(april) hope here needs a humble hand

forgive me, I've been lonely.
but it's not like I don't know my way.
but I don't know my way.

La conversation téléphonique entre ta soeur et toi se conclut de façon glaciale. Vous vous saluez à peine, elle lâchant un grommellement en guise d'au revoir tandis que tu grognes vaguement en retour. Vous vous aimez plus que tout, aussi vous chamaillez-vous sans arrêt et à propos de tout. Vous devriez avoir appris à ne pas aborder les sujets sensibles, mais en ce moment tous semblent l'être. Vous êtes sur les nerfs, l'avenir incertain de votre mère y contribue -s'il n'en est pas tout simplement la seule cause. Ta cadette est profondément touchée, probablement car elle est en permanence avec elle. Quant à toi, tu ne saurais trop exprimer ce que tu ressens -ce qui, d'ailleurs, a le don de l'énerver. Tu aimerais rentrer à Dublin pour voir ta mère, ne serais-ce que pour lui faire tes adieux sachant qu'il n'y a plus rien à espérer. L'impuissance, rares sont les choses plus frustrantes que celle-ci. Quant à la distance, elle te paraît infranchissable. Quatorze ans que tu n'as plus mis les pieds dans le domaine familial, et revoir ton père n'est pas exactement dans tes projets. Pas tout de suite, cela ferait trop de choses à digérer d'un coup. Tu préférerais reprendre contact lentement, tu n'en as cependant peut-être pas le temps. Réflexions relativement décevantes, de quoi te gâcher la journée. Une de plus.

Le Lincoln Center et son Avery Fisher Hall, tu ne te lasses pas d'en détailler la façade à chacune de tes visites. Perdu dans ta contemplation, tu en oublierais presque d'entrer. C'est lorsque la façade s'illumine sous ton regard au bord de l'émerveillement que tu remontes la bandoulière sur ton épaule et te diriges vers la porte. April ne sera pas là, et tu es étrangement moins motivé à y aller. Tu aimerais parvenir à croire que ces deux faits n'ont rien avoir l'un avec l'autre, pourtant le lien est évident. Il y a quelque chose de spécial en elle, ou peut-être est-ce toi qui délires. Ce serait tout à fait possible, à vrai dire tu attends le jour où l'on te diagnostiquera fou. Comment l'expliquer, tu es différent en sa présence, un peu comme si Aidlinn, le potentiel enfant, et même tes parents, n'avaient momentanément plus d'importance. En entrant, tu reçois un second sms explicitant les raisons de son retard. Si seulement tu pouvais te sentir moins soulagé que ce ne soit qu'un problème de transport. Tu pénètres dans la salle en pianotant sur ton téléphone, avant de le ranger et d'aller te planter derrière ton pupitre, y déposant les partitions bien que tu les aies apprises par cœur. « Silence », fais-tu, presque posément bien que donnant de la voix afin d'être entendu. Tous les regards se posent alors sur toi, et tu leur fais signe de s'installer. Les instruments accordés, tu lances le premier mouvement d'un coup de baguette. La Danse Macabre, tu te demandes si ton choix était judicieux. Sans doute fut-il guidé par ton inconscient préoccupé.

Saint-Saëns est interrompu par l'entrée d'April qui, bien que se faisant discrète en raison de son retard, te fait cesser tout mouvement. Tu n'as pu t'empêcher de remarquer son entrée, et cela t'énerves. D'autant plus que tu n'avais pas à t'arrêter. Les regards font la navette entre vous, puis se rivent sur toi dans l'expectative. Merde. Merde. Merde. Tu inspires profondément et lèves les bras. « On reprend », fais-tu, sans doute un peu trop sèchement, jetant à peine un regard à la jeune femme et n'attendant pas qu'elle soit installée. Seconde erreur, sans doute. Tu ne cesses de te trahir, tout en ne sachant pas toi-même ce qu'il y a tant à découvrir. Ce soir, tu te montres plus dur. Un peu plus toi, aurais-tu tendance à dire. Tu es toujours moins sombre lorsque tu joues ou diriges l'orchestre, la situation aura au moins eu le mérite de dévoiler le véritable Jedediah Gaffney. Celui que tu aimes croire que tu es. Tu enchaînes les morceaux, au point d'être mort de chaud, au point que tu pourrais t'y perdre si tu n'avais pas tout en mémoire. Puis tu quittes les lieux sans mot dire après une heure et demi de répétitions presque continues. Tu te retranches dans le couloir comme une ombre, si tu avais une cape on te confondrait inévitablement avec Snape. Là, tu respires enfin. Ce n'était simplement pas ton soir.

Give me a new start
Give me a new page
You see I would have killed Romeo, and saved Juliet
But I don't write stories, no, that time won't forget
until the ribbon breaks@romeo

Je suis déjà très en retard, chose qui ne m’arrive jamais. J’étais prise dans un livre merveilleux et je n’ai pas vu le temps passer, oubliant presque ma répétition dans l’orchestre. Ironie du sort, ma voiture a décidé de ne pas démarrer, afin de rendre la situation pire qu’elle ne l’était déjà. Il me faut quelques minutes pour trouver un plan B, lorsque je me suis aperçue avec l’aide d’un passant que ma voiture avait malheureusement rendu l’âme. L’inconnu a d’ailleurs proposé de me déposer en ville, chose que j’ai immédiatement refusée. Je ne préfère pas m’aventurer dans de tel principe, par peur que cet inconnu ne soit pas celui qu’il prétend. Un brin trop méfiante probablement, je préfère de loin appeler un professionnel, afin qu’il m’emmène à bon port.
Une fois dans le taxi, je me permets de prévenir Jedediah afin qu’il ne soit pas furieux par mon absence. Je commence à le cerner, à le connaître et j’ai bien peur qu’il soit tout de même agacé par mon retard. La nervosité me gagne une fois arrivée dans l’enceinte de l’établissement, où je me dépêche d’aller ranger mes affaires. Mes pensées se portent sur le chef d’orchestre, alors que résonne la symphonie magnifique qu’il a décidé de nous faire jouer aujourd’hui. Notre relation est assez spéciale, je n’ai d’ailleurs pas de mot pour la qualifier mais le regard des autres commence à être pesant. Les gens sont constamment dans ce besoin de ragots, imaginant des pseudos histoires entre deux personnes qui ne connaissent qu’à peine.
Je pénètre dans la salle de répétition en grande fanfare, puisque la porte décide de me trahir en se claquant rapidement. Décidément, cette journée semble se définir comme étant mauvaise, j’espère sincèrement que jouer me permettra de l’oublier. Rouge écarlate, je m’installe sous le regard des autres qui me transperce, tandis que j’essaye de ne pas porter mon attention sur Jedediah. Chose totalement impossible puisque j’ai la vague impression que nos yeux sont attirés comme des aimants. Je m’installe et sors mon instrument rapidement, reprenant le rythme sans grande difficulté. Jouer me fait un bien fou, je pense que cela se voit naturellement sur mon visage. Le cours terminé, je m’apprête à m’excuser à nouveau quand je réalise que le chef d’orchestre a déjà quitté la salle. Mon violon sur l’épaule, je me dépêche de le retrouver jusqu’à tomber sur lui par hasard dans un couloir sombre. Sa présence me fait d’ailleurs sursauter comme une enfant. « Jedediah je suis vraiment désolée, pour tout à l’heure. » Je bafouille, incapable de résister à cet homme si particulier. « Est-ce que tout va bien ? Tu as l’air… perturbé. » Je demande avec douceur, comme j’ai l’habitude de le faire quand je sens que quelque chose ne va pas.

forgive me, I've been lonely.
but it's not like I don't know my way.
but I don't know my way.

Cela n'a rien de nouveau, tu as des réactions disproportionnées absolument tout le temps. Tu es du genre étrange, mystérieux sans le vouloir. C'est simplement... toi. Ce que tu as vécu fait ce que tu es, que tu le veuilles ou non, et tu n'as pas eu la plus banale des vies. Tu ne saurais dire si tu aurais préféré une petite vie tranquille et sans vague, des soucis communs et universels à ton enfance mouvementée et ton adolescence d'exilé. Ça a quelque chose de presque philosophique, mais te poser la question ne changera rien au passé. Refaire l'histoire en songes ne fera pas de toi un enfant moins turbulent, ni un jeune homme responsable, et encore moins le politicien que ton père te voyait devenir. C'est peut-être mieux ainsi, tout compte fait tu n'as pas à te plaindre de ce que tu es devenu. Et tu ne le fais pas, jamais. Tu n'es pas un geignard, seulement un taciturne.

La répétition terminée, tu quittes donc la salle sans prendre la peine de saluer l'assemblée. A vrai dire, tu fuis, et tu n'as pas peur de le dire. Tu prends tes jambes à ton cou avant que quiconque ne t'adresse la parole, tu n'es pas d'humeur et c'est ainsi mieux pour tout le monde. Ce comportement inhabituel te rend sans doute encore plus mystérieux, à moins que tu ne sembles désormais plus qu'impoli et maladroit. Ce que tu dois surement être aussi. Tu ne parviens pas à comprendre comment l'on peut se préoccuper de l'avis d'autrui, lorsque ces simples réflexions au sujet de tes collaborateurs te paraissent ridicules d'inutilité. A quoi bon t'en faire, cela ne changera pas leur façon de penser. Ni la tienne.

