rien puisque tout ce chemin t'a mené ici, à Keith et à Ariane, à une vie que tu n'avais jamais imaginée. Non, tu as de la chance et tu le sais pertinemment. « Effectivement, c'est quelque chose », confirmes-tu, amusé. « Vous avez des frères et sœurs ? » En ce qui te concerne, les frères sont un fléau, mais les sœurs peuvent être de bonne compagnie. Vous dérivez sur vos couples, sujet plus agréable pour toi, c'est après tout la meilleure famille que tu aies eue. Ariane, Keith et toi, un monde à part. Tu souris à la remarque de Kyle concernant la photographie des deux amours de ta vie et ranges ton téléphone. Un coup d'oeil par la fenêtre t'apprend que la situation ne s'améliore pas, il se peut même qu'elle ait empiré. Tu étouffes un soupires et vérifies que tout va bien du côté de Keith, qui s'est mis à somnoler tant l'attente le lasse. C'est mieux ainsi, il ne verra pas le temps passer s'il complète sa nuit. Tu relèves les yeux pour revenir à ta conversation avec le jeune homme, lui adressant un sourire en parlant des enfants. « Vous ferez sans doute un bon père, vous avez l'air très enthousiaste à l'idée. » Tu reconnais les bons parents, ou en tout cas ceux qui font tout pour l'être, cela fait partie du métier. « Pour ma part, j'ai tout mon temps. Où allez vous ? »

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Cela lui convenait toujours de perdre du temps. Surtout maintenant. Surtout quand quelque chose d'inhabituel se produisait. Pour Kyle, c'était presque fascinant. Faire des rencontres, découvrir d'autres vies, ne pas devoir mentir sur soi-même... Il y avait quelque chose de bon à ne plus devoir partir en mission, quelque chose de bon de paisible et de fondamentalement humain. Kyle pouvait respirer. Il pouvait profiter de ce qui l'entourait sans craindre quoi que ce soit. Il pouvait laisser sa paranoïa habituelle de côté et prendre une pause dans une vie qui, à la base, s'encaissait à cent à l'heure. Maintenant c'était l'inverse. Maintenant, tout était si lent, si doux. Kyle pouvait lire un livre tout en prenant le bus pour se rendre à son travail. Il n'y avait rien qui lui mettait vraiment la pression, rien qui le forçait à courir. C'était un privilège, il le savait. Il le savourait depuis trois ans et se disait que c'était peut-être ça, sa vie au final. Se marier, travailler dans l'art, raconter des histoires, avoir des enfants... Peut-être qu'un jour, en prenant le bus avec son fils, il allait rencontrer un inconnu et vivre exactement ce qu'Edwin semblait vivre aujourd'hui. Ça paraissait amusant et rassurant. Parce qu'Edwin ne semblait être quelqu'un de négatif, au contraire. Il avait les caractéristiques d'un père attentionné, protecteur et ouvert aux bonnes choses de la vie.

« - J'ai une soeur. Une grande soeur. » Il y avait quelque chose de douloureux face à l'état d'Elena. Elle l'avait détesté, détesté d'avoir choisi une la voie militaire, de l'avoir laissé tomber elle qui avait toujours cherché à le protéger. Aujourd'hui, elle était dans un autre monde, anéanti par la mort de sa fille. Démuni face au chagrin qui ne la quittait plus. « - Je ferais n'importe quoi pour elle. » Mais était-ce trop tard maintenant ? Kyle n'avait pas été là quand tout allait mal et aujourd'hui, Elena était enfermée dans un établissement qui ressemblait parfois à une prison pour Kyle.

« - J'espère. » Avoir des enfants, il ne l'avait jamais imaginé avant de croiser la route d'Arya. C'est bête, mais sans la bonne femme à ses côtés, Kyle n'avait jamais rien envisagé quant à son avenir. Il n'a pas peur d'être père, il sera toujours mieux que ses propres parents, mais il a peur de vivre ce que ça soeur avait vécu. Cependant, cette peur était trop insignifiante face à l'idée de construire quelque chose avec Arya. « - J'ai... rendez-vous. Pour le boulot. » Finalement il fouine dans ses poches à la recherche de ces cartes que son père avait imprimées le jour où Kyle avait signé son contrat. Il tend l'objet à Edwin, un peu fier du fait d'être un expert en quelque chose. « - Pour être honnête, je crois bien que je suis déjà en retard. Mais ce n'est pas grave. » ça l'amuse un peu. Il a toujours été tellement ponctuel, tellement organisé.