old memories / elea

Voilà deux semaines qu'Elea l'avait quitté devant l'autel, renonçant à toutes ses années passées ensemble, à leur histoire et à cet amour qu'il avait cru – à tort, plus fort que tout. Il se repassa la scène en boucle. Il se rappelait parfaitement de cette cruelle sensation, des battements douloureux de son cœur lorsqu'il comprit qu'elle ne reviendrait pas. Jamais. Il l'avait perdu. Mais cela ne datait pas du mariage. Joey avait tout gâché et tout lui était revenu en plein visage, comme un vilain retour de flammes. Il avait négligé sa fiancée, lui préférant le basket et sa carrière. Et s'il lui en voulait terriblement, il s'en voulait aussi, de n'avoir pas été à la hauteur de cette femme superbe, au grand cœur et à la beauté époustouflante. Mais à présent, il s'efforçait à la diaboliser car cela était plus facile à gérer. En effet, l'abandon était plus gérable s'il se répétait que c'était en partie sa faute et qu'elle lui avait brisé le cœur, sans même se retourner. C'était elle, la fautive, la meurtrière. Elle lui avait promis sa main pour mieux le poignarder dans le dos. Et il n'avait pas arrêté de saigner depuis. Allongé sur son lit à ressasser le passé, Joey jouait avec l'un de ses ballons, le faisant rebondir en l'air à plusieurs reprises. Réfléchir lui était devenu douloureux, comme si son cerveau s'émiettait ou prenait feu. Cela lui donnait des migraines horribles, si bien qu'il en était devenu détestable avec tout et tout le monde, même avec les personnes qui ne cherchaient qu'à l'aider. Même son jeu en avait pris un vilain coup, tant est si bien que son entraineur l'avait menacé de le placer sur la touche.  Un affront terrible pour ce perfectionniste qui avait passé la plupart de sa vie à tout donner pour en arriver là. Il soupira lourdement, balançant le ballon contre le mur avec férocité. Il hurla. Un cri qui venait du cœur, comme pour cracher sa haine au loin. Il n'en pouvait plus de se sentir si fatigué et énervé. Mais par dessus tout, il n'en pouvait plus de crever à petit feu, sans la moindre explication. Il se leva soudainement et fit les cent pas dans sa chambre. Il lui manquait pas mal de ses affaires qui étaient restées dans son anciennement appartement situé dans l'upper east side. Il ne pouvait pas les laisser, pas vrai ? Il mesura les pour ainsi que les contres. Même si sa raison lui hurlait de ne pas y retourner au risque de la voir, son cœur le poussait à s'y rendre et ce pour la même raison. Secrètement, il mourrait d'envie de lui faire face. De voir si pour elle aussi, la situation était compliquée et douloureuse ou si, au contraire, elle se portait bien, sans lui. - J'ai besoin de mes affaires. Dit-il à voix haute comme pour se convaincre que cela était sa véritable raison. Il s'habilla en vitesse, enfila une casquette et des grosses lunettes de soleil pour ne pas se faire reconnaître dans la rue, puis il monta dans le premier taxi qui s'arrêta devant lui. - Vous pouvez me laisser ici s'il vous plait ? La voiture s'arrêta et Joey lui donna quelques billets pour la course, ainsi qu'un pourboire. Il salua le chauffeur, puis il descendit, le coeur bien lourd face à cet immeuble qu'il ne voyait plus comme son chez-lui. Il souffla un bon coup, puis pris son courage à deux mains pour entrer. - Oh, bonjour monsieur Matthews, lui annonça le portier, un peu surpris de le voir. Joey lui adressa un sourire en guise de réponse, puis il s'engouffra à l'intérieur du bâtiment, empruntant un ascenseur pour aller jusqu'au dernier étage, là où se trouvait son ancien appartement. Joey connaissait l'emploi du temps de son ex-fiancée à la minute près. Il savait qu'à cette heure de la journée, elle n'était pas à la maison. Alors, il en profita pour utiliser son ancienne clé et pour entrer, désireux de récupérer ce qui lui appartenait.

what's the best way ?
No one knows.