Une fois à l'écart dans un couloir peu fréquenté tu t'adosses à un mur et sors les partitions que tu as fourrées dans ton sac sans ménagement afin de les ranger correctement. C'est bien la seule chose dont tu prends soin: ce qui a trait à la musique. Tu entends bientôt des pas venir dans ta direction, mais tu ne bouges pas, te doutant pourtant de qui en est l'auteure. A vrai dire, le doute est à peine permis, qui s'embêterait pour toi si ce n'est April ? D'ailleurs, tu souris légèrement en la voyant apparaître au bout du couloir. Elle sursaute en tombant sur toi. « Navré de t'avoir effrayée », fais-tu en te redressant alors qu'elle s'excuse pour son retard -et probablement aussi pour le bruit. Tu hoches doucement la tête, largement moins grognon que face à l'orchestre au complet. « Ne t'en fais pas, ça arrive. » Pas à toi, mais ça arrive. Enfin, tu le supposes. Disons que tu ne peux jurer que tu l'aurais ainsi effacé s'il avait s'agit de quelqu'un d'autre. Tu préfères ne pas avoir à le découvrir. La question qui suit ne te surprend pas et, une fois de plus, puisque cela vient d'elle tu ne te mets pas instantanément sur la défensive comme tu l'aurais fait avec un autre. Elle fait en quelque sorte ressortir ce qu'il y a de bon en toi, choses donc majoritairement enfouies au profit d'une attitude te rendant moins vulnérable. « Je vais bien. Un peu fatigué, ce fut... une très longue journée. » Pour faire court. Pour faire simple. Et puis surtout pour ne pas trop parler de toi. Tu fais un pas dans sa direction, vaguement plus détendu, et tentes un léger sourire. « Tu veux que je te raccompagne ? » Après tout, tu ne vas pas la laisser attendre un taxi, ce n'est sans doute rien qu'un petit détour.

Quand je joue au sein de cet orchestre, toutes mes pensées sont destinées à mon père ainsi qu’à son père. Je me demande souvent ce qu’ils en penseraient, s’ils étaient encore de ce monde. Mon père a toujours été catégorique : la musique n’est pas quelque chose de bon pour une femme comme moi, jusqu’à sa mort. Il voulait me protéger et j’aimerais tant qu’il voit combien il avait tort aujourd’hui. Combien je suis douée pour cet art et surtout combien je m’y donne corps et âme. Parfois, il m’arrive d’en être émue aux larmes en me disant combien leur regard était important. J’aurai tant aimé avoir leur avis, leurs conseils également. Heureusement, je suis tombée sur un homme comme Jedediah. J’apprécie sa façon d’être avec moi, qui n’est pas toujours simple à comprendre. C’est un homme mystérieux mais qui m’aide énormément à m’épanouir dans ce que je fais. Dans ses yeux, je me sens différente en présence de mon violon. C’est assez étrange, étant donné que je ne suis qu’un membre de son orchestre et que je ne devrais pas m’attirer ses faveurs. Que pourraient penser mon père ? Voilà une pensée que je m’efforce de chasser, bien trop attirée par ce jeune homme indomptable. Qu’importe ce que les autres pensent, mes émotions seront toujours guidées par mon cœur aussi dangereux soit cet acte.
Je le retrouve par hasard dans ce couloir sombre et ne peux m’empêcher de sursauter. Non pas que je sois effrayée, bien au contraire, mais simplement que la situation me surprend. « Oh euh, ce n’est rien. » J’avoue, timidement. Je ne m’attendais pas à tomber sur lui, que je pensais déjà loin. Je crois beaucoup aux signes du destin et je ne cesse de croire que notre rencontre en est un. Tout comme le fait qu’il a l’air absent, perturbé par quelque chose que je ne saurai expliquer. Jedediah a toujours été ainsi, je devrais pourtant le savoir. Mais à chaque fois, je tente de percer ses mystères en me montrant fidèle à moi-même : douce et attentionnée. Je l’observe, tandis qu’il me dit aller bien malgré la fatigue. Je ne peux m’empêcher de sourire. Il a toujours une excuse, toujours ce genre de phrase qui pourrait piquer la curiosité de n’importe quelle personne normalement constituée. Moi la première, d’ailleurs mais je n’ose tenter d’en savoir davantage. « Je crois qu’elle l’a été pour tous le monde. » Je réponds, avant qu’il ne propose de me raccompagner. C’est la première fois qu’un homme me fait une telle proposition et je sens déjà mon visage chauffer par la gêne. Heureusement que la pénombre me cache légèrement, autrement je ne saurai plus où me mettre. « Je ne voudrais pas abuser. » Je décline gentiment, avant d’avoir une idée. « Mais si tu acceptes que je t’offre un café en guise de remerciement, alors j’accepte ta proposition. » Mince, quelle mouche vient donc de me piquer ? Je l’ignore. Et je sais que si quelqu’un nous voit partir ensemble, cela risquerait bien de provoquer un énième ragot. « Les autres… Je n’aime pas ce qu’ils pourraient penser en nous voyant partir ensemble. » J’avoue alors, en le regardant dans les yeux.

forgive me, I've been lonely.
but it's not like I don't know my way.
but I don't know my way.

Tu esquisses un sourire à la vue d'April, malgré tout. A vrai dire, c'est habituel, tu as beau te tracasser perpétuellement pour des tas de choses, elle, comme ta petite soeur, a cet effet apaisant sur toi et ton esprit troublé. Ce ne devrait pas être le cas, et tu le sais. Tu as tort de laisser les choses évoluer, lentement mais surement, en tout cas dans ta tête. Seulement, c'est plus fort que toi. Cela n'a rien d'étonnant, comment se décide-t-on à se séparer de ce qui nous fait du bien ? En général, on évite de le faire. Parce que ça n'a pas de sens, parce que ça fait mal. Tu es persuadé que tu dois le faire, tout en n'en ayant pas la moindre envie. Alors tu reportes, tu reportes encore et ne dis mot. Ensuite, tu te mens en te figurant que ce n'est rien. Tu sais pertinemment que tu ne mettras jamais fin à votre relation, quelle justification pourrais-tu bien donner à April alors même que rien ne s'est jamais produit. Comme tout le reste, c'est dans ta tête. Tu te projettes beaucoup trop, sans doute car la réalité t'effraie un peu. Ce que tu refuseras toujours d'avouer. Au fond de toi, il y a cet animal pris au piège, apeuré, qui ne cesse de tirer sur la laisse, de te faire reculer contre ton gré, de peur d'être à nouveau écorché vif. On peinerait à y croire, en te voyant ainsi. Sûr de toi, charismatique, toujours si fort et inébranlable. Et puis toutes tes fixettes, tes insécurités, on ne les voit pas. Ou on les oublie. Tu aimes ça, à vrai dire cela te rassure.

Alors, comme toujours, tu mens. Un talent inné chez toi, faisant que tes parents ont toujours mis ta parole en doute. Oh, cela arrangeait bien ta parfaite cadette, à qui ils donnaient toujours raison lorsque vous étiez en désaccord. Quoi qu'il en soit, tu tentes de faire avaler à la jeune violoniste que tu vas bien, que ce n'est que de la fatigue. On croirait entendre un enregistrement, tu ne modifies quasiment plus ta version. Les variantes les plus courantes sont la charge de travail, la maladie, le manque de sommeil, l'un de tes animaux souffrant; enfin, il y a toujours quelque chose et cela ne vient jamais directement de toi. Parce que, toi, tu vas toujours bien. Tu hoches doucement la tête à sa remarque, sans rien ajouter. Sans doute a-t-elle raison, et cela te rappelle l'une des raisons pour lesquelles tu ne te plains jamais: il y a toujours pire. Ne serais-ce que dans ton entourage. Tu cesses de réfléchir et proposes de la raccompagner, sachant que sa voiture n'est pas en état de marche. Tu remarques son hésitation et anticipes un refus bien avant qu'elle ne réponde. Tu ne dis rien, t'apprêtant à prendre congé, lorsqu'elle semble se raviser. En entendant sa proposition, tu penches la tête sur le côté, pour le moins surpris. « Eh bien je suppose que ce n'est pas trop me demander », souris-tu en guise d'acquiescement. Le chien aboie au fond de toi, mais tu ne l'écoutes pas. Tu émets un léger rire en l'entendant s'inquiéter du regard de vos collaborateurs. « Je vois », commences-tu en jetant un coup d'oeil au bout du couloir. « Il n'y a pas trente-six solutions, soit on attend ici qu'ils soient partis, soit on s'en moque. J'ai un penchant pour la seconde option, mais cela n'engage que moi. » Comment dire que tu te fous royalement et ouvertement de ce qu'ils peuvent penser. Tu peux cependant concevoir que ce ne soit pas son cas, ce n'est pas toi qui subis les remarques et autres questions puisque tu prends soin de ne pas te mêler à des conversations concernant quoi que ce soit d'autre que la musique.

Jouer la danse macabre me donne des frissons. Je me souviens de l’enterrement de mon père, où cet air s’est fait entendre dans toute l’église. Un air que j’aurai tant aimé jouer ce jour là, pour que mon père garde en lui ce souvenir. Je sais qu’il est fier de moi, je l’espère du moins, et j’aurai tant aimé lui offrir ce cadeau. Aujourd’hui, j’ai les larmes aux yeux, que je n’hésites pas à fermer pour cacher mes émotions. Je suis bien trop émotive, j’en ai parfaitement conscience mais je ne changerai pour rien au monde. Je suis comme je suis, avec mes qualités et mes défauts et j’espère simplement une chose à cet instant : que Jedediah ne remarque pas mon émotion. La session se termine et je le vois quitter la pièce rapidement, sans un regard. Tant de mystère qui pique ma curiosité au vif, si bien que je me dépêche pour essayer de le rattraper. Je ne le retrouve qu’après quelques minutes, dans un couloir sombre. Je crois que cet homme ne cessera de me surprendre, tant il est difficile à cerner. Mais malgré cela, il m’offre l’envie de le découvrir. Ce mystère que beaucoup considèrent comme étant hautin, moi je le vois comme une carapace. Jedediah est une belle personne, je le sens et le courant qui passe entre nous ne fait que confirmer mes pensées. Quand je suis avec lui, je me sens différente. Protégée, surtout car il dégage quelque chose que je ne saurai expliquer. Nous échangeons quelques mots et il me propose de me raccompagner. Ma voiture a rendu l’âme, ce ne serait pas de refus mais je n’accepte pas immédiatement sa proposition. Puis, après réflexion, je lui fais une autre proposition. Un échange de services, dirons-nous. Jedediah semble surpris mais souris, ce qui me réchauffe le cœur. « Ça me ferait très plaisir. » J’ajoute, pour le convaincre que ma proposition est plus que sincère. Je suis toutefois inquiète du regard des autres, qui ne cessent de m’interroger sur ma relation avec notre dirigeant. Cela semble le faire rire, mais je suppose qu’il ne se doute pas de toutes les choses qui se disent sur nous. « Attendons quelques minutes, si cela ne t’ennuis pas. » Je demande alors, en douceur. « Non pas que cela me dérange d’être vue avec toi mais leurs remarques…. Sont parfois pesantes. Je ne suis déjà pas aidée par l’étiquette "fille de musicien". » Je me justifie, de façon à ce qu'il comprenne que j'endure parfois des situations gênantes. « Dans le noir, au moins nous sommes tranquilles et à l’abri des regards. » J’ajoute en riant, avant de me rendre compte que ma remarque peut être pleine de sous-entendus. « C’était maladroit, pardon. » Et voilà, je me sens rougir à nouveau…

forgive me, I've been lonely.
but it's not like I don't know my way.
but I don't know my way.

Cela te paraît naturel que de raccompagner April. A vrai dire, tu es persuadé que n'importe quel membre de l'orchestre le lui aurait proposé s'ils avaient su qu'elle avait des soucis avec sa voiture. C'est un geste anodin, et ce malgré les relations... différentes que vous entretenez. Elles n'ont à première vue rien de particulier, mais il est plus qu'évident que vous vous entendez mieux qu'un simple chef d'orchestre et l'un de ses musiciens. Tu n'as pas ce type de comportement avec les autres, à vrai dire la plupart d'entre eux ne t'intéressent pas. Oh, sans doute sont-il des personnes très profondes et méritant de l'attention, mais la tienne ne valant pas grand chose ils n'ont pas à s'en faire. Tu n'es pas quelqu'un de facile. Tu n'es même pas logique. A tes yeux, April n'est pas particulièrement chanceuse d'avoir ainsi attiré ton regard, ce serait même plutôt le contraire. Non, tu n'es pas un cadeau.

« Je ne te priverais donc pas de ma compagnie », souris-tu, n'y croyant pas du tout. Tu ne doutes pas qu'April soit véritablement contente que vous passiez du temps ensemble, après tout personne ne l'y force et elle semble en redemander, mais tu n'en comprends pas le moins du monde les raisons. Tu ne fais même pas d'effort. Enfin, quoi que tu fasses, c'est analysé par le reste de l'orchestre et, si tu as déjà pu le constater, elle t'en apporte la confirmation. Tu t'en moques, du moment qu'ils jouent correctement et écoutent ce que tu as à dire les rumeurs ne sont pas ton problème. Qu'ils s'amusent. C'est loin d'être la première fois que l'on parle dans ton dos, invente des histoires, te reproche ce que tu n'as pas fait. Ou fait, d'ailleurs, au bout du compte tu ne saurais trop dire ce dont tu es coupable ou non. Ça n'a pas plus d'importance aujourd'hui que cela n'en avait à l'époque. Les histoires actuelles semblent cependant en avoir pour la jeune femme, et tu acquiesces d'un hochement de tête lorsqu'elle demande à ce que vous patientiez un moment. « Bien sûr, attendons. » Tu n'es de toutes manières pas bien pressé de retrouver ton loft vide. Si ce n'est pour voir Yakko et Wakko, seuls depuis déjà trop longtemps. Tu réalises qu'être en exil, seul à New York, inconnu parmi d'autres, te profite. Personne ne te connait, personne ne te parle de ton géniteur. Gaffney n'est ici qu'un nom, alors qu'en Irlande il s'apparenterait presque à un titre. La remarque de la jeune femme t'arrache à tes réflexions et tu baisses les yeux sur elle, amusé par l’ambiguïté de ses propos mais décidé à ne pas relever. C'est sans compter sur son empourprement et ses excuses. Tu éclates d'un rire franc. « Ne t'en fais pas, j'avais bien compris. » Tu lui adresses un sourire un brin moqueur avant d'aller t'adosser au mur opposé, en pleine lumière cette fois. « Tu ne trouves pas mes choix de morceaux trop déprimants ? » Cette question sort de nulle part. C'est presque une piste sur ton état d'esprit véritable, et pourtant tu ne le fais pas exprès. Semer des indices, ce n'est pas exactement ton genre.

J’ignore pourquoi mais j’aime voir Jedediah sourire. Ses pommettes ressortent, c’est quelque chose de totalement adorable dont il doit probablement ignorer l’existence. Malgré la pénombre, je parviens à voir ses yeux charbonneux, qui semblent briller. Quelque chose chez lui m’attire, quelque chose que je ne saurai expliquer. Je suis d’un naturel plutôt curieux et tant de mystères me donne envie de creuser, de le découvrir. Dès notre premier regard, j’ai tout de suite ressenti l’envie d’en apprendre plus sur lui. Ce qui semble totalement déplacé, certes, étant donné qu’il est mon chef d’orchestre et que je ne devrais même pas m’en approcher. Comment un homme aussi doué que lui peut-il s’attarder sur une petite violoniste comme moi ? Je l’ignore. Mais les rumeurs en disent beaucoup sur nous et commencent réellement à me peser. Jedediah n’a que faire des autres, puisque ces derniers n’osent pas s’approcher de lui. Je suis leur principale cible, une cible facile qui plus est tant je suis quelqu’un de fragile. Il me propose deux solutions et je ne tarde pas à trancher. Je préfère attendre quelques minutes et le jeune homme accepte de respecter mon choix. « Merci. » Je réponds par politesse, toujours avec ce même sourire qui habite mon visage depuis maintenant quelques minutes. Je me perds malheureusement dans une remarque qui peut porter à confusion et je me sens immédiatement mal à l’aise. Heureusement pour moi, Jedediah ne daigne pas relever et se contente de rire, avant de me rassurer malgré tout. Je l’observe se déplacer en pleine lumière cette fois et le regarde, d’un air interrogateur. Est-ce pour me montrer qu’il se fiche pas mal des autres ? Je ne sais que penser de cela mais je préfère en rire. « Tu es un homme très étonnant. » Je me contente de dire, sans pour autant bouger de ma place. Je suis dans l’ombre et cela me va complètement, n’aimant pas franchement être dans la lumière. Sa question m’interpelle alors. « Non, j’aime ce genre de morceaux. Ils sont si… intenses ! » J’admets, avant de me livrer un peu plus. « La danse macabre représente beaucoup à mes yeux… J’en ai des frissons, à chaque fois. » Je n’ose le lui dire mais j’admire sa façon de mener l’orchestre, avec cette intensité mais surtout cette passion qui lui est propre.

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but it's not like I don't know my way.
but I don't know my way.

Les ragots sont un concept qui t'échappe mais, tu l'entends souvent, tu n'es pas fait comme tout le monde. Car tout le monde en colporte, et il semblerait même que tout le monde en soit avide. Toi tu n'en vois pas l'intérêt, généralement ils ne causent que du tort. Tu sais que ce fut le cas avec ton père, et que sa crainte démesurée d'entendre parler de vous en mal t'a fait atterrir à New York il y a de cela quatorze ans. Le moins qu'on puisse dire est que tu n'es pas un grand fan des bruits de couloir. De toutes manières, grognon comme tu l'es, tu n'es pas fan de grand chose, mais tu as appris à ne pas être le rabat-joie de service. Un défaut en moins. Tu fais simplement en sorte de ne pas te préoccuper de tout ce qui ne t'intéresse pas. Ce qui, je vous l'accorde, comprend pas mal de choses. « C'est normal, je te comprends. Je crois », ajoutes-tu avec un sourire, presque énigmatique. Tu n'es pas près d'expliquer le comment du pourquoi tu pourrais comprendre ce qu'elle ressent, mais tu penses sincèrement que le parallèle entre votre situation actuelle et celle vécue lorsque tu n'avais encore que dix-huit ans n'est pas complètement idiot. Une chance que ton père ne soit pas là pour encore t'exiler de l'autre côté de l'océan. Alors que tu te déplaces dans la lumière en calmant progressivement ton éclat de rire, tu relèves les yeux sur April à sa remarque. « Vraiment ? » Tu souris à nouveau, ne sachant trop qu'en penser. Étonnant, oui, sans doute l'es-tu. Tu changes bientôt de sujet, abordant la musique. C'est là-dedans que tu te sens le plus à l'aise, aucune chance que tu te retrouves muet ou embarrassé. Sa réponse étire tes lèvres d'un énième sourire, et tu hoches la tête. Evidemment, la danse macabre ne laisse personne indifférent. Saint-Saëns a ton admiration pleine et entière pour tout ce qu'il a pu composer. « Puis-je te demander ce qu'elle représente ? » Tu as ce sourire doux, que l'on te connaît peu. Car elle ne peut rien inspirer de joyeux, malgré son air entraînant il reste question d'une assemblée sortie de l'enfer. La Mort et son violon. Pour toi, c'est un rappel de la maladie rongeant ta génitrice. Perdu dans tes pensées, tu finis par relever la tête, comme sortant d'un songe. « Je pense qu'on peut y aller », fais-tu après t'être éclairci la gorge.