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« Annulez mes rendez-vous de cette après midi, je ne me sens pas très bien, je vais rentrer. » ce n'était pas dans ses habitudes de quitter le bureau et d'annuler ses rendez-vous mais le patient qu'elle venait de recevoir l'avait quelque peu chambouler. A quarante deux ans, il avait tenté sa chance une deuxième fois en choisissant d'épouser la femme avec qui il partageait sa vie depuis peu. Plus jeune et moins investie elle avait prit la fuite au moment de dire oui, le laissant comme un idiot devant le prêtre et toute sa famille. Elle était allée jusqu'au bout, son père l'avait conduit le long de l'allée jusqu'à son ex-futur époux et au moment où il fallait donner sa réponse, elle avait dit « non ». Elea n'en avait pas eu la force, c'était beaucoup trop pour elle et elle était déjà allée trop loin. Cet épisode tragique de sa vie repassait en boucle dans son esprit, elle n'avait même pas besoin de fermer les yeux pour revivre ce cauchemar. Elle avait eu la réaction la plus lâche qui soit et voyait désormais une dizaine d'autres solutions mais au moment où elle avait tourné les talons, il n'y avait pas eu d'autres issues. Elea n'était pas prête pour cet rétrospective, elle avait vu la douleur éprouvait par son patient et l'imaginait décuplé dans le regard de Joey. Ils n'avaient pas imaginé leur vie de cette façon, ils avaient tout construit sur leur binôme vainqueur dont il ne restait plus que des souvenirs amers. Chamboulée, elle avait choisi de laisser sa voiture devant le cabinet et arrêta un taxi en sortant de l'immeuble. Péniblement elle se diriger vers sa prison dorée, un magnifique appartement qui la replongeait chaque jour un peu plus dans sa bêtise. Avait-elle fait une erreur ? Jusqu'ici elle ne s'était pas autorisée à le dire mais elle le pensait de temps en temps. La vérité c'est que leur mariage n'aurait pas été aussi idyllique qu'ils l'avaient imaginé étant plus jeunes. Étaient-ils ne serait-ce qu'un vrai couple quand ils s'apprêtaient à dire oui ? Ça faisait des mois qu'elle faisait des efforts pour attirer son attention et se sentir occasionnellement plus importante que le basket. Il n'avait jamais pu satisfaire ses attentes et ça ne lui laissait aucune place dans sa vie. Quelque part elle avait le sentiment d'avoir rempli son rôle, il avait réussi à réaliser ses rêves et elle était très fière de lui mais elle n'avait plus l'impression d'avoir sa place dans ce tableau. Elle était arrivée chez elle, chez eux en peu de temps et avait su se montrer généreuse avec le chauffeur qui la remercia chaleureusement. Il n'y avait plus grand chose qui la faisait sourire encore mais de petites actions comme celle-ci lui rappelait qu'elle n'était pas une mauvaise personne. En arrivant elle demanda au portier s'il avait vu Travis rentrer, son frère n'avait pas d'emploi du temps, il se laissait vivre en squattant son canapé. Si sa présence était un véritable soulagement, elle n'avait pas vraiment envie de se retrouver face à lui dans cet état. Satisfaite de son absence, elle était rentrée et s'était ruée dans la cuisine en abandonnant ses affaires dans l'entrée. Son bordel commençait à prendre de la place mais il n'y avait personne pour la reprendre sur son comportement. Elea attrapa une bouteille et extirpa le pot de glace qu'elle n'avait pas fini la veille. Il n'y avait rien d'autre à faire de toute façon. Confortablement installée dans la cuisine elle s'était allée au pire moyen de gérer une situation : l'intériorisation. Voilà maintenant une bonne heure qu'elle se morfondait sur sa vie. Elle avait fini par rejoindre son canapé, personne ne devait la voir dans cet état. Quand elle entendit la clef déverrouiller la porte, elle crut que Travis avait décidé de rentrer. Tant pis, c'était son frère après tout. Elle s'était redressée et avait libérer son verre de son emprise en le posant sur la table basse. Nerveusement elle passa une main dans ses cheveux pour leur donner un peu d'ordre et essuya maladroitement le maquillage qui aurait pu couler sous ses yeux. Il n'y avait rien à faire d'autre. « Travis ? Tu rentres déjà … ?! » A vrai dire ce n'était pas comme si elle avait une idée de l'heure à laquelle il était prévu qu'il rentre. Elle se mit sur ses deux pieds et fit quelque pas face au silence auquel l'avait condamné son frère … enfin, celui qu'elle pensait être son frère. Elle se retrouva face à Joey, muette, perdue et complètement idiote. Que faisait-il ici ? Pourquoi maintenant ? Pourquoi n'avait-il pas répondu à ses messages ? Elle aurait évité de laisser apparaître sa détresse de cette façon. Elle se sentait tellement égoïste … « Jo ? Qu'est ce que ... » Impossible d'en dire plus. Elle en avait déjà trop dit. Son regard ne pouvait plus se détacher de l'image de son fiancé, ex-fiancé. Il lui avait manqué, terriblement manqué mais ça elle n'en dirait rien.