Je pourrais parfaitement passer au dessus des ragots, essayer de ne pas les entendre mais je n’y parviens pas. Je suis bien trop fragile pour cela, un rien ne peut m’atteindre et je sais que c’est un défaut qui pourrait me nuire au fil du temps. J’aimerais être comme le chef d’orchestre, imposer un tel respect tout en gardant un total mystère sur ma personnalité. Je sais que ce n’est pas chose simple et que je ne pourrai probablement pas y parvenir, malheureusement. Ses mots me font sourire, il a cette façon de s’exprimer qu’il lui est propre. Même dans des propos aussi simples que ceux-là, il parvient à être étonnant, mystérieux. D’ailleurs, je ne tarde pas à le lui dire, ce qui semble le surprendre. Je ne saurai l’expliquer réellement, mais il l’air si détaché du monde qui l’entoure que ça fait de lui un être à part, que l’on a envie de découvrir en profondeur. Je suis très intriguée par cet homme et je pense que beaucoup ont dû le remarquer. « Vraiment. » Je me contente de répondre, en souriant à mon tour. Je n’ai pas la prétention de dire que je le rends différent, mais je ne vois que très rarement son sourire quand nous sommes avec le groupe. Jedediah est différent en dehors de nos entrevues, il semble froid et distant. Le genre de personne que l’on ose atteindre ou embêter, ne serait-ce que pour une broutille. Je ne sais pas comment j’ai fait, mais j’ai l’impression d’avoir percé une partie de sa carapace, ce qui me motive davantage à passer du temps avec lui. Le jeune homme change de sujet et me parle du morceau choisi ce soir, qui me touche beaucoup. Je n’hésite pas à le lui confier, attisant – à ma plus grande surprise – sa curiosité. Ses yeux brillent, son sourire se veut plus doux et tendre. « Elle me rappelle mon père. Ou plutôt, le jour où nous lui avons offert un dernier adieu. J’aurai aimé la lui jouer, mais je n’en ai malheureusement pas eut le temps. Il aimait beaucoup ce morceau. » Les larmes me montent, tant sa perte m’est grande. Mon père, mon pilier, me manque beaucoup et je ne cesse de penser à lui lorsque je joue. Je reprends le contrôle de mes émotions et sors rapidement de ma nostalgie lorsqu’il me propose d’y aller. « Je te suis. » J’annonce, en emboitant le pas jusqu’à sa voiture. Je m’installe sur le siège passager et le complimente, pour le taquiner. « Joli bolide. » Je dis en riant, juste pour le détendre un peu plus encore. Nous arrivons rapidement à mon domicile, situé en plein cœur de Broadway. « Est-ce que tu es toujours partant pour ce café ? » Je préfère lui demander, c’est la moindre des choses.

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but it's not like I don't know my way.
but I don't know my way.

C'est vrai qu'elle te change, qu'à travers son regard tu parais plus humain. Moins inaccessible. Tout cela, ça ne vient pas de toi, tu n'as pas décidé du jour au lendemain qu'April serait l'une des rares personnes à qui tu permettrais de te connaître, à qui tu oserais sourire sans raison. Ça s'est fait progressivement, principalement grâce à elle. Si pas totalement. Tu n'as rien voulu de tout cela, tu n'as pas cherché à ce qu'elle t'apprécie, n'as jamais demandé à entretenir une relation quelconque avec elle. C'est vrai, tu as commencé en lui donnant des conseils, de violoniste à violoniste, monsieur je-sais-tout par excellence. Contrairement à ce à quoi tu t'attendais, elle ne s'en est pas offensée, et vous voilà. Tu n'attends ni n'as jamais rien attendu, après tout vous ne faites que collaborer. Sympathiser. Et puis, tu restes étonnant, elle l'a dit. Comment n'aurait-elle pas remarqué, d'entre tous elle est celle qui s'est le plus approchée de toi, et même un inconnu parfait reconnaîtrait tes étrangetés. Tu ne sais qu'en penser, tu n'as pas l'habitude de te poser trop de questions, surtout pas au sujet de ton propre comportement. En un sens, tu le prends très bien, il est ardu que de te coller une étiquette. « Si ce n'était que ça », souris-tu, amusé. Il est clair que tu n'es pas seulement un homme très étonnant. Tu évoques alors la Danse Macabre, comme pour éviter que vous ne vous concentriez sur toi. C'est presque machinal, tu ne sais pas parler de toi. Des autres, par contre, tu sais parfaitement t'en préoccuper. Et c'est ce que tu fais, encourageant la jeune femme à te confier ce qui la lie à ce morceau. Tu hoches inconsciemment la tête en l'entendant, ne manquant pas de songer à ta génitrice. Tu supposes qu'il ne serait pas déplacé que tu joues à l'enterrement, après tout c'est elle qui t'a ouvert à un fascinant monde musical. « C'est selon les croyances, mais il se peut qu'il t'entende aujourd'hui. En tout cas, tu lui fais honneur, il serait sans aucun doute fier de toi. » Tu ne sais pour quelle raison tu te sens le besoin de la rassurer. Peut-être car ton propre père est loin de l'être, fier de toi. Mais tu ne doutes pas que la famille Hale est très différente de la tienne, surement plus solidaire. Tu lui proposes alors d'y aller, le temps que vous discutiez les lieux ont dû entièrement se vider. Tu passes devant, la menant jusqu'à ta Jeep Grand Cherokee une petite fierté, tu restes un homme. Tu ouvres la portière passager pour la violoniste et la laisses s'installer, souriant à sa remarque. « Je ne suis pas le genre de chef qui conduit une Ferrari, mais je pense effectivement qu'on peut le qualifier de joli. » Tu claques sa portière et contournes ta voiture, t'installant derrière le volant pour conduire jusqu'à chez elle une fois l'adresse annoncée. Ce n'est que lorsque tu te gares tu entends à nouveau sa voix, comme si la proximité des sièges et le fond de musique classique que tu n'as pas pris la peine de couper vous avaient dissuadés de parler. « Si tu es toujours prête à me supporter. » A vrai dire, tu as failli hésiter, la faute à ton esprit troublé et tes craintes irrationnelles concernant les relations. L'amitié, l'amour, et même la famille après ton expérience. Tu n'es pas fiable, tu ne fais donc pas confiance aux autres pour l'être.

Nombreux sont les gens n’osant pas l’approcher, notamment au sein de notre orchestre. Jedediah laisse paraître un caractère froid, que peu osent voir à l’œuvre. Dès l’instant où mes yeux ont croisé les siens, j’ai pourtant ressenti quelque chose que je ne pourrai expliquer. Pourtant farouche envers les hommes, j’ai tout de suite été attirée par ce côté mystérieux, qui me donne envie de creuser, d’en apprendre un peu plus sur lui. Je n’ai pas peur de son côté ténébreux, de cette colère dont il peut faire preuve parfois car j’ai l’impression qu’il est différent avec moi. C’est peut être légèrement prétentieux de ma part, de prétendre le rendre différent, mais c’est réellement un sentiment qui m’occupe depuis des mois. J’ai envie de le connaître, bien que ce ne soit pas recommandé. D’ailleurs, cela me vaut pas mal de remarques, des ragots que j’aurai préféré éviter. Jedediah a toujours été de très bons conseils, d’un point de vue professionnel j’entends. Car notre relation est purement professionnelle, bien qu’un peu amicale, pour le moment. A croire qu’il en faut vraiment peu aux autres pour nous inventer une quelconque relation, ou prétendre des choses horribles à mon sujet. Je suis habituée à cela, depuis ma tendre enfance mais cela ne me rend que plus distante, plus blessée. Heureusement, j’oublie tout cela quand je passe du temps avec le chef d’orchestre, ce qui est d’ailleurs très étrange. Il se fiche pas mal des ragots et je devrais réellement en faire autant, si seulement j’avais sa force et son caractère. Le sujet dérive rapidement sur un de nos favoris : la musique. Le jeune homme me demande mon avis sur certains points et je me confie sur des choses un peu plus personnelles, comme mon attachement au morceau que nous avons joué. Ses mots me font chaud au cœur, si bien que je sens l’émotion me gagner. « Merci, ça me touche beaucoup. Et j’espère qu’il puisse m’entendre, de là où il se trouve. » Cela peut paraître idiot pour ceux qui n’y croient pas mais je suis persuadée que mon père m’observe et veille sur moi. Le fait que Jedediah me rassure est appréciable, surtout que ses mots signifient beaucoup à mes yeux. Nous quittons les lieux au bout de quelques minutes et ne croisons personne, à mon plus grand enchantement. Je me trouve rapidement devant la voiture du jeune homme, qui en impose pas mal. Un 4x4 magnifique, qui lui va comme un gant. Je ne tarde pas à le complimenter, d’ailleurs, ce qui semble lui faire plaisir. Il me propose de monter et m’installe, le laissant ensuite refermer la porte, tel un gentleman. « Je trouve qu’elle te va bien. Même si, compte tenu de ma taille, j’ai l’impression que cette voiture est immense. » Tout semble géant à l’intérieur, autant dire qu’avec mon mètre 57 j’ai plutôt de la place pour m’installer confortablement. Je lui annonce l’adresse et nous ne tardons pas à arriver. Je me sens nerveuse, aucun homme n’est réellement venu dans mon appartement. « Je le suis. » Je réponds, avant de descendre de la voiture. Je le guide jusqu’à mon appartement, qui se trouve au dernier étage. « Tu excuseras le désordre, je n’ai pas vraiment pour habitude de recevoir. » J’ai laissé trainé des partitions dans le salon ainsi que quelques livres. « Bienvenue chez moi. » J’annonce, toujours aussi maladroite et nerveuse à l’idée que mon chef d’orchestre partage un moment avec moi.

forgive me, I've been lonely.
but it's not like I don't know my way.
but I don't know my way.

Si elle avait connaissance de son existence, ta soeur te pousserait dans les bras d'April. Probablement assez violemment et sans le moindre tact, ni envers toi ni envers la jeune violoniste. Elle rêve de te voir avec quelqu'un, n'importe qui, depuis maintenant quatorze ans. Et tu dois avouer qu'April, ce n'est pas n'importe qui. Pourtant, tu ne t'autorises rien, restes en retrait, constamment. Cela n'a rien avoir avec votre travail, après tout tu es un fervent défenseur de ton droit à aimer et être avec qui tu le souhaites, mais tu ne peux pas. Ce n'est ni une question morale, ni une question professionnelle, c'est seulement dans ta tête. Tu ne te le permets pas, sans doute car tu peines encore à te pardonner pour tout ton scandale à Dublin. Tu as trop de problèmes, trop de choses en tête, un passé envahissant. Tu n'apportes rien de bon aux autres, tu en es incapable. En tout cas, c'est ainsi que tu vois les choses. Et puis, pour la première fois de ta vie, tu as peur. Peur de toi, de vous, de ce que cela donnerait. Tu ne veux même pas tenter, la raison prend le dessus, c'est une nouvelle habitude chez toi. De toutes manières, tu refuses toujours d'avouer qu'elle est pour toi plus importante qu'elle-même ne le pense.

Tu n'es pas particulièrement croyant, pour être honnête ce sont des questions que tu ne préfères pas te poser, la vie en pose suffisamment, autant s'interroger sur la mort une fois qu'on y est. Même avec la fin approchante de celle qui t'a donné la vie, tu évites d'y songer. Cependant, tu aimes à penser que monsieur Hale entend bel et bien sa fille jouer. C'est une vision romantique de la mort, où qu'il soit il aurait cette fenêtre ouverte sur le présent, sur elle. Après tout, pourquoi pas. « En tout cas, pour ce que ça vaut, j'admire ta façon de jouer », avoues-tu simplement après qu'elle t'ait remercié et exprimé l'espoir que son père l'entendre bel et bien. Tu ne peux que faire le parallèle avec le tien, qui, au contraire, sera sans doute bien plus en paix s'il ne t'entend pas. C'est amusant comme, au fil des années, sa déception vis-à-vis de toi a pris beaucoup moins d'importance à tes yeux. Tu ne changeras pas pour lui, il n'en a jamais été question.

Vous quittez les couloirs du Lincoln Center pour rejoindre le parking où vous attend ta voiture. Ton bébé, tu mentirais en disant qu'elle n'a pas un certaine importance pour toi. Si c'était le cas, tu aurais fait l'acquisition de n'importe quel véhicule, non d'une Jeep relativement onéreuse. Non, tu l'as choisie avec soin. Tu émets un très bref éclat de rire à la remarque de ta passagère, effectivement assez petite. A moins que tu ne sois grand, tu ne sais jamais. « Je trouve personnellement qu'elle a pile la bonne taille », te moques-tu légèrement, amusé, en mettant le contact. Tu conduis silencieusement jusqu'à chez elle, sur une route étonnamment dégagée, en raison de l'heure sans doute. Confirmant que ta compagnie est toujours souhaitée, April quitte son siège et tu fais de même, lui emboîtant le pas jusqu'à son appartement. « Ne t'en fais pas, j'ai deux chats, autant dire que, chez moi, rien ne reste en place très longtemps. » Deux catastrophes, devrais-tu dire. Ils portent bien leurs noms d'Animaniacs. En entrant, ton regard balaie rapidement la première pièce avant de revenir sur ton hôte, à laquelle tu souris. « C'est joli, chez toi. » Pour tout dire, tu n'es pas très à l'aise, et tu peux parfaitement sentir qu'elle ne l'est pas non plus -cela ne t'aide pas beaucoup. Pour te donner une contenance, tu passes une main dans tes cheveux en regardant un pan de mur pour lequel tu te passionnes soudainement.

Le fait qu’il me complimente sur ma façon de jouer me touche profondément. J’ai beaucoup d’admiration pour le musicien, bien plus qu’il ne s’en doute probablement. Je l’ai souvent observé, durant nos répétition, aussi discrètement possible. Et j’ai remarqué à quel point il mettait du cœur à l’ouvrage, combien il avait l’air de jouer comme si sa vie en dépendait. Cet art n’est pas donné à tout le monde et rare sont ceux qui le jouent à la perfection. Recevoir un compliment de la part d’un grand musicien est loin de me laisser indifférente, je sens d’ailleurs mon cœur qui palpite dans ma poitrine. « Oh je… merci beaucoup, ça me touche. » Je bafouille, comme une adolescente. A vrai dire, je ne m’y attendais pas, ce qui me déstabilise légèrement. Heureusement que la pénombre cache mon visage, qui doit de nouveau être écarlate. J’aimerais tellement pouvoir jouer une dernière fois devant mon père, lui montrer qu’il a eut raison de croire en moi mais surtout lui dire combien je lui en veux de m’avoir abandonnée. Il a toujours refusé que je joue d’un instrument, préférant me préserver de toutes les choses que cela peut engendrer. Ce n’est que lors de ses funérailles que j’ai enfin su la vérité sur cette interdiction, que j’ai compris pourquoi il était si dur avec moi. Et ça me rend triste qu’il n’ai pas été là pour me voir jouer, à chaque fois que je touche mon violon. Nous rejoignons sa voiture au parking et je me permets quelques petits compliments à mon tour. Un brin maladroite, je ne peux m’empêcher de faire un peu d’humour en parlant de sa voiture. Elle me semble immense, tandis que lui la trouve à la bonne taille. « Je pense que tous les hommes ont le même avis. » Je réponds à mon tour, osant une petite phrase pleine de sous-entendus. Que je regrette rapidement, à l’idée qu’il croit encore que je lui fais des avances. Décidément, j’ai tendance à enchainer les maladresses en sa présence, heureusement qu’il ne semble pas m’en tenir vigueur. Je me laisse porter par la musique dans la voiture, attentive à chaque note que l’artiste joue. La musique classique m’apaise et me fait un bien fou. Je remarque à peine que nous sommes arrivés mais reprend rapidement mes esprits. Je le conduis jusqu’à mon appartement, que j’aurai peut-être dû ranger avant la répétition. J’étais loin de me douter que le chef d’orchestre accepterait de venir partager un café, chez moi. A dire vrai, aucun autre homme n’a eut un tel privilège depuis des mois. « J’adore les animaux. » Je me pince la lèvre. Bon sang April, tourne dont sept fois ta langue dans bouche avant de parler. « Je vais ranger tout ça. » J’annonce avant de prendre les partitions pour les ranger un peu plus loin. Un prétexte pour m’éviter une nouvelle bourde, en réalité. Jedediah me complimente à nouveau. « Merci. Tu veux visiter ? » Je demande alors, toujours aussi maladroite. « Ce n’est pas très grand, ceci dit. » Je ris. Ce n’est qu’un petit deux pièces mais je m’y sens bien, c’est tout ce qui m’importe. « Tu sais quoi ? Remettons la visite à plus tard. Je vais nous faire du café. » Je rectifie, tout en allumant la chaine hifi, avant de rejoindre la cuisine. Une fois seule, j’inspire un bon coup pour tenter de me calmer. J’ignore ce qu’il m’arrive mais je n’aime pas du tout ça…

forgive me, I've been lonely.
but it's not like I don't know my way.
but I don't know my way.

Te retrouver chez April te met presque instantanément mal à l'aise, comme si tu prenais maintenant conscience de la singularité de ta présence. Tu as par déjà deux fois eu l'occasion de refuser, mais te voilà dans l'appartement de la jeune femme. Cela parait ambigu. L'est-ce ? Rien que d'y penser, tu en perdrais presque tes moyens. Sans doute car ce que tu ressens à son égard n'est pas totalement innocent, ce dont tu as conscience mais que tu refuses d'accepter. D'identifier. Tu ne peux te le permettre, vous ne pouvez vous le permettre, et elle n'a certainement pas envie que quelqu'un comme toi s'intéresse à elle. Tu n'es ni facile à vivre, ni même compréhensible, et tu supposes que c'est la raison pour laquelle elle est elle-même mal à l'aise. A moins qu'elle ne lise en toi, malgré les efforts que tu fais pour te montrer un minimum détaché. Ne pas y penser, ton regard revient sur la violoniste après avoir parcouru les lieux, et tu tentes un sourire. Elle te propose de visiter, mais son rire te déstabilise et tu n'as pas le temps de répondre qu'elle a changé d'avis. Ta langue semble enfin se délier: « Bonne idée. » Tu te grattes l'arrière de la tête, la regardant tourner les talons sans trouver quoi ajouter. Non, tu n'as rien de plus intelligent sous la main. Tu profites donc de la musique, et de ta soudaine solitude. Tu as beau être seul dans un lieu inconnu, tu es plus à l'aise que lorsque tu étais face à April. De ce fait, tu ôtes enfin ta veste, l'accrochant au porte manteau avant de balayer une seconde fois les lieux du regard. Tu t'approches de la chaine hifi, songeant à ce que tu pourras raconter de plus malin lorsqu'elle reviendra. Une fois tes idées remises en place, tu te diriges vers la cuisine, t'appuyant dans l'encadrement de la porte avant de t'éclaircir doucement la gorge afin de ne pas l'effrayer en l'interpellant directement. « Je suis désolé. De ne pas être très bavard, je veux dire. Je suppose que tu as pu remarquer il y a déjà quelques temps que je suis quelqu'un de peu... loquace, disons. » Tu cherches son regard, ne sachant trop si ce que tu racontes a un quelconque intérêt.