Rien que le bruit de la clé ouvrant la serrure lui brisa le cœur. Il n'avait pas envie d'y entrer, finalement, dans cet appartement. Celui qui, jusqu'à très récemment, avait toujours respiré le bonheur et les bons souvenirs. Tout du moins, aux yeux de Joseph. Mais sans doute s'était-il trompé. Aveuglé par sa passion et sa carrière, il n'avait pas réussi à voir le mauvais côté des choses et avait assisté, impuissant, à la mort de sa relation avec son amour de jeunesse, Elea. Sans doute qu'il ne pouvait s'en prendre qu'à lui-même. Mais égoïstement, il lui en voulait, à elle. Il lui en voulait de s'être sauvée, sans même jouer franc jeu. Il méritait d'avoir des explications, le pourquoi du comment, au moins cela. Mais non. Joey était face à un mur, à des questions, toujours plus de questions. Et depuis deux semaines, il ne faisait que ressasser toute cette histoire, de la minute où il avait posé ses yeux sur elle à l'instant où elle le laissa devant l'autel, seul, désemparé, devant tout leurs amis et leurs familles. Alors oui, revenir dans cet ancien havre de paix et d'amour n'était pas chose facile. Surtout alors qu'il prenait conscience du mensonge que cela avait été. Mais c'était nécessaire. Il avait besoin de ses affaires et était bien décidé à les récupérer. Alors, avec beaucoup de mal, il poussa la porte d'entrée et soudain, tout lui revint en pleine figure. Les souvenirs. Ceux qui blessent tant ils sont précieux. Au moins, il avait la satisfaction de se dire qu'il n'allait pas la revoir, elle. En tant que psychologue, Elea était réglée comme une horloge et ce, depuis son installation en ville. Elle avait ses clients, ses habitudes. Et Joey savait qu'elle n'allait pas être de retour avant quelques heures. Et heureusement. Malgré ce qu'il pensait (ou plutôt ce dont il avait envie), il n'était pas prêt à la revoir, au risque de craquer. La douleur était encore bien trop présente, la plaie bien trop fraiche. Il n'avait pas besoin d'elle pour remuer le couteau. Et pourtant, alors qu'il s'engouffrait dans cet appartement qu'il haïssait à présent, il entendit une voix. Sa voix. Le temps se cristallisa à mesure que son cœur battait crescendo dans sa poitrine. Il ne s'était pas préparé à l'éventualité de la revoir. Pas si vite, pas comme cela. Et pourtant, elle approchait. Il pouvait entendre ses pas de plus en plus près, si bien qu'il en eut la désagréable envie de vomir. Il n'avait qu'un mot en tête : fuir. Mais cela était bien trop tard. Il n'avait pas envie de lui faire peur à penser que quelqu'un s'était introduit chez elle et puis, contrairement à Elea, il n'était pas du genre à se dérober. Pas sans rien dire, en tout cas. Une fois face à elle, le jeune basketteur détourna le regard. Il n'avait pas la force, ni l'envie de poser les yeux sur elle. Pour lui, cela était beaucoup trop tôt. Elea était toujours synonyme de d'échec et de trahison à ses yeux, malgré tout l'amour qu'il lui portait. Elle avait piétiné tout ce qu'il y avait de bon en lui, lui prenant son sourire, mais aussi son plaisir à jouer. Sans elle, le basket n'avait plus aucun sens. Il n'était plus qu'un artiste sans muse, un oiseau privé de ses ailes. Son cœur se serra violemment lorsqu'il entendit sa voix, tout près de lui. La revoir, l'entendre à nouveau... tout cela rendait la situation bien réelle. Bien ancrée dans son présent, sa réalité où Joey ne rimait plus avec Elea. Finalement, il se décida à répondre du bout des lèvres, ne daignant toujours pas la regarder, de peur de succomber à la douceur de son visage ou à la profondeur de ses yeux. - Je suis juste venu récupérer des affaires. J'aurais dû appeler, je suis désolé, lança-t-il avant de partir en direction de la chambre. Le plus tôt il s'y mettait, le plus vite il allait pouvoir s'enfuir de cette prison où il s'était lui-même enfermé.