Je m’en veux d’être incapable de dominer les choses. Je manque cruellement de confiance en moi, je suis morte de peur à l’idée qu’un homme que j’apprécie se retrouve chez moi. Jedediah semble tout aussi perturbé que moi, mais j’ai l’habitude de le voir ainsi. Il n’a jamais été très ouvert, j’ai toujours eu du mal à lire dans ses pensées. A comprendre ce qu’il ressentait ou ce qu’il pensait. Le fait qu’il soit chez moi me perturbe et j’en viens même à regretter de l’avoir invité. Parce que je suis incapable de gérer mes émotions, de cacher mes maladresses et ma nervosité. Je dois probablement avoir l’air idiote mais je tente de faire bonne figure parce que j’apprécie sa compagnie. J’ai beaucoup d’espoir en ce rendez-vous, bien que cela ne puisse réellement être qualifié ainsi. Est-ce que Jedediah va s’imaginer des choses ? Je n’en sais rien, je suis littéralement perdue et me perds dans différentes phrases, plus maladroites les unes que les autres. Heureusement, je trouve rapidement refuge dans ma cuisine, où je décide de préparer du café. J’en profite pour sortir quelques biscuits ainsi qu’une bouteille de liqueur, qui se boit avec le café. Un cadeau de mon père, que je ne sors jamais. Je sursaute légèrement quand je l’entends, derrière moi. Le sourire regagne mon visage, de façon instantanée. Jedediah s’excuse et j’avoue être plutôt surprise. « Jedediah, tu n’as pas à t’excuser d’être comme tu es. » Je commence par dire, en m’approchant un peu plus de lui. Amicalement, je pose alors ma main sur son bras, ce qui me provoque un frisson incontrôlable. « Je t’apprécie tel que tu es. Et je... Je pense que ma nervosité me rend suffisamment bavarde pour que tu le sois également. » Je dis d’un air amusé, pour tenter de détendre l’atmosphère. Mes yeux posés dans les siens, je décide de pousser la confidence un peu plus loin. « Tu l’as sans doutes remarqué aussi, je suis plutôt timide et maladroite. Tu vois… Nous avons tous deux nos défauts. » J’ajoute alors, en souriant. J’espère qu’il sera un peu plus à l’aise, plus que moi du moins.

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but it's not like I don't know my way.
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Puisqu'il ne se passe (prétendument) rien, vous ne devriez pas vous trouver si mal à l'aise l'un en face de l'autre. C'est pourtant tout ce qu'il y a de plus simple, vous êtes collègues, vous vous voyez tout le temps, et elle est le seul des musiciens auquel tu parles. S'il faut que votre relation évolue un minimum, cela engendre naturellement que l'un de vous découvre le logement de l'autre. Cela n'implique rien. N'est censé rien impliquer, en tout cas. Tu donnerais n'importe quoi, là tout de suite, pour savoir ce à quoi songe April. Pourquoi elle est mal à l'aise, sachant que tu n'es pas certain de connaître les raisons de ta propre gêne. Quoi qu'il en soit, c'est pour le moins frustrant. Déjà que dans ton état normal, tu n'es ni loquace ni particulièrement chaleureux ou même intéressant, tu fais ce soir preuve d'une totale incapacité à tenir une conversation. Ta présence n'a aucun intérêt, et April doit regretter de t'avoir invité. Tu aurais probablement dû te contenter de la raccompagner, prétexter qu'il se faisait tard et rentrer dormir -oui, tu mènes une existence monotone. Pourtant, lorsqu'elle disparaît dans la cuisine, tu n'en profites pas pour trouver un alibi et t'en aller. Fuir. Au contraire, après tout tu ne voudrais pas perdre ta seule amie de l'orchestre. A moins que tu ne veuilles tout simplement pas perdre April, quoi qu'elle représente réellement pour toi. Tu te retrouves bientôt dans l'encadrement de la porte qu'elle a franchie, et tu la fais sursauter pour la seconde fois de la soirée malgré tes précautions. Cela te fait légèrement sourire. Visiblement surprise par tes excuses, elle les balaie en quelques mots. Elle pose alors une main sur ton bras, et tu baisses vivement les yeux sur celle-ci avant de revenir croiser les siens. « Je ne veux pas te mettre mal à l'aise. » Elle n'a pas tort, sa nervosité ajoute à la tienne. Cela la rend adorable, bien qu'extrêmement maladroite. De ton côté, cela te rend simplement plus inaccessible. Fermé, ce que tu tentes de ne pas être avec elle. Votre actuelle proximité s'avère être un autre facteur de malaise, tu fais donc un certain effort pour lui sourire en retour. « Besoin d'aide avec le café ? » Tu jettes un coup d'oeil derrière elle.

Je me veux un peu de ne pas savoir le mettre à l’aise. Que je sois gênée, c’est un fait qui ne me dérange pas le moins du monde puisque j’en ai l’habitude. Mais que Jedediah semble contrarié, perturbé par ce petit aparté à mon domicile, me rend légèrement distraite. Triste, pour ainsi dire puisque je m’en sens responsable. Il tente malgré tout de me rassurer, en s’excusant d’être comme il est. Et c’est ça qui me dérange, parce que j’aime cette partie de lui et je ne veux pas qu’il se sente coupable de quoi que ce soit. J’aime son mystère, sa façon d’être. D’ailleurs, malgré ma timidité, je le rassure sur le fait que je l’apprécie, sans pour autant le mettre davantage mal à l’aise. Ma main sur son bras semble le perturber lui-aussi, mais je ne relève pas. « Tu n’y es pour rien. Je suis mal à l’aise de nature. Regarde, je rougis pour un rien. » Que je réponds à sa remarque, tout en montrant mon visage en souriant. Je refuse qu’il s’en veuille. Je préfère détacher ensuite mon bras, bien que mon cœur me hurle de rester dans cette position, tout en essayant de relativiser. De me montrer plus amusée par la situation que gênée. Car au final, je suis heureuse qu’il soit là et qu’il ait accepté ce moment que je considère comme privilégié. Peut être que les rumeurs me feront mal, me feront douter de cet acte spontané mais je m’en moque pour le moment. Je veux simplement en profiter. Je continue à préparer un petit gouter sympathique tandis qu’il me propose son aide. Je sais que la proximité que nous venons d’avoir a peut-être été vécue comme un malaise mais j’apprécie qu’il tente d’aller au delà de sa façon d’être, de faire des efforts pour que je passe un bon moment. « Le café est prêt. Par contre, je veux bien que tu prennes ce petit plateau pour l’emmener dans le salon. Je m’occupe des tasses. » J’annonce en souriant. Je n’ai pas l’habitude de partager ce genre de tâches avec quelqu’un, encore moins un homme. Il semble s’exécuter et je le suis de près, avec le café et les deux tasses. Je m’installe alors sur le canapé, près de la table basse où il a déposé le plateau garni. « Tu connais le quartier ? » Je demande alors, pour lancer une conversation. A dire vrai, je m’en moque. J’aimerais beaucoup en apprendre un peu plus sur lui, sur sa passion pour la musique et sur sa vie de façon plus générale. Mais je n’ose pas le lui demander, par peur de le brusquer davantage.

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On te croit intéressant, alors que tu as été incapable d'aligner plus de trois mois depuis ton entrée dans l'appartement d'April. On te dit mystérieux, lorsque tu n'es que renfrogné et asocial. A vrai dire, on s'imagine beaucoup de choses, toujours, et au sujet de tout le monde. Charismatique, cela te fait toujours rire quand on te lâche ce qualificatif. C'est sans aucune doute sans le vouloir si tu l'es un tant soit peu. Tu pencherais pour étrange, ennuyeux, froid, maladroit et arrogant, si tu devais te rencontrer. Négatif, aussi, puisque c'est tout ce que tu vois en toi. Tu ne comprendras jamais comment, sans le moindre effort, tu peux intéresser les gens, quand ceux qui cherchent absolument à être le centre de l'attention ne parviennent qu'à se faire rire au nez. Tu n'es pas comme tout le monde, c'est évident, cependant tu n'as jamais voulu que cela devienne intéressant. Que du contraire, tout cela est fait pour éloigner les gens de toi, avant qu'eux ne s'éloignent de toi. Ça a dû foirer quelque part, puisque tu es là, face à April, sa main sur ton bras comme pour te rassurer après des excuses fondées sur ces mêmes réflexions. Ton étrangeté. « Nos natures ne s'accordent pas vraiment », remarques-tu avec un sourire, sachant que tu es malaisant et elle timide. Tu serais bien incapable de l'aider à se détendre. Tu fais tout de même un effort pour être un minimum agréable, proposant ton aide pour le café. Celui-ci étant fait, tu es plutôt assigné au portage du plateau, tâche dont tu t'acquittes immédiatement en te dirigeant vers le salon avec celui-ci entres les mains, suivi par la jeune femme. Tu déposes le plateau sur la table basse, et t'installes face à April. Histoire d'engager la conversation, elle t'interroge sur ta connaissance des lieux, ce qui a le don d'étirer tes lèvres d'un léger sourire puisqu'il est évident qu'elle meuble. « Broadway... Oui, assez bien. J'ai eu le temps de visiter, je vis à New York depuis quatorze ans. » Tu ne sais pas pourquoi tu le précises, peut-être pour toi-même. « Pourquoi t'installer dans ce quartier ? » Evidemment, il faut que tu retournes la conversation, la détournes de toi et de ta petite vie secrète.

Jedediah n’a pas l’air à l’aise au sein de mon appartement mais cela me donne envie de creuser, de tout faire pour qu’il se sente bien. J’ai réellement envie de le découvrir, de faire tomber cette carapace qui l’habite et qui semble solide comme de la roche. Les gens disent de lui que c’est un homme inaccessible, indomptable. Je sens bien qu’avec moi, les choses sont légèrement différentes. Je n’ai pas la prétention de dire que je le rends meilleur, loin de là, mais je vois bien qu’il cherche à faire des efforts. Que quelque chose s’est créé entre nous et j’apprécie énormément sa compagnie, aussi étrange soit-elle. Je ne peux m’empêcher de rire légèrement quand il annonce que nos natures ne s’accordent pas. Il a raison, mais on m’a toujours dit que les opposés éprouvent une certaine attirance l’un envers l’autre. A quoi bon partager des choses avec quelqu’un de similaire, d’identique. Je ne trouve pas cela enrichissant, les différences sont une force et c’est probablement ce qui fait la force de notre relation si ambiguë. Jedediah n’a pas l’air prêt à se détendre mais je ne relève pas, préférant trouver un nouveau sujet de conversation. Assis dans mon petit salon, je ne parviens pas à réaliser que je suis en train de partager un café avec mon maître d’orchestre. Cet homme si froid, que tout le monde redoute. Jedediah me confie alors qu’il connaît bien mon quartier, vivant à New York depuis quatorze années. « D’où es-tu originaire ? » Je demande aussitôt, curieuse d’en apprendre un peu plus. Le jeune homme se distingue par un accent plutôt prononcé, je ne peux le nier, mais je ne suis jamais réellement parvenue à l’identifier. J’apprécie son effort lorsqu’il me demande pourquoi j’ai choisi de m’installer ici. Un sourire s’installe de nouveau sur mon visage, un sourire qui n’est jamais réellement éteint quand je suis en sa compagnie. « Serait-ce original de dire que c’est pour la musique ? » Je dis en riant, avant de reprendre. « J’aime l’ambiance qui s’en dégage, la festivité. C’est agréable et puis, c’est conseillé pour les gens timides comme moi. » J’avoue alors, prenant ainsi ce quartier comme une véritable thérapie. « Je… J’aimerais beaucoup que tu me parles de toi… » Je souffle, d’une voix plus basse que d’ordinaire, sachant pertinemment que c’est une peine perdue. Jedediah est un homme mystérieux, et cette attirance qui ne cesse de grandir en moi semble me jouer des tours.

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but I don't know my way.

Cette parenthèse tout ce qu'il y a de plus banal a pourtant quelque chose d'invraisemblable, car il ne s'agit pas de prendre un café entre collègues, mais de prendre un café tous les deux, ce qui n'a rien de naturel. April et toi, ou même n'importe qui et toi, c'est improbable. N'importe qui d'autre n'aurait même pas pris la peine de te proposer d'entrer, sachant que dans des circonstances normales tu aurais refusé. Si tu avais toute ta tête, tu aurais refusé. En présence de la jeune violoniste, tu n'es plus le même, tu déploies des efforts surprenants pour te montrer agréable, là où justement tu n'as rien à faire que d'autres te considèrent insupportable. Tu t'étonnes parfois toi-même, lorsque tu te prends à t'ouvrir un peu, ou à sourire sans la moindre raison. Ta nature première resurgit, alors que tu l'avais si bien enfouie toutes ces années durant. Une fois installés, votre conversation s'oriente sur le quartier, Broadway, et tu fais en sorte de ne plus te concentrer sur la carapace dont tu avais cru combler chaque faille avec le temps. Ainsi, tu évoques ton déménagement avec un naturel qui ne te ressemble plus. Habituellement, parler de toi est une torture, mais tu acceptes sans réfléchir de répondre à sa question. Une simple ville, et c'est déjà en apprendre plus à ton sujet que certains n'en ont appris en plusieurs années. « De Dublin », souris-tu, comme si la simple évocation de ta ville natale suffisait à te rendre heureux. Alors pourquoi la quitter, se demandera surement April. Oh, ce n'est sans aucun doute pas la première question sans réponse à laquelle elle doit faire face te concernant. Tu fais rapidement en sorte d'en revenir à elle, t'intéressant aux raisons de son emménagement. Un sourire étire tes lèvres en réponse au sien. « Ah bon ? Et ça fonctionne ? » L'ambiance festive de Broadway, ce n'est pas toi, tu colles bien plus à Brooklyn, mais tu avoueras que c'est plaisant de temps à autre. Tu portes ta tasse à tes lèvres, et c'est le moment que choisi la jeune femme pour te confier qu'elle aimerait que tu lui parles de toi. Tu prends ton temps pour avaler, retardant l'instant où il te faudra répondre. Par la négative ? C'est ce que tu devrais faire, tu ne peux la laisser te découvrir, tu n'as jamais voulu partager ton passé avec qui que ce soit. Apparemment, c'est un soulagement, mais tu ne veux pas être délesté de ce poids, à vrai dire tu y es si accoutumé que ne plus le porter ferait un vide. « Tu sais... Tout n'est pas forcément bon à savoir. » Tu déposes ta tasse sur le plateau et passes une main dans tes cheveux, un peu embêté. « Tout dépend de ce que tu veux savoir », accordes-tu finalement. Il y a évidemment des choses que tu peux dire, sans crainte ni honte. Tu peux parler de ta soeur, voire même de l'état de santé de ta mère même si c'est malaisant. Tu peux évoquer la naissance de ta passion pour la musique, tes chats. Oui, il suffit à April de te lancer sur le bon sujet pour que tu ne te montres pas trop farouche.

Lorsque le silence s’installe, aussi court soit-il, je me surprends à l’observer bien plus en détails que d’ordinaire. Je ne peux m’empêcher de remarquer à quel point son regard peut subjuguer, ou cette petite fossette qui s’invite dans le creux de sa joue lorsqu’il sourit. C’est adorable, je doute qu’il n’en ait réellement conscience et jamais je n’oserais le lui confier. Je crois que je ne l’ai jamais vu sourire autant, bien que notre relation soit restée plutôt « professionnelle » jusqu’à aujourd’hui. J’apprécie sincèrement ses efforts et je ne peux me mentir : cela me fait quelque chose d’avoir le privilège de le recevoir, de le découvrir de façon plus personnelle. Il évoque sa ville natale et je sens rapidement que celle-ci lui tient à cœur. Je n’ai pas la chance d’avoir beaucoup voyagé, bien que les occasions n’aient jamais réellement manqué. Disons plutôt que la peur de l’inconnue m’a souvent habitée – m’habite toujours même – et je n’ai jamais sauté le pas. Sans parler de ma phobie pour l’avion, dont j’ignore si j’aurai un jour la force de surmonter. « C’est une jolie ville à ce que l’on raconte. » Je réponds, sans lui en demander plus sur sa venue ici. Je lui parle ensuite du quartier, qu’il m’indique connaître parfaitement. Cet endroit est un peu une thérapie pour moi, d’ailleurs je ne me retiens pas de le lui confier, ce qui semble le surprendre et l’amuser. « Et bien, j’avoue que je n’ai pas encore mis en pratique le côté festivité. Je n’en suis pas très fan, tu ne me verras que très rarement dans un pub bien trop bruyant, une bière à la main. » Je réponds en riant légèrement. A dire vrai, je ne suis pas certaine qu’il aime ce genre d’endroit. Je l’imagine mal passer son temps libre entouré d’inconnus, dans un endroit où le bruit est bien trop fort pour avoir une discussion convenable avec quelqu’un. Je lui demande de me parler de lui, sans trop savoir quelle mouche vient de me piquer pour m’immiscer autant dans sa vie privée. La curiosité, probablement, mais surtout les battements de mon cœur qui en disent long sur l’attirance que je commence à avoir pour cet homme inaccessible. Le silence s’installe à nouveau, si bien que j’en viens à regretter mes paroles. Heureusement, il ne tarde pas à me répondre en se montrant encore plus mystérieux. « Je suppose que la facette de ta personnalité qui m’intrigue le plus n’est pas quelque chose dont tu aimes parler, ni même quelque chose qui me regarde. » April, arrêtes immédiatement. Ma conscience me hurle de me stopper mais les mots sortent de façon trop spontanée. « Alors je te laisse me dire quelque chose que j’ignore, quelque chose dont tu as envie de me faire part. » Je me dégonfle, incapable de me montrer trop curieuse pour lui demander ce qui explique sa méfiance envers les autres, son mystère.

forgive me, I've been lonely.
but it's not like I don't know my way.
but I don't know my way.

Tu n'as pas conscience du regard que pose April sur toi, c'est à peine si tu réalises qu'elle te regarde alors identifier la manière est bien au delà de tes compétences. C'est sans doute mieux ainsi, tu ne saurais où te mettre si tu comprenais pleinement ce qui se passe entre vous et en vous. Tu n'as jamais compris ce qui pouvait plaire chez toi, tu n'as pas non plus cherché. Disons que tu l'as accepté, cessé de te dire qu'il fallait que quelque chose cloche également chez elles pour qu'un homme tel que toi intéresse les femmes. Du coup, tu es loin de te douter que ce que tu refuses d'avouer que tu ressens n'est pas à sens unique. Jamais tu n'aurais la prétention de l'imaginer. Cela doit plus relever de la lucidité que de la prétention, mais peu importe puisque tu ne possèdes ni l'une ni l'autre. Vous évoquez Dublin, ce qui te me instantanément en joie. Tu pourrais en parler longuement, pour ne dire rien principalement, pour t'extasier, pour te souvenir, faire rêver. Mais tu ne le fais jamais, tu aurais trop peur d'endormir les gens avec tes histoires sur les étendues vertes et leurs moutons, car évidemment il ne s'agit que de cela et pas de ton passé. Tu hoches la tête à sa remarque, reconnaissant qu'elle ne creuse pas plus que cela concernant tes origines. « La plus belle, mais je ne suis pas objectif. » Tu souris, ne demandons pas à un fier irlandais de classer sa capitale. « Voilà un point sur lequel nous nous ressemblons », notes-tu au sujet du côté festif de Broadway, des pubs et de la bière. Pourtant, tu es de Dublin, c'est vrai, mais tu as vu trop d'ivrognes que pour te laisser entraîné dans ce genre de spirale. De plus, très méthodique, tu ne supportes pas que ton esprit ne soit pas parfaitement clair. Pour ce qui est de traîner dans les bars, cela t'arrive, mais plus lorsque tu ne veux pas rentrer faire face au néant de ton existence et n'as pourtant rien d'autre à faire. A choisir, tu préfères passer un peu de temps dans un pub. Bien malgré toi, tu t'y es fait des amis, à commencer par le barman lui-même. Mais tu t'y crées surtout des ennuis. Le cours de tes pensées est interrompu par la requête d'April, à laquelle tu peines à répondre. Tu ne veux pas la décevoir, ni la vexer en refusant catégoriquement ce qui lui ferait probablement croire que tu ne lui fais pas confiance. C'est pourtant le cas, tu as confiance en elle, sans même savoir pourquoi. Seulement, tu ne sais pas t'ouvrir, tu ne sais plus. Tu t'es fermé comme un huître, scellé depuis bien trop longtemps, et faire tomber les barrières que tu as érigé entre le monde et toi semble désormais impossible. « Tu dois t'imaginer que je suis quelqu'un de particulièrement intéressant pour être si secret », souris-tu, amusé. Tu te mordilles la lèvre inférieure, réfléchissant, et reprends ta tasse à deux mains pour te donner une contenance. « Eh bien... j'ai une soeur, de trois ans ma cadette. Elle est tout à fait mon opposé, si ce n'est physiquement. » Tu croises le regard de la jeune femme, haussant légèrement une épaule avant de sourire en songeant à ta petite soeur. « Mais je ne crois pas que c'est ce qui t'intéresse vraiment. Pose-moi ta question, je promets d'essayer d'y répondre », fais-tu, ton regard sombre toujours rivé au sien.

J’ai toujours rêvé de voyager et, en me tenant face à mon chef d’orchestre, je me sens libre. Il me parle de sa ville natale, Dublin. J’en ai déjà entendu parler, pour ne pas mentir, mais n’ai jamais eut la chance de m’y rendre. Il paraît qu’elle offre un paysage magnifique, ce que je ne tarde pas à dire pour combler le silence. L’Irlande est un pays qui regorge de culture et de magnifiques paysages. Je rêve de m’y rendre, de visiter les longs territoires verts et vides de toute habitation. « Je veux bien te croire. » Je réponds en le taquinant légèrement, avant qu’il n’admette notre point commun pour les endroits festifs. Je n’en doutais pas une seule seconde. Jedediah n’a rien d’un homme adorant les fêtes, le bruit et l’alcool coulant à flots. Cela se voit, il a l’air beaucoup plus posé et solitaire que cela. Un point qui nous rapproche légèrement plus, ce qui réchauffe mon petit cœur fragile. J’ignore pourquoi, mais je suis heureuse que nous partagions ce nouveau point en commun. C’est idiot et puéril, je suppose, mais je n’y peux rien et ne peux me voiler la face en pensant que cela ne signifie rien. Ce serait mentir que de dire que je reste innocente face à lui, que je ne ressens rien d’autre que du profond respect. Plus le temps passe, plus je ne peux cacher ces vibrations qui tiraillent mon ventre, que d’autres appellent les papillons. Heureusement, cela ne peut se lire sur mon visage autrement je serais déjà morte de gêne à l’idée qu’il découvre mes sentiments. Les mots m’échappent et je lui propose de m’en dire plus sur lui, bien trop curieuse que je ne le devrais. Jedediah ne répond pas immédiatement, préférant faire durer le mystère en me disant que tout n’est pas forcément bon à entendre. Je ne veux pas le brusquer, je souhaite juste en apprendre davantage sur lui notamment sur ce côté si solitaire et mystérieux qui prend le dessus sur lui. « Ce n’est pas le côté secret qui te rend intéressant mais plutôt ce que tu dégages. » Oops, là encore c’est peut-être trop direct. Il se dévalorise, ignorant totalement le nombre de choses qu’il peut dégager quand on l’observe ne serait-ce que quelques instants. Je me sens rougir légèrement mais décide de passer outre. « Ta sœur a presque mon âge, alors. » Une fois encore, ma remarque est idiote mais je ne veux pas trop m’immiscer dans sa vie privée. Jedediah décide de faire un pas en avant, en m’offrant le privilège de lui poser cette fameuse question qui me brule les lèvres. Ses yeux me font littéralement fondre, bien que ma nervosité n’aide en rien à me sentir plus à l’aise. « Je… Je me demandais juste ce qui te rendait si mystérieux et froid avec les autres. Mais ce n’est pas une question qui se pose, je suis désolée. » Je fonds en excuses avant de me lever pour débarrasser le plateau de la table, les tasses n’étant plus à l’intérieur. En fait, j’ai besoin de souffler et de reprendre mes esprits parce qu’il me perturbe littéralement. « Je… Je reviens. Je vais ranger ça. » Je me justifie avant de tourner les talons.

forgive me, I've been lonely.
but it's not like I don't know my way.
but I don't know my way.

Tu parles de Dublin, et cela pourrait durer des heures mais tu te contentes du minimum. D'admiration mêlée d'une pointe de mélancolie qu'il t'est impossible de masquer, même avec toute la bonne volonté du monde. Tu aimes ton pays, ta patrie, et tu en as été éloigné il y a déjà bien longtemps. Certes, tu aurais pu y retourner, personne ne pouvait véritablement t'en empêcher, mais tu as préféré obéir à ton père, et puis tu t'y es fait. Tu n'envisages pas de t'installer ailleurs qu'à Dublin s'il te fallait rentrer, et côtoyer ton géniteur est la dernière chose dont tu aies envie. Tu ne saurais dire si tu seras un jour capable de le pardonner pleinement, cependant tu finiras par rentrer c'est une certitude. Sans doute pas définitivement, mais le domaine qui t'a vu grandir aura droit à un retour. La conversation dérive, tu perds le fil de tes pensées et laisses bientôt Dublin derrière toi pour revenir à Broadway, aux fêtes et à l'alcool que tu n'apprécies guère plus que cela. Au point que c'en est évident: tu n'es pas un party guy, cela se voit sur ton visage. April l'a évidemment remarqué, et tu commences à comprendre qu'elle est la personne qui te connait le mieux, ici, à New York. Elle n'en a probablement même pas conscience, étant donné qu'elle ne sait presque rien, mais presque rien c'est toujours plus que le néant total d'informations que tu as laissé deviner aux autres. Tu n'aimes pas que l'on te connaisse, tu as peur que l'on te connaisse, de fait tu n'as jamais laissé personne approcher autant qu'elle en si peu de temps. La preuve est là: tu la laisses t'interroger. Jamais tu n'aurais permis à qui que ce soit d'autre d'essayer de te connaître, plus depuis longtemps. Un vague sourire étire tes lèvres lorsqu'elle évoque ce qui te rend selon elle intéressant. Tu n'en sais rien, après tout tu aurais du mal à savoir ce que tu dégages. « Ce n'est clairement pas voulu », fais-tu avec un léger haussement d'épaules, toujours plus amusé qu'autre chose. Tu en viens à ta soeur cadette, plus détendu que prévu car évoquer la jeune femme a quelque chose de rassurant, elle est bien le seul membre de ta famille avec lequel tu n'as pas de problèmes. Du moins, pas vraiment, disons qu'elle ne t'a pas explicitement reproché ton absence des quatorze dernières années. « Effectivement, elle est à peine plus âgée. » Tu esquisses un sourire, bien que sachant que vous ne faites que tourner autour du pot. Elle ne veut pas savoir combien d'années la séparent de ta soeur, ni même comment tu t'entends avec elle ou à quoi elle ressemble, du moins ce n'est pas ce qui l'intéresse principalement. Mais toi, cela te met clairement plus à l'aise. Cependant, tu résistes à l'envie de faire durer cette conversation sans intérêt et lui demandes d'aller droit au but. Ce sera plus simple, et il se peut que tu répondes. Éventuellement. Peut-être. A voir. Ton regard trouve le sien, et tu ne parviens plus à t'en détacher. Malgré toi, tu souris. Ses aveux te laissent muet, comment expliquer cela ? C'est compliqué serait la réponse idéale, bien qu'à connotation facebookienne un peu débile. Tu n'as pas le temps de trop y réfléchir, April se lève et tu fais machinalement de même. Perdu, tu la laisses filer. Tu inspires un coup avant de la rejoindre, te plaçant à nouveau dans l'encadrement de la porte de la cuisine. « J'ai une relation très complexe avec mon père. C'est un homme important en Irlande, et il a pris pas mal de décisions qui... elles étaient meilleures pour lui que pour moi ou ma soeur, disons. » Tu fixes le sol pour ne pas avoir à la regarder. « April, la raison pour laquelle je suis comme je suis, c'est que j'ai peur. Et je n'ai pas confiance, surtout pas dans les autres. J'ai été séparé d'une personne que j'aimais profondément, et depuis maintenant quatorze ans je fuis cela, je refuse de le revivre. » Tu déglutis difficilement, un sentiment d'impuissance et de vulnérabilité t'envahissant tout à coup. Voilà pourquoi tu n'en parles pas. Voilà pourquoi jamais on ne t'entend évoquer ton passé. Et encore, tu as simplifié pour elle. Entrer dans les détails te mettrait dans une situation mille fois plus déplaisante. Tu ne regardes toujours pas April.

» But the moment you're gone all my colors fade w/hope
» sleight of hand and twist of fate / aria
» Hope is a christmas gift (Diana)
» all you had to do was stay w/hope
» spectrum of light (hope)